Ceux qui n'ont pas sombré dans ce précipice de la pensée que Pierre-André Taguieff appelle le pro palestinisme sont invariablement stupéfiés par la violence de la passion anti israélienne en Europe.
Une passion qui leur parait totalement irrationnelle et infondée. Israël est une démocratie, comme telle une société sœur, où fleurit dans un environnement souvent barbare, le noyau des valeurs qui sont à la base de notre civilisation, libertés et droits de la personne. D'autant qu'Israël, aux prises avec la terreur jihadiste, le grand obscurantisme de notre temps, tient lieu de front avancé de la modernité et du droit dans un océan d'arbitraire et d'arriération.
Israël recherche la paix de toutes ses forces, c'est une évidence. Qui pourrait citer dans la dizaine de grands conflits où il a été impliqué militairement depuis sa naissance, une seule guerre non défensive ou conquérante ? Qui peut ignorer ses offres de compromis constamment rejetées par la partie palestinienne? Comptant plus de sociétés cotées sur le Nasdaq (le marché américain des entreprises technologiques naissantes) que l'Europe entière, Israël est un fabuleux foyer d'innovations scientifiques et techniques. Et en multipliant les solutions aux problèmes de l'aridité et de l'environnement qui sont la hantise des décennies à venir, il dégage des horizons pour les milliards d'humains qui peuplent aujourd'hui et peupleront demain la planète.
Malgré son échelle infime, 0,13% de la population mondiale et 0,16% des territoires occupés par le monde arabe, les productions littéraires et le cinéma y foisonnent. Israël est aujourd'hui, caeteris paribus, une espèce de Grèce antique transposée dans la modernité, un foyer prolifique du savoir qui se serait élargi au droit et à la technologie. Et en tant que société occidentale, tout cela ne le dispense nullement de trainer les boulets ordinaires de ces sociétés, les inégalités, les discriminations, l'intégration problématique des minorités, le chômage, la pauvreté, etc.
Il est remarquable de voir des arabo-musulmans observer avec stupéfaction le "miracle" israélien. Le malaisien Mohamad Mahathir, hostile aux juifs s'il en est, déclarait en 2003 :"Nous nous opposons à un peuple qui pense. Il a survécu durant 2.000 ans de pogroms non pas avec des ripostes, mais en pensant." Et l'an passé, selon le saoudien Abdulateef Al-Mulhim :" Aujourd'hui Israël a les institutions de recherche les plus avancées, des universités d'élite et des infrastructures performantes. Beaucoup d'Arabes ne savent pas que l'espérance de vie des Palestiniens qui vivent en Israël est beaucoup plus grande que celle de nombreux États arabes, et qu'ils jouissent de plus de libertés politiques et sociales que la plupart de leurs frères arabes."
Par contre l'image d'Israël est exécrable en Europe, là où elle aurait dû logiquement être excellente. Rappelons que 59% des européens avaient fait d'Israël la première menace pour la paix mondiale en 2003, tandis que 84% du public allemand exprimaient ouvertement des sentiments négatifs à l'égard d'Israël en 2011. Et 68% de ces mêmes allemands pensaient que ce pays menait une guerre d'extermination contre les Palestiniens !
Expliquer ce paradoxe, cette transmutation de l'or en plomb, n'est pas chose aisée. L'antisionisme siège dans les élites mais aussi dans le vaste peuple. Il n'a ni la même nature ni les mêmes formes dans la post immigration arabo musulmane et chez les nationaux "de souche." L'antisionisme musulman s'alimente des défaites inconcevables infligées par des infidèles dhimmis, la couche la plus basse de l'humanité, à ce qui est vécu comme un défi par la "oumma", et qui exige vengeance. Et les succès économiques et technologiques d'Israël sont subis comme autant de blessures insupportables infligées au narcissisme arrogant du "croyant."
Pour expliquer l'antisionisme des nationaux "de souche", on évoque souvent les variantes contemporaines du vieil antisémitisme vite converti en haine d'Israël, qu'elles soient de racine chrétienne, populiste de gauche, ou anarchiste. Cet arrière plan joue sans doute un rôle, mais il faut se souvenir que malgré tout, Israël a connu naguère en France un temps de popularité authentique. On évoque les média. Sans nul doute, ce secteur proliférant, puissamment canalisé par l'État, doté d'outils très efficaces comme la TV, constitue une énorme machine qui "vend" au public des messages criminalisant Israël avec plus ou moins de subtilité. Il le fait sur la longue durée, ne négligeant aucune technique de l'intoxication.
Nul doute non plus que l'État français pousse avec force et constance au formatage antisioniste de l'opinion depuis un demi siècle. De puissants effets sont ainsi obtenus. Mais le peuple est-il une cible marketing si commode? Fait-il siens si facilement les messages des média ? D'énormes succès littéraires et cinématographiques se sont faits par le bouche à oreille. Des réalisations à gros budget de communication font parfois un flop. Sur Internet, largement affranchi des tutelles institutionnelles et de l'argent, le discours antisioniste est massivement présent.
Il faut sans doute imaginer que l'antisionisme généralisé, attesté par de si nombreuses enquêtes, a aussi des causes "endogènes", découlant de l'expérience de vie propre à chaque individu. La population européenne est vieillissante et son statut économique se précarise depuis des décennies. Elle sait qu'elle perd des forces tous les jours, que ses enfants sont rares, entamant sa confiance en l'avenir. En France, depuis les années 1980, elle a fait l'expérience du terrorisme islamique. Plus récemment, elle l'a rencontré à Londres ou à Madrid. Elle a été inondée des images effrayantes d'un spectre épouvantable: l'islam jihadiste. Le spectre du barbu qui coupe les gorges, mais aussi les bras, les jambes et qui lapide. Le spectre du kamikaze au visage candide, prompt à se faire exploser dans la foule, celui du cruel preneur d'otage. Et s'ajoute aujourd'hui le visage du caïd de banlieue, hyper violent et désormais muni d'armes automatiques, qui met la police en déroute.
Ce spectre sent la guerre, la guerre civile au coin de la rue, ou la guerre au Proche-Orient. Le reflexe est alors d'apaiser. Surtout éviter les mouvement brusques, éviter les regards directs, s'effacer, pour ne pas déclencher la furie de la bête sauvage. Tout faire pour que le monstre s'assoupisse. Et Israël, qu'est-ce donc d'autre que ce pays qui par son existence même suscite en permanence la colère brutale du spectre? Qu'Israël soit agressé ou agresseur n'importe pas, qu'il soit une démocratie ou une théocratie non plus, qu'il innove, soigne, invente, encore moins. Ce qui compte, c'est que le conflit des autres ne vienne pas aggraver un sentiment populaire d'effroi et de vulnérabilité intense. C'est pour cela que sous la lunette du vieillissement et du déclin, Israël et le sionisme semblent bien être, à leur corps défendant, la première menace pour la paix personnelle et par extension pour la paix mondiale.
On a déjà connu ce genre de sentiment en Europe. Des foules ont accueilli dans l'enthousiasme et le soulagement Daladier et Chamberlain de retour de Munich. On sait ce qui a suivi. La peur est une mauvaise conseillère et les Gorgones idéologico-militaires sont souvent des tigres de papier, Israël le démontre depuis longtemps.
La spirale de l'effroi
Jean-Pierre Bensimon
Pour un autre regard sur le Proche-Orient n°9 janvier 2013
Une passion qui leur parait totalement irrationnelle et infondée. Israël est une démocratie, comme telle une société sœur, où fleurit dans un environnement souvent barbare, le noyau des valeurs qui sont à la base de notre civilisation, libertés et droits de la personne. D'autant qu'Israël, aux prises avec la terreur jihadiste, le grand obscurantisme de notre temps, tient lieu de front avancé de la modernité et du droit dans un océan d'arbitraire et d'arriération.
Israël recherche la paix de toutes ses forces, c'est une évidence. Qui pourrait citer dans la dizaine de grands conflits où il a été impliqué militairement depuis sa naissance, une seule guerre non défensive ou conquérante ? Qui peut ignorer ses offres de compromis constamment rejetées par la partie palestinienne? Comptant plus de sociétés cotées sur le Nasdaq (le marché américain des entreprises technologiques naissantes) que l'Europe entière, Israël est un fabuleux foyer d'innovations scientifiques et techniques. Et en multipliant les solutions aux problèmes de l'aridité et de l'environnement qui sont la hantise des décennies à venir, il dégage des horizons pour les milliards d'humains qui peuplent aujourd'hui et peupleront demain la planète.
Abou Amza
Malgré son échelle infime, 0,13% de la population mondiale et 0,16% des territoires occupés par le monde arabe, les productions littéraires et le cinéma y foisonnent. Israël est aujourd'hui, caeteris paribus, une espèce de Grèce antique transposée dans la modernité, un foyer prolifique du savoir qui se serait élargi au droit et à la technologie. Et en tant que société occidentale, tout cela ne le dispense nullement de trainer les boulets ordinaires de ces sociétés, les inégalités, les discriminations, l'intégration problématique des minorités, le chômage, la pauvreté, etc.
Il est remarquable de voir des arabo-musulmans observer avec stupéfaction le "miracle" israélien. Le malaisien Mohamad Mahathir, hostile aux juifs s'il en est, déclarait en 2003 :"Nous nous opposons à un peuple qui pense. Il a survécu durant 2.000 ans de pogroms non pas avec des ripostes, mais en pensant." Et l'an passé, selon le saoudien Abdulateef Al-Mulhim :" Aujourd'hui Israël a les institutions de recherche les plus avancées, des universités d'élite et des infrastructures performantes. Beaucoup d'Arabes ne savent pas que l'espérance de vie des Palestiniens qui vivent en Israël est beaucoup plus grande que celle de nombreux États arabes, et qu'ils jouissent de plus de libertés politiques et sociales que la plupart de leurs frères arabes."
Par contre l'image d'Israël est exécrable en Europe, là où elle aurait dû logiquement être excellente. Rappelons que 59% des européens avaient fait d'Israël la première menace pour la paix mondiale en 2003, tandis que 84% du public allemand exprimaient ouvertement des sentiments négatifs à l'égard d'Israël en 2011. Et 68% de ces mêmes allemands pensaient que ce pays menait une guerre d'extermination contre les Palestiniens !
Expliquer ce paradoxe, cette transmutation de l'or en plomb, n'est pas chose aisée. L'antisionisme siège dans les élites mais aussi dans le vaste peuple. Il n'a ni la même nature ni les mêmes formes dans la post immigration arabo musulmane et chez les nationaux "de souche." L'antisionisme musulman s'alimente des défaites inconcevables infligées par des infidèles dhimmis, la couche la plus basse de l'humanité, à ce qui est vécu comme un défi par la "oumma", et qui exige vengeance. Et les succès économiques et technologiques d'Israël sont subis comme autant de blessures insupportables infligées au narcissisme arrogant du "croyant."
Pour expliquer l'antisionisme des nationaux "de souche", on évoque souvent les variantes contemporaines du vieil antisémitisme vite converti en haine d'Israël, qu'elles soient de racine chrétienne, populiste de gauche, ou anarchiste. Cet arrière plan joue sans doute un rôle, mais il faut se souvenir que malgré tout, Israël a connu naguère en France un temps de popularité authentique. On évoque les média. Sans nul doute, ce secteur proliférant, puissamment canalisé par l'État, doté d'outils très efficaces comme la TV, constitue une énorme machine qui "vend" au public des messages criminalisant Israël avec plus ou moins de subtilité. Il le fait sur la longue durée, ne négligeant aucune technique de l'intoxication.
Nul doute non plus que l'État français pousse avec force et constance au formatage antisioniste de l'opinion depuis un demi siècle. De puissants effets sont ainsi obtenus. Mais le peuple est-il une cible marketing si commode? Fait-il siens si facilement les messages des média ? D'énormes succès littéraires et cinématographiques se sont faits par le bouche à oreille. Des réalisations à gros budget de communication font parfois un flop. Sur Internet, largement affranchi des tutelles institutionnelles et de l'argent, le discours antisioniste est massivement présent.
Il faut sans doute imaginer que l'antisionisme généralisé, attesté par de si nombreuses enquêtes, a aussi des causes "endogènes", découlant de l'expérience de vie propre à chaque individu. La population européenne est vieillissante et son statut économique se précarise depuis des décennies. Elle sait qu'elle perd des forces tous les jours, que ses enfants sont rares, entamant sa confiance en l'avenir. En France, depuis les années 1980, elle a fait l'expérience du terrorisme islamique. Plus récemment, elle l'a rencontré à Londres ou à Madrid. Elle a été inondée des images effrayantes d'un spectre épouvantable: l'islam jihadiste. Le spectre du barbu qui coupe les gorges, mais aussi les bras, les jambes et qui lapide. Le spectre du kamikaze au visage candide, prompt à se faire exploser dans la foule, celui du cruel preneur d'otage. Et s'ajoute aujourd'hui le visage du caïd de banlieue, hyper violent et désormais muni d'armes automatiques, qui met la police en déroute.
Ce spectre sent la guerre, la guerre civile au coin de la rue, ou la guerre au Proche-Orient. Le reflexe est alors d'apaiser. Surtout éviter les mouvement brusques, éviter les regards directs, s'effacer, pour ne pas déclencher la furie de la bête sauvage. Tout faire pour que le monstre s'assoupisse. Et Israël, qu'est-ce donc d'autre que ce pays qui par son existence même suscite en permanence la colère brutale du spectre? Qu'Israël soit agressé ou agresseur n'importe pas, qu'il soit une démocratie ou une théocratie non plus, qu'il innove, soigne, invente, encore moins. Ce qui compte, c'est que le conflit des autres ne vienne pas aggraver un sentiment populaire d'effroi et de vulnérabilité intense. C'est pour cela que sous la lunette du vieillissement et du déclin, Israël et le sionisme semblent bien être, à leur corps défendant, la première menace pour la paix personnelle et par extension pour la paix mondiale.
On a déjà connu ce genre de sentiment en Europe. Des foules ont accueilli dans l'enthousiasme et le soulagement Daladier et Chamberlain de retour de Munich. On sait ce qui a suivi. La peur est une mauvaise conseillère et les Gorgones idéologico-militaires sont souvent des tigres de papier, Israël le démontre depuis longtemps.
La spirale de l'effroi
Jean-Pierre Bensimon
Pour un autre regard sur le Proche-Orient n°9 janvier 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire