Souha Arafat, la veuve du défunt raïs palestinien, a rapporté le mois dernier à Dubaï TV, un échange qu'elle avait eu avec son mari en juillet 2000, à la veille du lancement de la seconde Intifada.
"...Camp David a échoué.... Tu dois rester à Paris ... je vais déclencher une Intifada. Ils veulent que je trahisse la cause palestinienne. Ils veulent me faire renoncer à nos principes, et je ne le ferai pas."
"...Camp David a échoué.... Tu dois rester à Paris ... je vais déclencher une Intifada. Ils veulent que je trahisse la cause palestinienne. Ils veulent me faire renoncer à nos principes, et je ne le ferai pas."
Par ces paroles Mme Arafat réfutait l’accusation d'une provocation originelle d’ Ariel Sharon. Il s'était rendu en sept. 2000 sur le Mont du Temple pour dire son refus de la division de Jérusalem, déclenchant soi-disant l’apocalypse. En fait les autorités israéliennes et les responsables palestiniens avaient été informés de sa visite sans formuler d'objections.
Arafat a donc déclenché en personne la vague de violence, à l'issue d'une négociation où il avait refusé un compromis. Il réitéra ce refus six mois plus tard à Taba, confirmant son option de la lutte armée. Les propos tenus à Souha sont éclairants pour une autre raison. Arafat dit ne pas vouloir trahir "la cause palestinienne." La trahison aurait été de consentir à un partage de l'espace entre le Jourdain et la Méditerranée et de tolérer l’existence de deux centres de pouvoirs, l'un juif, l'autre arabe, c'est à dire la solution à deux États.
L'histoire retiendra donc que l'irruption de la guerre était une volonté palestinienne motivée par le refus de l'existence de l'état hébreu.
A l'époque, le 24 juin 2001, dans une interview au quotidien égyptien al Arabi, Fayçal Al-Husseini, un très influent dirigeant palestinien, avait présenté la tactique de son camp comme un décalque du Cheval de Troie.
"Les États-Unis et Israël n'ont pas compris, avant Oslo, que tout ce qui restait du mouvement national palestinien et du mouvement pan-arabe était un cheval en bois appelé Arafat ou l'OLP ; ils ne lui auraient jamais ouvert leurs portes fortifiées, ils ne l'auraient jamais laissé entrer à l'intérieur de leurs murs."
"... il y a trois ans j'ai dit ' Montez dans le cheval ' et chacun est entré dans le cheval et le cheval a passé le mur. Maintenant, le temps est venu pour nous de dire : ' sortez du cheval et commencez à travailler. Ne restez pas à l'intérieur du cheval et ne gaspillez pas du temps et de l'énergie..."
"...Quand nous demandons à toutes les forces palestiniennes et aux factions de regarder l'Accord d'Oslo comme des accords "provisoires" des procédures, ou des buts de phase, cela signifie que nous prenons les Israéliens en embuscade et les trompons.... notre but suprême est [toujours] la libération de toute la Palestine historique de la Rivière [du Jourdain] à la Mer [Méditerranée], même si cela signifie que le conflit durera pendant encore mille ans ou pendant beaucoup de générations..."
"Bref, nous ressemblons exactement à ce qu'ils sont. Nous distinguons les buts stratégiques, à long terme des buts politiques de phase, que nous sommes contraints temporairement d'accepter en raison de la pression internationale."
Les accords d'Oslo, une ruse, ont été un but "de phase", une manœuvre provisoire permettant d'entrer à l'intérieur de l'espace régi par Israël pour y mener une Intifada ou une autre. La violence est perçue comme un pas vers la réalisation des buts à long terme, la libération de la Palestine entre le Jourdain et la Méditerranée, c'est-à-dire l'effacement d'Israël de la carte.
Fayçal al-Husseini n'était pas le seul à exposer ouvertement la démarche palestinienne. Au début mars 2001, Imad al-Falluji, le ministre palestinien de la communication, expliquait déjà à peu près la même chose dans un camp palestinien du Liban :
"... Cette Intifada a été planifiée à l'avance, avant même que le président Arafat ne revienne des négociations de Camp David où il a renversé la table sur le président Clinton. [Arafat] est resté ferme, il a défié [Clinton]. Il a rejeté les termes des Américains et il l'a fait au cœur même des États-Unis."
C'est le langage que tenait Arafat à son épouse: pas question de trahir la cause palestinienne, c'est-à-dire l'objectif stratégique de liquidation d'Israël, en signant une paix de compromis. Arafat, al-Husseini et al-Falluji ont dit exactement la même chose. Ephraïm Karsh a exposé de façon limpide la démarche d'Arafat :
"Dès août 1968, Arafat a défini l'objectif stratégique de l’OLP comme 'le transfert de toutes les bases de la résistance' en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, occupées par Israël à l’issue de la guerre de juin 1967, 'de sorte que la résistance puisse être graduellement transformée en révolution populaire armée'."
Tout cela appartient-il à l'Histoire? Les Palestiniens ont-ils renoncé à déraciner Israël après l'échec cinglant de l'Intifada? Sont-ils convertis à la paix de compromis aux cotés d'Israël?
La réponse semble positive, puisque dès 2002, après Jénine quand même, une fois l'échec de l'Intifada avéré, Mahmoud Abbas avait désapprouvé la lutte armée. Il n'avançait pas des raisons humaines et morales mais un rapport des forces encore trop défavorable.
Devenus des experts des media, les dirigeants palestiniens sont désormais plus prudents, et ils disent en anglais ce que les Occidentaux veulent entendre pour déverser leur manne en dollars. Mais on trouve encore des déclarations contenant le fond de leur pensée.
En juillet 2009, après avoir promis au Hamas un califat, l'inamovible chef des négociateurs palestiniens, Saeb Erekat expliquait à sa façon le refus palestinien d'un accord, alors qu'Olmert venait de proposer la rétrocession de 100% des Territoires :
"Si son but [le Hamas'] est d’établir un État-nation arabe unifié, ou un califat, nous réaliserons [ces buts] même avant qu'il y arrive – mais il faut d’abord libérer la Palestine...Il y a eu une érosion régulière des positions israéliennes au cours des années, au point qu’ils ont récemment offert aux Palestiniens 100% du territoire; les Palestiniens n’ont donc aucune raison de se précipiter pour accepter les offres d’Israël. »
Difficile dans ces circonstances d'imaginer comment une paix de compromis pourrait bien être signée un jour. Prenons l'exemple d'un autre grand dirigeant du Fatah, Abbas Zaki, ambassadeur de l'OLP au Liban, s'exprimant sur al-Jazeera deux ans plus tard en septembre 2011:
"L'accord doit être basé sur les frontières du 4 juin 1967. Quand nous disons que le règlement doit être basé sur ces frontières, le président Abbas comprend, nous comprenons, et tout le monde sait, que le plus grand résultat ne peut pas être obtenu d'un seul coup. Si Israël évacue ses 650.000 colons, et démantèle le mur, que deviendra Israël? Il ira vers sa fin... Si nous disons que nous voulons rayer Israël de la carte...Allons c'est trop difficile, ce n'est pas [politiquement] acceptable de dire ça. Ne le dites pas tout haut. Gardez-le pour vous."
En rendant public son petit secret, Souha Arafat ne faisait que confirmer les raisons ultimes du rejet sine die de la solutions à deux États par les Palestiniens du Fatah tout comme ceux du Hamas. La seule finalité de leurs efforts est la suppression d'Israël par tous moyens, quel qu'en soient le prix et les délais, et non la fantasmatique poursuite d'objectifs nationaux auxquels seuls croient encore les faux naïf occidentaux et les idiots utiles juifs.
Jean-Pierre Bensimon
L’intifada selon Souha ou l'origine de la violence au Proche Orient
Pour un autre regard sur le Proche-Orient n°9 janvier 2013
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