Jean-Pierre Filiu vient d'écrire une chanson
assassine, "Une vie de moins" interprétée par le groupe Zebda.
C'est le cri d'un enfant de Gaza mort sous les balles d'un soldat israélien.
Qui raconte sa vie dans un clip, sous un emballage graphique ciselé.
(1) "Je suis né sur une terre qui n'est
plus à moi, une terre piétinée, une terre occupée...pour oublier le blocus et
la misère, j'ai grandi bercé au son des récits de l'exil." Et pour
finir. "Je suis mort à ce qu'on m'a dit d'une balle perdue, je suis
mort assassiné par un homme inconnu qui croyait faire son devoir en tirant dans
le brouillard sur des ombres d'ennemis aux armes dérisoirs..."
Israël et les enfants palestiniens, une
longue histoire. Aux nouvelles de ce jour, des habitants d'un village
palestinien amènent leur enfant de 6 ans qui s'est électrocuté aux portes de la
localité juive la plus proche, Neveh Tsouf (Rive Occidentale). Il est
immédiatement pris en charge et transféré à l'hôpital de Tel-Hashomer. Remarque
d'un résident: "ce genre d'entraide est fréquent, pourtant cela n'aide
pas à développer une bonne amitié.'' Un souvenir revient. Le 11 mars 2011,
la famille Fogel, les parents et trois de leurs enfants, sont horriblement
assassinée au couteau à Itamar près de Naplouse. La tête du bébé est même
détachée du corps. Quelques jours après, le chef d'état major de l'époque,
Benny Ganz, rend une visite de condoléances aux restes de cette famille. Dans
ce moment funèbre, un taxi palestinien déboule à toute vitesse à l'entrée de
l'implantation. A son bord une mère palestinienne en train d'accoucher, en
danger de mort, l'enfant ayant le cordon ombilical enroulé autour du cou. Un soldat
de 19 ans qui accompagne le chef d'état-major, le caporal Haïm Levin, se
précipite, donne les premiers soins, et assisté des paramédicaux présents, il
sauve la mère et l'enfant. Les corps des trois petits Fogel égorgés étaient
encore chauds. Les Palestiniens confient leurs enfants en grande détresse aux
Israéliens. M. Filiu n'a pas écrit de chanson en la circonstance.
Pourquoi ? Parce qu'il s'agit là
d'épisodes ponctuels et marginaux qui disent le contraire de la réalité ?
Bien. Mais alors quand Israël développe les seules banques de données de moelle
au monde permettant de traiter des maladies congénitales des jeunes
palestiniens, ou quand il crée à Hadassah un service dédié aux opérations des
malformations cardiaques spécifiques des enfants palestiniens, s'agit-il
toujours d'actions marginales ou de "communication"? Oui? Donnons
alors la parole à l'UNICEF. Sa grande étude de 2009 porte sur les retards de
croissance des enfants de moins de 5 ans, marqueurs idéals des situations de
grande misère. L'étude conclut que ce sont les enfants palestiniens qui
présentent le moins de retards, donc de misère, de tout le monde arabe, y
compris les plus riches pays pétroliers. (2)
Pour aller plus loin encore, citons le
journaliste saoudien Abdulateef Al-Mulhim, qui s'échine à ouvrir les yeux de
ses frères arabes: " Beaucoup d'Arabes ne savent pas que l'espérance de
vie des Palestiniens qui vivent en Israël est beaucoup plus grande que celle de
nombreux états arabes, et qu'ils
jouissent de plus de libertés politiques et sociales que la plupart de leurs
frères arabes. Même les Palestiniens qui vivent sous occupation israélienne sur
la rive occidentale du Jourdain et dans la bande de Gaza bénéficient de plus de
droits politiques et sociaux que ceux qui existent dans de nombreux endroits du
monde arabe. " (3)
Tout cela Jean-Pierre Filiu le sait
parfaitement. Il sait qu'il retourne délibérément la réalité, tête en bas,
qu'il intervertit l'assaillant et la victime, le porteur de civilisation en
porteur de barbarie, et qu'il active des mythes meurtriers. Car si les
Israéliens, plus ordinairement les Juifs, sont des oppresseurs cruels et des
tueurs d'enfants, il n'y a pas d'exactions à leur encontre qui ne soient pas
justifiées. Merah l'a déjà dit. Filiu sait aussi qu'il y a dans la France en
crise profonde d'aujourd'hui, une masse de jeunes gens, généralement de
sensibilité arabo-musulmane, qui sont la cible facile des prêches salafistes et
jihadistes. Il sait que le point d'entrée de leur endoctrinement est la
criminalisation d'Israël et des Juifs, le second temps étant celui de la
stigmatisation de la France et de l'Occident. En s'associant à Zebda pour
diffuser une version modernisée du crime rituel, clip soigné à l'appui, il
trouve un vecteur idéal de transmission du virus qu'il héberge à la jeunesse
arabo-musulmane. Il jette essence et allumettes sur le baril
ethno-communautaire français. D'autant que l'ennemi jihadiste intérieur de
la nation France a vite fait de trouver
une jonction avec les rejets innombrables d'Al Qaïda et en particulier, avec
l'Aqmi qui nous menace à nos portes.
Son motif ? Ne pas laisser s'effacer
passivement la "Palestine" de l'actualité qu'elle occupe depuis des
décennies dans la sphère des média et des intellectuels, cette réserve des
bataillons supplétifs et bornés de la propalestine. On avait remarqué, alors
que le Printemps arabe en était à ses débuts et qu'ils n'avait pas encore été
colonisé par les phalanges islamistes, que le thème d'Israël, l'ennemi
indispensable des dictatures, avait disparu du discours arabe. C'était un
excellent signe, les Arabes allaient se poser les bonnes questions sur leurs
sociétés, et peut-être élaborer un véritable avenir. Le mouvement de réaction
islamiste, qu'il ait pris le visage du tunisien Ghannouchi ou de l'égyptien
Morsi, a très vite fait de remettre la haine d'Israël en tête des priorités. Et
en France, il y a depuis la rentrée une véritable entreprise collective de
retour au bon vieux "narratif" antisioniste. Alain Frachon du Monde
du 4 octobre "Le conflit Israël-Palestine a disparu", Enderlin
sur son blog, Mme Carole Gaessler avec son
brûlot minable "Les cinq
caméras cassées" du 9 octobre sur France 5. A présent M. Filiu, sa
chanson, et sa grosse caisse, Zebda. Appuyé sur ses innombrable relais
médiatiques, la baleine antisioniste reprend son éternel numéro d'exécration.
Qui
est M. Filiu? C'est un ancien fonctionnaire, un diplomate, un universitaire
polyglotte. Il croule sous les diplômes, les reconnaissances universitaires,
les publications scientifiques et grand public. Il fait partie de
l'aristocratie nationale bureaucratique et universitaire. Sa chanson porte à
l'incandescence les secteurs les plus sensibles et les plus pathologiques de la
nation. Ceux qui ont donné le jour à un Merah ou un Jeremy Bailly, des tueurs.
Combien de nouveaux tueurs va-t-on devoir à M. Filiu, à sa chanson et à son
clip ? En fait, M. Filiu est un diffamateur, un voyou. Son aristocratie
n'est qu'une voyoucratie. Et l'on entend des cris. Entend-les Filiu. Ils
s'appellent Imad Ibn-Ziaten 30 ans, Abel Chennouf 26 ans, Mohamed Legouad 24
ans, Jonathan Sandler 30 ans, Gabriel Sandler 3 ans, et Aryeh Sandler 6 ans,
Myriam Monsonégo 8 ans, et ils te regardent au fond des yeux.
Jean-Pierre Bensimon, Pour un autre regard sur le Proche-Orient n°8, Octobre 2012
Notes
2 - Enfants palestiniens sous occupation mais en
très bonne forme Le Monde 13 nov. 2009
3 - Abdulateef
Al-Mulhim , Arab News, Arab Spring and the Israeli
enemy le 6 octobre 2012 http://www.arabnews.com/arab-spring-and-israeli-enemy
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