mercredi 23 janvier 2013

Mali, Algérie, ou le retour de la raison d'Etat

Quelque soit l'angle sous lequel on la considère, l'intervention française au Mali était justifiée. Pouvait-on mieux anticiper l'offensive jihadiste, pouvait-on mieux mobiliser les Européens, les objectifs étaient-ils clairs ?
Faute d'information suffisante, il faut attendre pour trancher. Mais casser une percée de fanatiques religieux, aguerris et armés jusqu'au dents qui allaient instaurer un sous califat au Sud du Sahara est en toute hypothèse une bonne chose. La France a-t-elle agi en fonction d'intérêts stratégiques, surement. Et nous partageons tout intérêt stratégique qui conduit à s'opposer à la furia des fous de Dieu, où que ce soit. C'est une question de politique mais aussi de morale. 


Les autorités française ont-elle eu raison de confirmer leur alliance avec le pouvoir algérien, si contestable et même abject? Oui car c'est en préservant des alliances efficaces, et non un primat moral  intemporel et à géométrie variable, que l'on réalise effectivement des buts justes. Les boucliers français traditionnels de l'idéologie et de l'action jihadiste, de Dominique de Villepin à Noël Mamère en France, ont bien sûr donné de la voix. Ils sont très isolés et c'est encourageant.

L'Algérie était-elle fondée à agir rapidement et radicalement sur le site gazier d'In Amenas, malgré la lourde menace sur les otages? Surement. Les jihadistes n'avaient sans doute pas envisagé de conduire leurs otages au Sahara malien, à trop grande distance. En leur laissant le temps d'arriver à leurs fins, on risquait des dommages humains et matériels supplémentaires, risque qu'en tant d'État l'Algérie pouvait choisir de ne pas prendre.

Il est à la fois comique et navrant de voir aujourd'hui nos dirigeants et la basse presse désigner sans aménité comme terroristes, les hommes d'Aqmi ou du Mujao, (en fait de simples jihadistes). Eux qui restaient au mieux muets, il y a deux mois devant les forfaits des pires terroristes palestiniens, ceux du Hamas, qui tiraient des grappes de missiles au hasard dans la zones civiles israéliennes. Les mêmes n'ont pas eu la moindre velléité de trouver "disproportionnée" la riposte algérienne à la prise d'otages de Mokhtar Belmokhtar, alors qu'ils se déchaînent dès qu'Israël défend non pas des intérêts stratégiques, mais littéralement la survie physique de ses citoyens. Schizophrénie raciste, quand tu nous tiens...

Ce qui aura été encourageant dans l'action française, c'est le retour, timide, de la raison d'État. On n'a pas attendu l'agrément de l'ONU, on n'a pas laissé les média cuisiner à leur gré l'information, on ne semble pas prêts à faire risquer aux soldats français la Cour pénale internationale. L'État français a pu exister, un peu, sans demander une autorisation au clergé de la religion post moderne. Rien ne l’empêche de continuer. D'ailleurs, allez savoir pourquoi, les "défenseurs des droits de l'homme" demeurent aussi discrets. Opportunisme ?


Mali, Algérie, ou le retour de la raison d'Etat
Jean-Pierre Bensimon
Pour un autre regard sur le Proche-Orient  n°9  janvier 2013


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