Les risques irréversibles de l'accord Obama avec l'Iran : la contribution de Mortimer Zuckerman
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Celui
qui se penche sur l'accord nucléaire et y voit un succès, vit dans un monde de
chimères.
Toujours en quête de chimères, j'observe les
nuages qui passent
Comme tous mes rêves, mes projets finissent
dans le ciel.
La
chanson de Harry Carroll et Joseph McCarthy, popularisée par Judy Garland et Barbara
Streisand, illustre de façon tout à fait appropriée la situation actuelle, où
l'on évalue les implications d'un Iran nucléarisé pendant que les nuages qui
s'accumulent sur le Moyen-Orient.
Le
président Obama aura poursuivi des chimères tout au long de ses négociations
avec l'Iran. Il a fait une croix sur les engagements des présidents
américains issus des deux partis à
l'intention du monde civilisé, et renouvelés des décennies durant. Il a induit
en erreur le peuple américain en réaffirmant sans cesse que les États-Unis ne
permettraient jamais à l'Iran révolutionnaire d'acquérir des armes nucléaires, ce
qui serait l'assurance d'une nouvelle course aux armements. En fait elle a déjà
commencé. Des rapports crédibles suggèrent que le Pakistan est prêt à livrer des
ogives atomiques à l'Arabie Saoudite, la nation sunnite qui s'oppose à la
subversion de l'Iran chiite dans toute la région.
Mais
Téhéran franchit aussi les lignes tracées par la religion. Bien que le Hamas
soit sunnite, l'Iran a envoyé des millions de dollars à ce groupe terroriste
qui contrôle Gaza. Cela pour reconstruire le réseau de tunnels que les forces
de défense d'Israël avaient détruits l'été dernier.
La
candeur dont a fait preuve le secrétaire à l'énergie de M. Obama, Ernest Moniz,
un physicien nucléaire qui a participé aux négociations, montre jusqu'où le
président est prêt aller pour réaliser son rêve de négociations. En 2013 le
président a répondu dans ces termes à des questions sur la capacité de l'Iran
de produire des armes nucléaires : «notre estimation continue d'être d'un an ou
plus; cette évaluation est probablement plus prudente que celle des services de
renseignements israéliens. »
Cependant,
ce lundi, M. Moniz a tenu un autre langage aux reporters de Bloomberg. « Elles
sont en train de tourner en ce moment. Je veux dire que l'enrichissement est en
cours avec 9.400 centrifugeuses sur un stock approximatif de 19.000 … Il reste
très peu de temps pour avancer. Deux ou trois mois.» Depuis combien de temps
l'administration a-t-elle abouti à ce résultat? « Oh, depuis un moment, » a
répliqué M. Moniz. Le rapport Bloomberg suggère «plusieurs années.»
Cette
remarque fortuite tout à fait stupéfiante était fondée sur une information
apparemment déclassifiée le 1er avril. Qu'est-ce que M. Obama peut faire ?
Pourquoi était-il rassurant en 2013 alors qu'il savait que ce qu'il disait
était faux ? Est-ce que la déclassification est destinée à créer un faux
sentiment d'urgence ?
Comparons
la situation où nous sommes aujourd'hui avec les conditions que M. Obama avait
posées il y a deux ans. Parlant du nouveau président, le souriant Hasan
Rouhani, il affirmait: "Je crois qu'il est tout à fait capable de
présenter un plan stipulant que l'Iran poursuit un programme d'énergie
nucléaire pacifique, qu'il n'a pas de programme nucléaire militaire et qu'il
est prêt à contribuer à une structure internationale de vérification. Ainsi,
tous les pays du monde sauront qu'il n'y a pas de programme militaire et cela
lui permettra de renforcer son économie. Nous devons essayer cette
formule."
D'accord,
faisons ce test.
Enrichissement : Avant que les
conversations ne commencent, l'administration Obama et le Conseil de sécurité
de l'ONU exigeaient que l'Iran interrompe tout enrichissement d'uranium. C'est
ce que stipulait aussi l'accord cadre de 2013. A présent, l'accord garantit à
l'Iran un droit à l'enrichissement.
Stocks d'uranium enrichi: En février, l'Iran
avait 10 tonnes d'uranium enrichi. L''accord prévoit de le réduire à 300 kilos.
Le reste devrait être exporté en Russie et revenir en Iran sous forme de
combustible utilisable exclusivement dans une centrale nucléaire. Or, Abbas
Araghchi, le vice-ministre des affaires étrangères iranien, a déclaré dans les
média officiels qu'il n'était pas question d'envoyer les matières fissiles à
l'étranger.
Centrifugeuses. L'Iran dispose
d'environ 19.000 centrifugeuses que les
États-Unis demandaient initialement de réduire à un nombre compris entre 500 et
1500. A présent l'accord en autorise 6.104. De plus, le ministère iranien des
affaires étrangères a déclaré que les centrifugeuses avancées IR-8 qui
enrichissent l'uranium 20 fois plus rapidement que le modèle actuel IR-1,
seront activées dès que l'accord nucléaire prendra effet, contrairement à ce
que les États-Unis avaient prétendu.
Infrastructure: Pendant une
décennie, les États-Unis s'étaient fixé pour but la fermeture des sites de
Fordow, Natanz et Arak. Aux termes de l'accord, le réacteur à eau lourde d'Arak
destiné à produire du plutonium sera maintenu, avec une réduction de la
production de plutonium. L'accord autorise le maintien de l'usine de Fordow qui
est enterrée dans une forteresse montagneuse pour échapper aux frappes
aériennes. Elle serait convertie en "centre de recherche pacifique."
L'Iran pourra y conserver 1000 centrifugeuses. De même Natanz restera en
fonctionnement.
Missiles: L'Iran fait de l'obstruction sur les
dimensions militaires de son programme nucléaire. Les négociateurs américains
ont renoncé à leur demande de développement limité des missiles balistiques
intercontinentaux qui peuvent être utilisés pour lancer des ogives nucléaires.
Durée: Initialement, les États-Unis
désiraient un accord d'une durée de 20 ans. A présent pour les questions clé,
l'horizon s'est réduit à 10 ou 15 ans. A lieu de permettre aux États-Unis de se
désengager du Moyen-Orient, le document cadre va probablement exiger une
implication plus importante, dans des conditions plus complexes, comme l'ont
écrit les anciens secrétaires d'état
Henry Kissiger et Georges Shultz dans leur article du début du mois.
Application: Le président Obama
l'a promis: "Si l'Iran triche, le monde le saura. Si nous avons un soupçon
quelconque, nous inspecterons." Ce n'est ni crédible ni réaliste. Au cours
de l'année précédente, l'Iran a violé ses engagements internationaux à trois
reprises. En novembre l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique l'a pris
sur le fait en train d'utiliser de
nouvelles centrifugeuses avancée IR-5. Les obstacles aux inspections persistent
malgré l'accord. Le Secrétaire Moniz a déclaré que les inspecteurs de l'AIEA
seraient autorisés à aller n'importe où, n'importe quand. L'ayatollah Ali
Khamenei et ses militaires ont dit qu'il n'en n'était pas question.
Sanctions: L'accord donne à l'Iran exactement ce
qu'il désire: la levée permanente des sanctions économiques contre la
restriction temporaire de ses activités. M. Obama affirme qu'il sera en mesure
de restaurer sans délai le système de sanctions. Or il faut prendre en compte
l'attitude de deux des six grands acteurs qui négocient. La presse chinoise
décrit l'Iran comme tout aussi pacifique que la Suisse. La Russie affirme que
l'accord lui donne la liberté de vendre des missiles de défense aérienne S 300
à Téhéran. Si l'Occident découvre une
violation de l'accord nucléaire, il sera impossible de revenir aux sanctions
actuelles
Bonne pratiques: En attendant,
l'ayatollah Khamenei continue de s'en prendre au Grand Satan américain, ce qui
indique clairement qu'il n'envisage pas de normalisation des relations. Ses
discours montrent que l'Iran se considère toujours comme engagé dans une guerre
sainte contre l'Occident.
***
C'est ici
que les chimères se dissipent et laissent place semble-t-il à une volonté politique
d'autoriser l'Iran, un pays que nous considérons comme notre menace principale,
à se doter d'une capacité nucléaire. Nous n'aurons pas à nous étonner si
l'Arabie saoudite et l'Égypte développent un potentiel nucléaire équivalent.
Les alliés traditionnels de l'Amérique ont abouti la conclusion que les États-Unis ont troqué
une coopération temporaire de l'Iran contre son accession à un statut
hégémonique à terme.
Il a
fallu des années pour que les sanctions amènent l'Iran à la table des
négociations. Elles ont réduit sa participation aux échanges sur le marché
mondial. Le gel de ses activités bancaires en particulier a eu des effets
paralysants dans la mesure où les milieux d'affaire internationaux ne voulaient
pas risquer l'inscription sur une liste noire par les États-Unis et l'Union
européenne, pour gagner une poignée de dollars avec l'Iran. La plupart de ceux
qui ont étudié la question pensent le maintien des sanctions aurait acculé
Téhéran à davantage de concessions.
Le
président Obama semble avoir délibérément choisi d'ignorer le comportement
belliciste de l'Iran et son influence grandissante sur Beyrouth, Bagdad et la capitale du Yémen, Sanaa. Libéré
des sanctions l'Iran pourra agir avec encore plus d'autorité.
Il n'y
a pas de chimères à l'horizon, mais des nuages menaçants.
Titre original : The President Daydreamson Iran
Auteur : Mortimer Zuckerman Mr. Zuckerman est président et rédacteur
en chef de U.S. News & World Report.
Première publication: Wall Street Journal le 24 avril 2015
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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