samedi 3 novembre 2012

Après la visite de Benjamin Netanyahou en France

La visite du premier ministre israélien aurait pu être un évènement diplomatique tout à fait banal, mais François Hollande a voulu en faire autre chose.

Netanyahou se proposait sans doute d'évoquer à Paris deux grandes questions: l'armement nucléaire imminent de l'Iran, et la demande palestinienne d'un état observateur à l'ONU. Chacun de ces thèmes est plus complexe qu'on ne le croit.

La nucléarisation de l'Iran, a été fermement dénoncée par François Hollande comme une menace non pas locale, mais planétaire. "L'arme nucléaire, si elle était possédée, maitrisée par l'Iran, ne serait pas simplement une menace par rapport à Israël, mais une menace par rapport à l'ensemble de la région et aussi par rapport au monde."

Cependant la recommandation du Président, les sanctions comme priorité, n'est qu'en partie pertinente. Cela dépendra beaucoup du prochain locataire de la Maison Blanche. Netanyahou a logiquement plaidé pour qu'une ligne rouge soit clairement indiquée à l'Iran. Mais les Occidentaux, dont la France, ne veulent pas se contraindre à une action militaire, autorisant indirectement les ayatollahs à persister dans leur terrible projet. La reconduction de Barack Obama et l'imminence de la première bombe khomeyniste contraindraient Israël à agir seul, la pire des solutions à l'exception du laisser-faire. L'arrivée de Mitt Romney pourrait au contraire influencer de façon décisive le comportement de Téhéran: il faut avoir en mémoire la libération immédiate des diplomates américains pris en otage en 1981, huit minutes seulement après l'installation de Ronald Reagan en lieu et place de l'insignifiant Jimmy Carter.
 
Sur la perspective d'un Etat palestinien "observateur" obtenu par un vote automatique de l'Assemblée générale de l'ONU, François Hollande a confirmé une fois encore sa position, totalement démarquée de celle du PS de Martine Aubry. L'Etat palestinien très souhaité ne pourra être créé qu'à la suite de négociations avec Israël. " Il y a aussi la tentation pour l'Autorité palestinienne d'aller chercher, à l'Assemblée générale des Nations Unies, ce qu'elle n'obtient pas dans la négociation. Seule la négociation pourra déboucher sur une solution définitive à la situation de la Palestine." Le président rejoint ainsi un consensus euro-américain pour dissuader un Mahmoud Abbas de plus en plus affaibli, de bloquer pour longtemps toute perspective de compromis.
 
Dans la réalité les choses sont beaucoup plus compliquées. Les "printemps arabes", devenus de sinistres printemps islamistes, privent durablement les Occidentaux de leurs points d'appui, ces "partenaires" que constituaient les précédents dictateurs arabes. Israël est à peu près le seul endroit fiable et consistant dans un Moyen Orient devenu la proie des frères ennemis perses et turcs. D'où un bémol aux envolées anti israéliennes traditionnelles exigées des Occidentaux par les despotes déchus. Pire encore, Mahmoud Abbas, le partenaire naturel de la paix, adulé par les Occidentaux, est aujourd'hui ridiculisé par le camp extrémiste sunnite conduit par le Qatar et la Turquie. La visite du potentat qatari Al Thani à Gaza consacre un espèce d'Etat du Hamas, au moment où le parti de Abbas ne parvient pas à remporter chez lui des municipales où son ennemi intime ne concourt même pas.
 
Quelle négociation et quoi signer avec cet interlocuteur bien averti de sa propre impotence ? Tout le monde est conscient de la fiction qu'il constitue, mais faute d'alternative il faut bien psalmodier une rhétorique de paix. En évoquant un coup de fil élyséen à Ramallah pour entamer des négociations le jour même à Paris, Netanyahou a donné une leçon de politique internationale à l'opinion française, démontrant en temps réel qui doit réellement endosser la responsabilité qu'on impute à Israël du refus de négocier.
 
Cependant, ce qui fait le sel et l'importance de la visite de Netanyahou à Paris, c'est la décision de François Hollande de l'accompagner à Toulouse pour son hommage aux victimes juives de l'école Ozar Hatorah (ayant la double nationalité israélienne). Netanyahou ne pouvait pas y associer les victimes non juives, pour ne pas être accusé d'ingérence déplacée dans les affaires du pays hôte.
 
L'émotion ressentie en commun par les deux chefs d'Etat, la chaleur authentique de leur relation, ont frappé les observateurs. Cependant, on ne gouverne pas avec des émotions, fussent-elles positives et bienvenues. En accompagnant Netanyahou sur le site d'un sauvage attentat antisémite, François Hollande faisait un geste politique tout à fait réfléchi. Il signifiait aux djihadistes et aux apprentis djihadistes hexagonaux qu'ils allaient trouver l'Etat français devant eux, et que ce qu'on avait laissé faire (voitures brûlées, déprédations, attaques de pompiers et de policiers, "incivilités" sans nombre) on ne le tolèrerait pas pour les passages à l'acte antisémite. "Il y a un antisémitisme. Nous devons le pourchasser, le poursuivre et l'éradiquer."
 
Ce faisant, Hollande ré-ancrait l'état français dans des options pluri décennales qui s'étaient progressivement fanées sous Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand, plus encore sous Lionel Jospin et Jacques Chirac.
 
Ce revirement, cette réaffirmation, ont été très mal vécus par les professionnels anti-Israël des média et de l'enseignement supérieur. Ils était déjà alarmés par l'effacement progressif de l'actualité du conflit israélo-palestinien. Rien ne justifie à leurs yeux qu'on cesse de bastonner obsessionnellement Israël, ni les printemps arabes, ni les dizaines de milliers de victimes syriennes, ni l'hégémonie évidente du Hamas raciste et jihadiste, devenu pour eux fréquentable malgré ses centaines de missiles tirés en 2012 sur les civils du sud d'Israël. En détournant les media du Service public financés par l'argent des citoyens, ils ont tenté de relancer une campagne permanente de haine contre l'Etat juif. En témoignent la chanson de Jean-Pierre Filui exécutée par Zebda et relayée par France Inter, le brulot de Carole Gaessler, la prestation d'une Houria Boutelja sur LCP. Tout en haut d'une pyramide de dépit, l'éditorial du Monde du 1er novembre. " la France aurait dû s'insurger à l'occasion de la visite, cette semaine à Paris, du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou... la politique européenne suppose une condamnation sans appel des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens..."
 
Le problème des professionnels anti-Israël des média et de l'enseignement supérieur, c'est que les antiennes s'épuisent, c'est que l'histoire ne va pas dans le sens qu'ils escomptaient. L'histoire contemporaine, c'est la transmutation du retard arabe contemporain en pur islamisme, c'est la montée du péril nucléaire iranien sur l'Europe aussi, c'est la déstabilisation des sociétés de l'Ancien monde sous l'impact de l'obscurantisme sanguinaire venu d'Orient dans certains secteurs de l'immigration. Priorités qui relèguent l' "Israel bashing", dans son essence, au statut d'objet en voie de fossilisation.
 
Alors s'en prendre maladivement à Israël est une addiction qui est peut-être en train de passer de mode
 
par Jean-Pierre Bensimon, le 3 novembre 2012

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