Bien que le nouveau pouvoir français ait moins de 6 mois d'existence, il serait bien ambitieux de dresser un état complet de l'évolution de l'image d'Israël en France dans cette nouvelle époque politique. On se contentera ici de relever un certain nombre de décisions émanant d'institutions significatives des intentions du pouvoir et du climat général chez les «faiseurs d’opinion ».
Au niveau de l'État et des institutions publiques
La création de l'État palestinien: François Hollande a rompu d'emblée avec la position officielle de la France qui imputait à Israël le blocage du processus de négociations. François Hollande avait bien signé avec ses confrères députés la résolution du PS de septembre 2011 demandant à l'ancienne administration de voter pour la demande de Abbas d'admission d'un État palestinien à l'ONU sans négociations. Cependant, dès la campagne électorale, Hollande prenait ses distances et mettait l'accent sur la subordination de la naissance de cet État à des négociations. Depuis son élection, il a insisté à plusieurs reprises sur l'importance de négociations préalables, adressant une admonestation subliminale mais limpide à Ramallah. Rencontrant Mahmoud Abbas le 8 juin dernier à Paris, il déclarait : "Aujourd'hui, nous devons tout faire pour reconnaître l'État palestinien à travers un processus de négociations. Ce qu'attendent les Palestiniens, ce n'est pas une proclamation, c'est qu'il puisse y avoir, au terme d'un processus de négociations avec les Israéliens et un accord de paix, la reconnaissance de l'État palestinien"
Il semble désormais probable que le raïs palestinien recommence cette année, en passant cette fois par la case Assemblée générale où sa demande d'État "observateur", mais d'un État tout de même, serait surement votée. Sachant que cette démarche sonnerait le glas de tout processus négocié, les États-Unis ont fait clairement connaître leur opposition et ils demandent à l'Europe de les suivre. La France n'a encore rien dit, sans doute occupée à convaincre Abbas dans les coulisses de renoncer à son projet. On saura dans moins d'un mois si Abbas a persisté, et si dans ce cas la France l'a ouvertement désavoué par un vote.
La minute de silence aux JO de Londres à la mémoire des victimes israéliennes des JO de Munich il y a 40 ans : Les plus hautes autorités canadiennes, américaines, allemandes, anglaises ont fait pression sans succès sur Jacques Rogge, président du CIO, pour cette minute de silence. L'Autorité palestinienne, suivie des pays arabes, a estimé que cette demande était une manifestation de racisme. Il faut dire que Mahmoud Abbas était personnellement impliqué dans le montage de l'opération et que jamais les États arabes ne se désolidarisent des tueries imputables aux terroristes palestiniens. A la différence des grands dirigeants occidentaux, François Hollande n'a exprimé aucune position.
La résolution jordanienne de condamnation d'Israël à l'UNESCO : dans sa résolution la Jordanie voulait faire condamner Israël pour ses travaux sur la passerelle des Maghrébins, pour l'autorisation donnée à des Juifs de prier sur le Mont du Temple et pour ses activités visant à changer le caractère de Jérusalem (judaïsation de Jérusalem). Les Russes ont voulu calmer le jeu en renvoyant ces sujets à une session d'avril 2013. Leur résolution a été adoptée par 28 votes contre 23 le 17 octobre. La France a été le seul pays de l'Union européenne à voter contre, c'est à dire en faveur de la résolution jordanienne.
Tirs sur Israël en provenance de Gaza: Le gouvernement condamne les tirs palestiniens sans fioritures, le 17 octobre. "La France condamne fermement les nombreux tirs intervenus ces derniers jours contre Israël depuis Gaza. La France est préoccupée par la dissémination d’armes vers Gaza." C’est là une innovation.
Le consulat français de Jérusalem réunit un colloque négationniste sur l'archéologie: La négation de tout lien entre les Juifs et Jérusalem est l'un des piliers du narratif palestinien. L'an dernier, devant l'ONU, Abbas disait que Jérusalem était une ville deux fois sainte (le judaïsme n'a rien à y voir, et tant pis pour la geste de Jésus); Arafat était inflexible sur ce point. Le consul français Frédéric Desagneaux n'y va pas de mainmorte. Il intitule son colloque tenu sous l'égide de l'Institut français de Jérusalem, l'un de ses services: "150 ans de contribution française à l'archéologie palestinienne."
Non seulement il organise l'évènement à Jérusalem, sur le territoire de la capitale israélienne, mais il s'abstient d'inviter quelque Israélien que ce soit, officiel ou scientifique, et l'usage de l'hébreu est exclu des travaux. Frédéric Desagneaux réalise l'exploit singulier de ne pas mentionner une seule fois Israël ou le peuple juif dans son discours. On apprend des tas de choses à l'ENA. A travers son consul, si la France se ridiculise, ratifiant un narratif palestinien totalement schizophrène. Elle prend aussi une position politique lourde de conséquences en s'alignant sur le négationnisme arabe. Yigal Palmor, le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères dira qu'Israël a été "choqué que le consul général français ait rejoint ceux qui voudraient réécrire l'histoire à leur bénéfice et effacer le lien du peuple juif et des Israéliens avec la Terre d'Israël."
Il faut cependant noter que ce genre d'initiative ne remonte pas nécessairement jusqu'à l'Élysée, et que cette opération s'inscrit dans la continuité des traditionnelles activités hostiles à Israël du consulat français.
Le Conseil Régional d'Île-de-France passe un accord de coopération décentralisée avec le District palestinien de Jérusalem: 300 000 € sont affectés à l'accord de coopération voté le 28 septembre, qui se propose de soutenir la formation professionnelle, l'éducation au management, la culture, la santé et l'action sociale, de même que «l'édification d'institutions. Le Conseil est content, cet accord fait de lui "la première communauté administrative française à signer un accord de coopération avec la partie arabe de la ville Sainte." Le premier problème, c'est que Jérusalem est israélienne et qu'il n'y a pas de "District palestinien de Jérusalem" sauf dans l'imagination des conseillers régionaux. Le second, c'est que cet accord est une négation sans précédent de la souveraineté de l'État d'Israël. Le troisième, c'est que le Conseil régional d'Île-de-France, une simple collectivité locale française, s'ingère dans l'un des conflits internationaux les plus explosifs. Cette initiative aventuriste provient de deux fonctionnaires politiques Verts, Jacques Picard et Michel Bock, mais elle a été ratifiée par Jean-Paul Huchon, un homme politique français important, et les élus du parti au pouvoir.
Paul Hirschon, le porte-parole des affaires étrangères israéliennes, a déclaré que son ministère n'était pas informé de cet accord et que de telles initiatives décourageraient les Palestiniens de revenir à la table des négociations avec Israël. "Cette entité [le District palestinien de Jérusalem] n'existe pas. La Région française semble vouloir ignorer la réalité et vivre dans un monde fantasmatique."
Au niveau des grands média
Les grands média nationaux sont des colosses dont les effectifs se comptent par milliers et les budgets par milliard d'€. France Télévision emploie environ 11.000 personnes pour une recette de 3 milliards d'€ couverte à 80% par l'État. TF1 emploie 4.000 personnes pour une recette de 2,6 milliards d'€ basée sur la publicité (60% du marché). Ces mastodontes ont par nature une énorme capacité d'influence sur l'opinion, donc sur le fonctionnement démocratique du pays. La déontologie (et le CSA) devraient commander à ces géants de ne pas détourner ce pouvoir au service de choix idéologiques.
Il n'en n'est rien. La question d'Israël est biaisée, avec une férocité toute particulière, dans les média du Service public. La nouvelle donne politique ne semble pas changer un iota à des pratiques hautement scandaleuses.
La chanson "Une vie de moins" de Jean-Pierre Filiu: Elle a reçu un appui particulier de France Inter (qui l'a diffusée au cours d'une revue de presse) et sa promotion est assurée sur le site de FranceTv-info. Cette chanson se résume à la criminalisation ultra mensongère et brutale de la démocratie israélienne et constitue une incitation à la violence pour la jeunesse des banlieues qui devrait indigner le ministre de l'intérieur. Des groupes de journalistes de cette radio connue pour ses positions radicales, continuent de détourner les ressources publiques et leurs outils professionnels pour assouvir leurs obsessions, grimées en anti racisme et bien-pensance.
"Les 5 caméras cassées" de Carole Gaessler sur France 5: le 9 octobre, Mme Gaessler choisit de diffuser en prime time un film vraiment indigent censé montrer "l'occupation israélienne" dans un village palestinien. Une formule binaire chère à la propagande de sous-sol: le petit peuple arabe souffrant, face à des Israéliens travestis en robots cuirassés et déshumanisés. Mais pathologiquement maladroits. Leurs fusils tirent sans cesse mais ne tuent jamais. Dame, le film oublie de dire que ce sont des tir à blanc ou avec des balles en caoutchouc ! Le débat final, censé "équilibrer" la "subjectivité du film" aux dires de l'animatrice, tourne à l'hallali. Manipulé avec maestria, il aggrave les accusations précédentes. L'émission est un brûlot, dont quelques images suffiront à faire naître des vocations de Merah ou de Louis-Sydney. Le site Omma.com qui ne s'y est pas trompé, recommande à ses lecteurs de voir absolument la vidéo intégrale sur Youtube. La banlieue est servie. Le citoyen est desservi. La plaie antisioniste/antisémite continue de décomposer la France.
Collectif France-Israël Marseille, Pour un autre regard sur le Proche-Orient n°8 Octobre 2012
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