jeudi 30 avril 2015

Les songes absurdes du Président Obama à propos de l'Iran

Les risques irréversibles de l'accord Obama avec l'Iran : la contribution de Mortimer Zuckerman


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Celui qui se penche sur l'accord nucléaire et y voit un succès, vit dans un monde de chimères.

Toujours en quête de chimères, j'observe les nuages qui passent
Comme tous mes rêves, mes projets finissent dans le ciel.

La chanson de Harry Carroll et Joseph McCarthy, popularisée par Judy Garland et Barbara Streisand, illustre de façon tout à fait appropriée la situation actuelle, où l'on évalue les implications d'un Iran nucléarisé pendant que les nuages qui s'accumulent sur le Moyen-Orient.

Le président Obama aura poursuivi des chimères tout au long de ses négociations avec l'Iran. Il a fait une croix sur les engagements des présidents américains  issus des deux partis à l'intention du monde civilisé, et renouvelés des décennies durant. Il a induit en erreur le peuple américain en réaffirmant sans cesse que les États-Unis ne permettraient jamais à l'Iran révolutionnaire d'acquérir des armes nucléaires, ce qui serait l'assurance d'une nouvelle course aux armements. En fait elle a déjà commencé. Des rapports crédibles suggèrent que le Pakistan est prêt à livrer des ogives atomiques à l'Arabie Saoudite, la nation sunnite qui s'oppose à la subversion de l'Iran chiite dans toute la région.

Mais Téhéran franchit aussi les lignes tracées par la religion. Bien que le Hamas soit sunnite, l'Iran a envoyé des millions de dollars à ce groupe terroriste qui contrôle Gaza. Cela pour reconstruire le réseau de tunnels que les forces de défense d'Israël avaient détruits l'été dernier.

La candeur dont a fait preuve le secrétaire à l'énergie de M. Obama, Ernest Moniz, un physicien nucléaire qui a participé aux négociations, montre jusqu'où le président est prêt aller pour réaliser son rêve de négociations. En 2013 le président a répondu dans ces termes à des questions sur la capacité de l'Iran de produire des armes nucléaires : «notre estimation continue d'être d'un an ou plus; cette évaluation est probablement plus prudente que celle des services de renseignements israéliens. »

Cependant, ce lundi, M. Moniz a tenu un autre langage aux reporters de Bloomberg. « Elles sont en train de tourner en ce moment. Je veux dire que l'enrichissement est en cours avec 9.400 centrifugeuses sur un stock approximatif de 19.000 … Il reste très peu de temps pour avancer. Deux ou trois mois.» Depuis combien de temps l'administration a-t-elle abouti à ce résultat? « Oh, depuis un moment, » a répliqué M. Moniz. Le rapport Bloomberg suggère «plusieurs années.»

Cette remarque fortuite tout à fait stupéfiante était fondée sur une information apparemment déclassifiée le 1er avril. Qu'est-ce que M. Obama peut faire ? Pourquoi était-il rassurant en 2013 alors qu'il savait que ce qu'il disait était faux ? Est-ce que la déclassification est destinée à créer un faux sentiment d'urgence ?

Comparons la situation où nous sommes aujourd'hui avec les conditions que M. Obama avait posées il y a deux ans. Parlant du nouveau président, le souriant Hasan Rouhani, il affirmait: "Je crois qu'il est tout à fait capable de présenter un plan stipulant que l'Iran poursuit un programme d'énergie nucléaire pacifique, qu'il n'a pas de programme nucléaire militaire et qu'il est prêt à contribuer à une structure internationale de vérification. Ainsi, tous les pays du monde sauront qu'il n'y a pas de programme militaire et cela lui permettra de renforcer son économie. Nous devons essayer cette formule."

D'accord, faisons ce test.

Enrichissement : Avant que les conversations ne commencent, l'administration Obama et le Conseil de sécurité de l'ONU exigeaient que l'Iran interrompe tout enrichissement d'uranium. C'est ce que stipulait aussi l'accord cadre de 2013. A présent, l'accord garantit à l'Iran un droit à l'enrichissement.

Stocks d'uranium enrichi: En février, l'Iran avait 10 tonnes d'uranium enrichi. L''accord prévoit de le réduire à 300 kilos. Le reste devrait être exporté en Russie et revenir en Iran sous forme de combustible utilisable exclusivement dans une centrale nucléaire. Or, Abbas Araghchi, le vice-ministre des affaires étrangères iranien, a déclaré dans les média officiels qu'il n'était pas question d'envoyer les matières fissiles à l'étranger.

Centrifugeuses. L'Iran dispose d'environ 19.000  centrifugeuses que les États-Unis demandaient initialement de réduire à un nombre compris entre 500 et 1500. A présent l'accord en autorise 6.104. De plus, le ministère iranien des affaires étrangères a déclaré que les centrifugeuses avancées IR-8 qui enrichissent l'uranium 20 fois plus rapidement que le modèle actuel IR-1, seront activées dès que l'accord nucléaire prendra effet, contrairement à ce que les États-Unis avaient prétendu.

Infrastructure: Pendant une décennie, les États-Unis s'étaient fixé pour but la fermeture des sites de Fordow, Natanz et Arak. Aux termes de l'accord, le réacteur à eau lourde d'Arak destiné à produire du plutonium sera maintenu, avec une réduction de la production de plutonium. L'accord autorise le maintien de l'usine de Fordow qui est enterrée dans une forteresse montagneuse pour échapper aux frappes aériennes. Elle serait convertie en "centre de recherche pacifique." L'Iran pourra y conserver 1000 centrifugeuses. De même Natanz restera en fonctionnement.

Missiles: L'Iran fait de l'obstruction sur les dimensions militaires de son programme nucléaire. Les négociateurs américains ont renoncé à leur demande de développement limité des missiles balistiques intercontinentaux qui peuvent être utilisés pour lancer des ogives nucléaires.

Durée: Initialement, les États-Unis désiraient un accord d'une durée de 20 ans. A présent pour les questions clé, l'horizon s'est réduit à 10 ou 15 ans. A lieu de permettre aux États-Unis de se désengager du Moyen-Orient, le document cadre va probablement exiger une implication plus importante, dans des conditions plus complexes, comme l'ont écrit les anciens secrétaires d'état Henry Kissiger et Georges Shultz dans leur article du début du mois.

Application: Le président Obama l'a promis: "Si l'Iran triche, le monde le saura. Si nous avons un soupçon quelconque, nous inspecterons." Ce n'est ni crédible ni réaliste. Au cours de l'année précédente, l'Iran a violé ses engagements internationaux à trois reprises. En novembre l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique l'a pris sur le fait  en train d'utiliser de nouvelles centrifugeuses avancée IR-5. Les obstacles aux inspections persistent malgré l'accord. Le Secrétaire Moniz a déclaré que les inspecteurs de l'AIEA seraient autorisés à aller n'importe où, n'importe quand. L'ayatollah Ali Khamenei et ses militaires ont dit qu'il n'en n'était pas question.

Sanctions: L'accord donne à l'Iran exactement ce qu'il désire: la levée permanente des sanctions économiques contre la restriction temporaire de ses activités. M. Obama affirme qu'il sera en mesure de restaurer sans délai le système de sanctions. Or il faut prendre en compte l'attitude de deux des six grands acteurs qui négocient. La presse chinoise décrit l'Iran comme tout aussi pacifique que la Suisse. La Russie affirme que l'accord lui donne la liberté de vendre des missiles de défense aérienne S 300 à  Téhéran. Si l'Occident découvre une violation de l'accord nucléaire, il sera impossible de revenir aux sanctions actuelles

Bonne pratiques: En attendant, l'ayatollah Khamenei continue de s'en prendre au Grand Satan américain, ce qui indique clairement qu'il n'envisage pas de normalisation des relations. Ses discours montrent que l'Iran se considère toujours comme engagé dans une guerre sainte contre l'Occident.

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C'est ici que les chimères se dissipent et laissent place semble-t-il à une volonté politique d'autoriser l'Iran, un pays que nous considérons comme notre menace principale, à se doter d'une capacité nucléaire. Nous n'aurons pas à nous étonner si l'Arabie saoudite et l'Égypte développent un potentiel nucléaire équivalent. Les alliés traditionnels de l'Amérique ont abouti  la conclusion que les États-Unis ont troqué une coopération temporaire de l'Iran contre son accession à un statut hégémonique à terme.

Il a fallu des années pour que les sanctions amènent l'Iran à la table des négociations. Elles ont réduit sa participation aux échanges sur le marché mondial. Le gel de ses activités bancaires en particulier a eu des effets paralysants dans la mesure où les milieux d'affaire internationaux ne voulaient pas risquer l'inscription sur une liste noire par les États-Unis et l'Union européenne, pour gagner une poignée de dollars avec l'Iran. La plupart de ceux qui ont étudié la question pensent le maintien des sanctions aurait acculé Téhéran à davantage de concessions.

Le président Obama semble avoir délibérément choisi d'ignorer le comportement belliciste de l'Iran et son influence grandissante sur Beyrouth,  Bagdad et la capitale du Yémen, Sanaa. Libéré des sanctions l'Iran pourra agir avec encore plus d'autorité.

Il n'y a pas de chimères à l'horizon, mais des nuages menaçants.

Auteur : Mortimer Zuckerman Mr. Zuckerman est président et rédacteur en chef de U.S. News & World Report.
Première publication: Wall Street Journal le 24 avril 2015
Traduction : Jean-Pierre Bensimon

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