dimanche 21 octobre 2012

Les erreurs d'Obama au Moyen-Orient

L’auteur de l’article qui suit est défavorable à une action préventive israélienne  contre le potentiel nucléaire  militaire de l’Iran. Que l’on partage ou pas ce point de vue,   son analyse des récentes dérobades d’Obama permet de comprendre les graves préoccupations d’Israël. Rédaction Pour un autre regard sur le Proche-Orient.

Au moment où une vague d'émeutes au Moyen-Orient faisait douter de pertinence de la politique de la main tendue au monde arabe d'Obama , alors que son administration prétendait avoir remporté une victoire sur al-Qaïda, le président a contribué personnellement à aggraver une situation déjà difficile.

 Pour commencer, alors que l'administration avait signalé le risque d'un soulèvement en Égypte, le président n'a pas fermement exigé du président égyptien Mohammed Morsi la protection de la vie et des biens américains. Comme si cette erreur par omission n'était pas suffisante, le président en ajoutait une autre dans l'exécution, en qualifiant de simple  "tintamarre" les préoccupations relatives aux armes nucléaires iraniennes exprimées par le premier ministre Netanyahou sur un ton de plus en plus vif.
 
En ce qui concerne le président Morsi, il s'avère que l'administration traite de plus en plus avec lui comme s'il était un politicien modéré et non l'islamiste radical qu'il proclame être. Il est vrai que les Frères musulmans, le mouvement dont Morsi a été membre jusqu'à son élection et dans lequel il continue à se reconnaître, est plus respectable que l’extrémisme salafiste qui attaque les ambassades américaines dans tout le Moyen-Orient. Mais il en faudrait plus pour rendre les Frères musulmans respectables au sens occidental du terme. Morsi a fait savoir clairement qu'il ne souhaitait pas être jugé selon des normes occidentales et qu'il n'en tiendrait aucun compte pour évaluer sa respectabilité ou pour quoi que ce soit d’autre.
 
Morsi n'a pas exprimé de regrets pour le temps perdu avant de donner à la police l'ordre de réprimer les émeutiers qui saccageaient l'ambassade américaine du Caire. Par contre il a déclaré sur un mode provocateur que son approche « patiente » était pertinente même si des vies américaines avaient été bel et bien en danger.
 
Le président égyptien continue aussi de menacer d'une remise en cause du traité israélo-égyptien de 1979, pierre angulaire de la paix au Moyen-Orient et fondement de l'aide économique et militaire fournie depuis des décennies par Washington au Caire.
 
D'ailleurs, quand Morsi prétend que les contribuables américains ont soutenu des régimes moyen-orientaux exécrés par leurs peuples, il omet de reconnaître la signification concrète de ces milliards d'aide économique dépensés au bénéfice de ces mêmes peuples. On s'étonnera de ce qu'il se permettra d’affirmer encore, et, plus important, de ce qu'il fera, tant que l'administration continuera à mettre des gants avec lui.
 
Il est compréhensible que le président Obama ait été irrité par l'interférence de Netanyahou et de son pays dans les élections présidentielles américaines. Mais le président n'a pas du tout contribué à arranger les choses. En dépit de sa rhétorique onctueuse sur son soutien à Israël, des commentaires moins prudemment énoncés trahissent sa véritable froideur envers Netanyahou mais aussi envers l'État juif. Les Israéliens, même de gauche, ont été choqués de le voir réduire à du "tintamarre" les interrogations pressantes de Netanyahou sur l'Iran. Ils n'ont pas été rassurés non plus quand Obama a parlé d'Israël comme de l'un des nombreux alliés de l'Amérique au Moyen-Orient, suggérant que dans l'éventualité d'une rupture avec Israël, Washington aurait d'autres partenaires dans la région sur lesquels s'appuyer.
 
Paradoxalement, ce genre de comportement peut précisément conduire à la réalisation de ce que le président et la majorité des experts en matière de sécurité nationale des deux grands partis craignent le plus. Une frappe préventive d'Israël sur l'Iran. Une telle frappe ne serait déclenchée que si les Israéliens perdaient toute confiance dans le soutien américain, et c'est exactement à cela qu'aboutissent inéluctablement les commentaires du président.
Ce manque de confiance entre le président et le premier ministre est une vieille histoire. Il s'est exacerbé suite aux remarques peu flatteuses sur ce dernier confiées par Obama à l'ancien président français, mais aussi parce que Obama a réduit la portée du régime des sanctions ; Netanyahou a été quasiment le seul Israélien à relever que si le président s'est attribué les mérites de l'isolement économique de l'Iran, il n'en a pas moins exempté quelque 20 pays, dont la Chine, de l'obligation d'appliquer la plupart des sanctions les plus mordantes.
 
À plusieurs reprises, les Israéliens opposés à des frappes semblaient prêts à «donner une chance aux sanctions (telles qu'elles)» à condition que Washington se tienne aux côté de Jérusalem en cas de montée des difficultés avec l'Iran. Mais, en ravalant les problèmes existentiels d'Israël au statut de «tintamarre», le président a réduit la crédibilité des Israéliens critiques de Netanyahou. Il leur devenait de plus en plus difficile de soutenir qu'Israël ne devait pas s'engager seul dans cette confrontation avec les mollahs de Téhéran qui souhaitent qu'Israël soit rayé de la carte. Obama les amenés à se sentir beaucoup plus seuls.
 
En réalité, des frappes israéliennes sur l'Iran n'auraient pas probablement un impact durable sur le programme d'armement iranien;  il n'y a pas une cible iranienne unique comme c'était le cas lors de la frappe israélienne sur un réacteur nucléaire syrien en 1907, ou sur le réacteur irakien Osirak 1981. Les Iraniens ont les moyens de se relever d'une frappe israélienne et de reprendre leur marche en avant pour développer une arme nucléaire avec une détermination peut-être encore plus grande. De fait, même une frappe de l'Amérique serait problématique si des pressions politiques l'amenaient à interrompre une campagne de bombardements avant l’atteinte de tous ses objectifs.
 
Néanmoins si Israël se sent isolé et abandonné, s'il redoute un second mandat d'Obama, il pourrait bien mettre quand même le paquet sur l'Iran. Les conséquences sur les prix du pétrole, sur l'économie américaine, sur la sécurité des forces américaines et des personnels des autres États, et même sur les citoyens du monde entier, pourraient être graves.
 
Obama doit orienter la force de son discours et la puissance de sa fonction dans une autre direction. Il doit adopter une ligne plus dure avec Morsi et une attitude plus accommodante avec Netanyahou. Les positions de l'Amérique au Moyen-Orient ne sont pas aujourd'hui aussi fragiles que certains l'affirment ; il y a encore de nombreux pays, en particulier les monarchies traditionnelles arabes, qui ne sont pas revenus sur leurs relations traditionnelles avec Washington.
 
Mais la région ne peut pas supporter que la Maison-Blanche continue à se fourvoyer. Au delà d'un certain point, les événements sont susceptibles de prendre un tour si cataclysmique que personne à Washington ne pourrait plus parler ou agir avec assez d'autorité pour protéger les intérêts à long terme de l'Amérique dans cette région instable.
 
Par Dov S. Zakheim, National Interest, le 1er octobre 2012
Titre original : Obama's Mideast Missteps
Traduction : Pour un autre regard sur le Proche-Orient n° 8 Octobre 2012

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