mercredi 4 décembre 2013

L'Iran tire avantage du retard dans le lancement des négociations sur les armes nucléaires avec l'Iran.

Il y a les six mois d'intérim prévus par l'accord sur le programme nucléaire iranien, un échange de sanctions allégées contre le gel du programme. Et voila qu'il y a un nouvel intérim avant que l'intérim ne commence.

Dans le sillage du pacte historique obtenu le mois dernier par l'Iran et les grandes puissances on n'a pas beaucoup souligné que techniquement, l'accord n'est pas encore en application. Une commission d'experts américains, russes, allemands, britanniques, chinois et français, en collaboration avec l'Iran et l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) doivent d'abord arrêter des détails techniques avant que l'accord officiel ne prenne effet.

La première réunion n'est pas prévue avant janvier. Et même à ce moment-là on ne sait pas clairement combien de temps il faudra pour aboutir à un accord.

« Évidemment, à partir du début de ces discussions techniques-, je suppose que le chronomètre démarrera,» a déclaré Jen Psaki, le porte-parole du Département d'État lors d'un point de presse le 27 novembre.

Aux termes de l'accord de Genève du mois dernier, l'Iran a accepté de limiter ses activités d'enrichissement de l'uranium à 5 %, de geler la plupart de ses centrifugeuses et de stopper la construction de son réacteur au plutonium. (1) En échange il devrait bénéficier d'un allégement des sanctions pour un montant d'environ 7 milliards de dollars.(2)

Le président Obama a fortement soutenu l'accord, dont le but était d'établir une fenêtre de six mois dans lesquels un accord définitif sur le programme nucléaire de l'Iran serait négocié et conclu. Les critiques de cet accord, au premier rang le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, considèrent qu'il constitue une erreur de portée historique, car il permettrait à l'Iran de progresser vers l'acquisition d'un armement nucléaire.

Certains critiques soutiennent que l'incertitude actuelle sur le démarrage de négociations joue en faveur de l'Iran.

« Chaque jour qui passe sans contraindre l'Iran à réduire le périmètre de son programme nucléaire lui permet de tirer des bénéfices sur le marché psychologique de la peur. Les poches de ce régime avide se remplissent d'argent sans que la croissance de sa capacité nucléaire soit altérée, » a déclaré Mark Dubowitz, le directeur de la Fondation pour la défense des Démocraties, qui a contribué à définir la plupart des sanctions qui ont été adoptées ces dernières années par le Congrès.

Un collègue de Dubowitz, le vice président de la Fondation pour la défense des démocraties, Jonathan Schanzer, à rédigé un tweet sur une information des médias arabes selon laquelle les compagnies pétrolières européennes étaient déjà en train de programmer la reprise des affaires avec l'Iran. Selon une source, le géant pétrolier français Total aurait déclaré à la fin du mois dernier qu'il exécuterait de nouveaux contrats avec l'Iran dès la levée des sanctions.

Ron Dermer, le nouvel ambassadeur d'Israël à Washington avait aussi utilisé cet argument pour évoquer un renversement de tendance. Lors de rencontres avec des membres du Congrès et des associations juives, Dermer a soutenu qu'avant de signer un accord, des sanctions sévères et la perspective de leur aggravation auraient jeté l'Iran à terre. Cependant une fois l'accord obtenu, la tendance pourrait s'inverser. Les entreprises qui craignaient auparavant de se couper de l'économie américaine, se sentiraient libre de reprendre des activités avec l'Iran. 

Les responsables de l'administration Obama rejettent catégoriquement ce scénario. Selon eux, les principales sanctions, celles qui frappent en Iran les secteurs de l'énergie et de la banque, resteront en place pendant les négociations de la phase intérimaire.

« Aujourd'hui nos sanctions restent en place, » a affirmé à l'Agence télégraphique juive John Sullivan, le porte-parole du Bureau de Contrôle des sociétés étrangères, la section du Trésor chargé de l'application des sanctions.
«Un pilotage scrupuleux des mesures d'allégement sera mis en œuvre par le Trésor et nos partenaires des autres agences. »

« Ce que nous avons négocié est clair et bien délimité. Nous continuerons à renforcer agressivement nos sanctions. »

Alireza Nader, un expert de l'Iran à la Rand Corporation, un think tank étroitement lié aux milieux de la Défense américaine, a prétendu que même les nations et les entreprises qui attendent impatiemment la levée des sanctions ne les contourneront pas dans l'immédiat de crainte de se couper des États-Unis. L'Inde et la Chine risqueraient d'être exclues de certaines négociations avec l'Iran s'il était avéré qu'elles lançaient de nouveaux programmes de collaboration économique avec ce pays.

Selon Nader, « la plupart des pays craignent toujours établir des liens normaux avec l'Iran dans le domaine de l'énergie... Dire que tout cela conduit à la reprise des contrats de Total avec l'Iran est erroné... On a le droit d'être inquiet quand on passe d'un mode de restrictions croissantes à un mode d'allègement, mais l'accord est structuré de telle façon que toutes les sanctions sont réversibles et que l'argent ainsi gagné ne représente qu'une goutte d'eau dans la mer.» (3)

Notes du traducteur
 
(1): Selon de nombreuses sources les capacités d'enrichissement des centrifugeuses seraient conservées, et la construction du réacteur se poursuivrait, seule sa mise en service restant en suspens.

(2) De nombreuses sources évoquent le chiffre de 11 milliards de $ ou davantage.

(3) Alireza Nader donne la version de la Défense, c'est-à-dire du cercle le plus proche d'Obama. Cependant, dans les dix jours qui ont suivi l'accord intérimaire, une véritable fièvre s'est emparée des milieux économiques occidentaux qui exercent d'ores et déjà, en France, au Royaume Uni, en Allemagne et aux États-Unis, d'intenses pressions pour une normalisation économique avec l'Iran.

Titre original : Delay in launch of nukes deal gives Iran an edge, some say
par Ron Kampeas , pour l'Agence Télégraphique Juive (JTA), le 3 décembre 2013.
Traduction : Jean-Pierre Bensimon

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