lundi 31 août 2015

10 questions au président Obama à propos de l'Iran.

Si l'on n'est pas absolument sûr que le Président américain se moque du Congrès, des Américains en général, accessoirement de ses alliés, il n'y a qu'à se pencher sur les 10 questions que lui pose Robert Satloff, auxquelles il ne répondra jamais. Elles montrent ses incohérences, ses mensonges mais aussi la gravité des enjeux.

1 - Vous avez affirmé que l'accord avec l'Iran conforterait la sécurité d'Israël et celle de nos alliés arabes du golfe. En même temps, votre administration a offert aux états du Golfe un dispositif de sécurité imposant à titre de compensation, et vous avez regretté que le gouvernement d'Israël n'ait pas entamé des discussions avec vous sur les moyens de renforcer sa sécurité. N'y a-t-il pas là un paradoxe ? Si l'accord avec l'Iran renforce la sécurité, ces pays n'ont-ils pas des besoins de sécurité en baisse, pas en croissance ?


2 - Il est sûrement légitime d'affirmer que, de votre point de vue, l'accord avec l'Iran améliore la sécurité des États-Unis. Mais il est tout à fait étrange de vous voir soutenir que vous connaissez les besoins de sécurité d'Israël mieux que ses dirigeants démocratiquement élus. Y a-t-il d'autres démocraties dont vous pensez que les dirigeants ignorent ce qui convient le mieux à leurs intérêts de sécurité, ou celle d'Israël est-elle la seule dans ce cas ?

3 - Des observateurs constructifs, respectés, et bien informés comme Denis Ross, votre ancien conseiller politique sur l'Iran, vous ont demandé avec insistance de transférer à Israël les "perceuses de montagne", les Bombes à pénétration massive, pour renforcer sa capacité de dissuasion face à l'Iran. Mais vous ne l'avez pas fait. Par contre, dans votre lettre à Jerrold Nadler, membre du Congrès, vous avez dévoilé un plan  visant à doter Israël d'armes beaucoup moins efficientes. Pourquoi êtes-vous réservé quand il s'agit de doter Israël des meilleurs articles de notre panoplie pour faire face à cette énorme menace ?

4 - Vous avez dit que l'accord nucléaire avec l'Iran donnait une solution diplomatique pacifique à la menace de prolifération nucléaire au Moyen-Orient. Serez-vous donc d'accord pour dire que si un autre pays du Moyen-Orient -disons l'Arabie Saoudite- poursuivait une option nucléaire indépendante, ce serait la preuve claire de l'échec de l'accord avec l'Iran ?

5 - Dans votre lettre à Nadler, vous refusez de détailler les pénalités qui seraient appliquées à l'Iran en cas de violation de l'accord. Vous prétendez que "télégraphier d'avance à l'Iran la réponse prévue à toute infraction serait contre-productif, et réduirait l'effet dissuasif." À première vue, il est difficile de comprendre que le professeur de droit constitutionnel que vous êtes puisse considérer comme contre-productive la  déclinaison en termes clairs des sanctions associées aux violations de la loi, l'un des fondements de notre système juridique. Si vous ne désirez pas rendre public le détail des sanctions, pouvez-vous garantir que les États-Unis et leurs partenaires européens sont déjà d'accord, par écrit, sur les actions précises qu'ils mèneraient collectivement en réponse aux différents types d'infractions? Pouvez-vous au moins partager ces données détaillés avec les présidents des commissions habilitées du Congrès? Ou alors, la véritable raison est-elle que vous ne désirez pas "télégraphier" le détail de ces sanctions à l'avance parce que vous n'êtes pas parvenu à vous mettre d'accord à leur sujet avec les Européens ?

6 - Dans votre lettre à Nadler, vous dites aussi que vous "vous réservez le droit de mettre en œuvre de nouvelles sanctions pour traiter les problèmes qui persisteraient." Pouvez-vous donner des détails sur le type de sanction que vous avez à l'esprit? En particulier, n'est-il pas logique, selon vous, de demander au Congrès de définir de nouvelles sanctions dès à présent? Elles pourraient être appliquées si nos services de renseignements nous apprenaient que l'Iran utilise la manne de la levée des sanctions pour transférer des sommes d'argent importantes (ou des systèmes d'armes onéreux) à ses alliés et aux terroristes qui travaillent pour son compte ?

7 - Vous avez affirmé que le régime mondial de sanction s'effondrerait si le Congrès rejetait l'accord avec l'Iran. Mais la variable clé à ce sujet n'est ni l'Europe, ni la Chine, ni un autre pays étranger. [La variable clé] ce sont les États-Unis. De fait, le régime des sanctions ne s'effondrerait que si les États-Unis cessaient de maintenir les sanctions avec autant de vigueur qu'ils ont mise à les imposer ces dernières années, s'ils revenaient à la politique des administrations Clinton et Bush qui refusèrent de muscler la loi sur les sanctions à l'Iran et à la Libye en dépit des votes à une écrasante majorité au Congrès. En cas de vote négatif, pouvez-vous promettre que votre administration fera autant d'efforts et allouera autant de ressources que ces dernières années pour renforcer les sanctions légales américaines contre l'Iran?

8 - Il est clair que le Guide suprême désire engranger les bénéfices de l'accord, qu'ils s'agisse de la levée des sanctions ou du  sceau international sur le programme nucléaire iranien. Cependant vous semblez reculer et rester sur vos gardes quand il s'agit de dire des choses le mettant en cause. (Quand on voit l'hostilité que le Guide suprême continue d'exprimer à l'égard de l'Amérique, c'est une retenue qu'il ne semble pas partager.) En particulier, pourquoi répétez-vous dans votre lettre à Nadler, une fois encore, la formule "toutes les options sont sur la table" dans le cas où l'Iran entreprendrait un saut brusque vers la bombe? Puisqu'un tel "saut" indiquerait que l'Iran veut à tout prix parvenir à ses objectifs, pourquoi ne pas déclarer sans prendre de gants que nous utiliserions la force pour l'arrêter? S'ils étaient en train de procéder au "saut" n'auraient-il pas déjà violé le cœur de l'accord consistant à renoncer à se doter d'une arme nucléaire? S'ils en sont au "saut," la menace d'un retour aux sanctions aurait bien peu d'effet dissuasif. La franchise n'est-elle pas plus dissuasive que les détours subtils?

9 - Dans votre discours à l'American University, vous avez dit que l'accord avec l'Iran apporterait une "olution permanente" à la menace de la bombe nucléaire iranienne. Mais quelques mois auparavant, lors d'une interview donnée à NPR, vous avez dit que le délai indispensable à la production d'une bombe "serait ramené à presque zéro" dans 10 à 15 ans, quand les restrictions sur les centrifugeuses et l'enrichissement auront expiré. Ces deux déclarations peuvent-elles réellement être qualifiées de vraies ?

10 - Dans votre dernier débat avec Mitt Romney en octobre 2012, juste avant que les Américains ne votent définitivement, le modérateur Bob Schieffer vous a interrogé en particulier sur le type d'accord avec l'Iran que vous accepteriez. Votre réponse fut : "l'accord que nous accepterons sera celui qui mettra fin à leur programme nucléaire." Néanmoins, la conclusion la plus significative de l'accord avec l'Iran, c'est qu'il n'aboutit pas, c'est clair, à "la fin de leur programme nucléaire." De plus, vous et vos porte-parole traitez régulièrement de va-t-en-guerre les partisans de ce que vous disiez à l'époque. Pourquoi votre position personnelle de 2012 est-elle devenue en 2015 celle d'un va-t-en-guerre ?


Les questions ont été suggérées par Robert Satloff, le président Washington Institute for Near East Policy .
Il les a confiées à Jeffrey Goldberg, journaliste à The Atlantic, proche du Président américain
Première parution : 27 août 2015 The Atlantic

Traduction: Jean-Pierre Bensimon

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