Les intellectuels arabes, qui en souffrent beaucoup, ont imputé le retard dramatique de leurs sociétés à l'intrusion de l'impérialisme occidental entamé par l'expédition napoléonienne de 1798.
Le colonialisme européen s’est clôt avec le départ d'Algérie des Français en 1962 et le retrait anglais à "l'Est de Suez" en 1968. Les intellectuels arabes ont ensuite accusé l'impérialisme américain de leur stagnation, pour avoir soutenu des théocraties et des dictateurs, régimes parasitaires qui ont paralysé toute transformation de leurs pays.
A présent les États-Unis sont en train de quitter la Région. La malédiction de la domination étrangère est-elle enfin conjurée?
Pas du tout: le Monde arabe est face à une menace tout à fait nouvelle et singulièrement inquiétante.
Depuis le 3 octobre, la Turquie s’est engagée directement en Syrie en bombardant des positions de l'armée suite à la chute d'un obus syrien dans la localité frontalière de Akçakale, tuant 5 villageois. Elle a aussi obtenu de son Parlement tous pouvoirs pour étendre ses opérations autant que nécessaire. D'importantes forces blindées et des troupes sont annoncés à la frontière turco-syrienne. Non content de fournir les rebelles anti-Assad en bases arrières, armes et munitions, Erdogan a déclaré "nous ne sommes pas loin de la guerre", et il semble vouloir passer à l'offensive terrestre. L’OTAN semble lui avoir d’ailleurs donné carte blanche.
Ce ne serait pas sa première intrusion dans un pays arabe. Depuis 1997, à la faveur de la zone d'exclusion aérienne US au Kurdistan irakien, la Turquie a installé des bases militaires et des unités blindées sur le territoire irakien pour poursuivre les rebelles du PKK. D'ailleurs, avec le départ des Américains qui faisaient office de tampon entre les deux armées, l'Irak demande instamment le retrait de la Turquie qui tarde à donner sa réponse.
C'est ce qui fait dire en Syrie que les Turcs sont en train d’investir les terres arabes et qu’ils "veulent contrôler les places les plus symboliques du monde arabe, Damas, la Mecque, le Caire, et Jérusalem." Surement pas vrai, mais est-ce totalement faux?
L'Iran n'est pas en reste. On connait son influence en Irak où elle règne, adossée à l'importante population chiite. Le gouvernement chiite local lui fait le meilleur accueil et elle relance les milices locales qui lui sont acquises comme celle de Moqtada al Sadr. Elle vient de déployer au Liban et en Syrie des unités des Gardes de la révolution pour soutenir le régime syrien et contenir les sunnites de toutes obédiences, dont la Turquie.
Dès 2008, le général iranien Qassem Souleimani écrivait à son homologue américain David Petraeus: "M. le général Petraeus, vous devez savoir, que j'assume, moi, Qassem Souleimani, le contrôle de la politique de l'Iran en Irak, au Liban, en Syrie, à Gaza et en Afghanistan."
La Turquie et l'Iran font donc aujourd'hui une entrée tonitruante dans un Monde arabe exténué par le soi-disant printemps arabe et la faiblesse insigne de ses sociétés. Les Arabes vont avoir beaucoup à faire pour arracher la conduite de leur destin aux griffes des nouveaux impérialismes musulmans, turc et persan. Et commencer peut-être par envisager une salutaire alliance israélienne....
Pour un autre regard sur le Proche-Orient n° 8 Octobre 2012
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