mercredi 23 janvier 2013

Michel Warschavski ou les déboires d'un dandy extrémiste

Le 10 décembre dernier, Michel Warschavski recevait le prix des droits de l'homme de la République française au ministère de la Justice, sous l'égide de Mme Taubira, Garde des Sceaux. 

C'était une récompense pour la contribution de son groupuscule à la lutte contre "l'impunité". Étrangement, le discours de remerciement du récipiendaire commença par une pirouette: ..."J'avais préparé un beau texte, je ne suis pas langue de bois,..., je vais improviser..." avant de poursuivre par un pénible bafouillis. Pourquoi improviser plutôt que lire un beau texte? Simplement parce les instance ad hoc du ministère ou du premier ministre avaient mis leur veto à cette lecture et imposé des bornes très impératives à l’orateur.

Que contenait donc ce "beau texte", largement diffusé par la suite sur Internet ? Un parallèle immonde entre les nazis et les dirigeants israéliens. "Ce combat" disait-il "s'appuie sur les leçons tirées du judéocide nazi...PLUS JAMAIS ÇA..."  Il poursuivait : ".. ses enfants spirituels, que nous sommes sont honorés par la République Française pour le combat [mené] contre l’impunité des hommes politiques et des militaires israéliens soupçonnés d’avoir commis de tels crimes" , affirmant, : "... un monde dans lequel les criminels de guerre peuvent vivre normalement et circuler librement serait un monde malade..." La mission salutaire  du groupuscule s'accomplit alors "en dénonçant les crimes de l’occupation coloniale, en traitant les hommes politiques, les officiers et les soldats impliqués dans des crimes de guerre comme des criminels de guerre, et en leur refusant l’impunité..."
 

Un tel discours est une parfaite illustration de l'antisémitisme grimé en antisionisme, décrit par un organisme de l'Union européenne, l'EUMC, dans sa définition opérationnelle de l'antisémitisme de 2005. Cette définition officielle souligne en effet, parmi "des exemples concrets de critique antisémite vis-à-vis d'Israël, (...) l'établissement de parallèles entre la politique israélienne actuelle et celles des nazis." C'est pour ne pas être classée dans cette catégorie infamante et perdre toute chance d'être entendue sur les affaires du Proche-Orient que la France a censuré le brûlot de Warschavski au Palais de la justice.

Il n'y a rien de bien surprenant dans cette diffamation à l'état pur, venant d'un ancien agent de propagande du FPLP et condamné comme tel à de la prison. Le groupe est d'ailleurs dument répertorié dans la liste des organisations terroristes de l'Union européenne. Un affidé du même FPLP défraie aujourd'hui la chronique en France, le fameux Georges Ibrahim Abdallah, agissant comme tueur de profession là où Warschavski faisait fonction de groupie subalterne. Il faut savoir aussi que le genre de discours d'un Warschavski et ses activités dérivées ont la divine vertu de nourrir largement leur homme. En Europe et au-delà, les cassettes sont grandes ouvertes pour une foule de groupuscules intitulés ONG qui rivalisent dans le dénigrement d'Israël. Un calcul bien avisé en fait un filon lucratif , et ouvre à leurs animateurs une vie bien plus animée et confortable que l'exercice ingrat, mais moral, d'une véritable profession.

On peut se demander pourquoi la République est allée puiser dans ce cloaque un putatif défenseur des droits de l'homme à honorer. Les autorités politiques jurent la main sur le cœur qu'elles n'y sont pour rien, que la décision appartient exclusivement à la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Elles ne sont pourtant pas obligées de recevoir ce genre d'individu dans un palais de la République, même après lui avoir coupé le sifflet. Et si la CNCDH fait ses choix en toute indépendance, ses membres sont nommés par le premier ministre, en particulier le collège des personnalités dites "compétentes". En définitive, tout ce que le pays compte d'antisionistes professionnels confisque les sièges, un peu comme les dictateurs et les théocrates dans la commission correspondante de l'ONU. Dans sa ferveur, la CNCDH avait déjà honoré le réseau des ONG palestiniennes d'Israël en 2009, mais à l'époque, devant le trouble, le prix avait été remis par M. Kouchner en catimini, à l'extérieur de son ministère.

L'élévation scandaleuse d'un ancien soutien d'une organisation terroriste à la dignité de titulaire du prix des droits de l'homme de la République (ce qui, réfléchissons un instant, déshonore et les droits de l'homme et la République) est, de fait, une manœuvre politique dument planifiée. Il s'agit d'adresser à Israël un "avertissement" pour le maintenir sous haute pression et l'amener à céder aux exigences franco-européennes.

Si en 2009, l'opération était orchestrée exclusivement par l'équipe Sarkozy, sa responsabilité revient en 2012 aussi bien à l'administration Sarkozy qu'à l'administration Hollande. Pour attribuer le prix, le thème de l'impunité, clé de la manœuvre, avait été arrêté à l'époque de Sarkozy.

Le consul de France à Jérusalem, M. Frédéric Desagneaux est connu pour ses trous de mémoire. Il est parvenu à réunir en 2012 un colloque sur l'archéologie de Jérusalem sans faire référence à une quelconque présence antique juive et sans inviter aucun israélien. Mais il n'a pas oublié de frapper à la porte de Warschavski et de l'inciter à présenter un dossier de candidature au prix des droits de l’homme, sur un thème taillé sur mesure, bien avant l'élection de mai 2012.

Quant à l'administration Hollande, elle a accepté d’honorer le bravache franco-israélien, préalablement muselé, en l'invitant dans les salons d'un ministère régalien.

Visiblement, la continuité c'est maintenant !

Michel Warschavski ou les déboires d'un dandy extrémiste
Jean-Pierre Bensimon
Pour un autre regard sur le Proche-Orient  n°9  janvier 2013

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire