lundi 12 août 2013

Israël ne doit pas son statut de "nation start-up" à l'Union européenne

Le gouvernement israélien va devoir prendre une décision délicate dans les jours à venir. Israël doit-il se joindre au programme européen «Horizon 2020 » et accepter ainsi publiquement la décision de l'Union européenne considérant la présence israélienne au-delà des lignes d'armistice de 1949 comme illégale ? Ou alors le gouvernement doit-il refuser les exigences européennes et renoncer aux bénéfices financiers et scientifiques de «Horizon 2020 » ?

La plupart des chercheurs et universitaires israéliens implorent le gouvernement pour qu'il participe à «Horizon 2020 » en dépit des exigences européennes (ou peut-être du fait même de ces exigences). Pourtant la renonciation à ce programme apparaît beaucoup moins catastrophique que certains voudraient nous le faire croire.
« Horizon 2020 » et le huitième « Programme cadre » de l'Union européenne. Les programmes cadre sont des fonds européens consacrés à la recherche et au développement, qui fonctionnent à la façon des fonds d'investissement : les états membres apportent une contribution calculée en fonction du Produit intérieur brut, et le retour sur investissement (ROI), dépend du nombre d'entreprises et d'instituts de recherche qui utilisent avec succès les subventions du programme cadre.
Israël a été le premier et le seul pays non-européen admis comme participant de plein exercice au cinquième programme cadre (1998-2002). Par la suite, il a pris part au sixième programme cadre (2002-2006), ainsi qu'au septième (2007-2013). Israël a pu participer à ces programmes du fait de son excellence scientifique qui bénéficie aux activités de recherche-développement européennes. De plus, la participation israélienne s'est avérée parfaitement pertinente, et avisée du point de vue financier. Israel a investi 152,1 millions d'€ dans le cinquième programme cadre qui lui a rapporté en retour 166,8 millions d'€. Pour le septième programme cadre, Israel a investi 535 millions d'€ et a reçu en retour 698 millions d'€. Pour Israël l'enjeu se situe au-delà des chiffres, fussent-ils impressionnants. Sa participation renforce une coopération scientifique de valeur entre les universités, les entreprises et les instituts de recherche israéliens et européens.

 

Cependant, tous ces faits ne sont pas rapportés avec fidélité par les principaux médias israéliens. Yediot Aharonot, par exemple, a publié un article qui prétend qu'Israël reçoit 1,5 euros pour chaque euro investi dans le programme cadre. En fait, Israel a reçu 1,09 euro pour un euro investi dans le cinquième programme cadre, et 1,3 euros pour un euro investi dans le septième programme cadre. Yediot Aharonot, induit aussi en erreur ses lecteurs en affirmant que le rapport erroné de 1,5 euros reçus pour un euro dépensé serait garanti pour le programme « Horizon 2020 ». Il n'y a aucune garantie de ce genre. Il est tout à fait justifié de supposer que la participation d'Israël serait encore une fois fructueuse. Cependant prétendre comme l'a fait Yediot Aharonot, qu'Israël investirait 600 millions d'euros et recevrait 900 millions en retour, est tout simplement faux. Israël ne perdrait pas 300 millions d'€ en s'abstenant de participer à «Horizon 2020 ». Il perdrait des partenariats scientifiques de valeur, et une occasion d'investissement probablement profitable. Cependant ces 600 millions d'€ peuvent être directement investis dans la recherche-développement israélienne.
Dans son blog de The Times Of Israel, Naomi Chazan prétend même qu'en ne se joignant pas à «Horizon 2020 », Israel «verrait se disloquer la clé de voute qui a fait d'Israël une nation start-up». C'est absurde. Israël ne doit pas son statut de « nation start-up » à l'Union européenne. La perte possible de quelque 200 millions d'euros sur six ans ne conduirait pas à « l'effondrement » de la recherche-développement d'Israël.
La véritable question est de savoir si les bénéfices indiscutables de la participation à «Horizon 2020 » justifient l'acceptation par Israël des nouvelles conditions posées par l'Union européenne.
Le 19 juillet 2013, la Commission européenne a publié une Directive interdisant tout financement et toute coopération de l'Europe avec les entités israéliennes situées au-delà de la ligne d'armistice de 1949. Elle exige donc que tout accord signé entre un État membre de l'Union européenne et Israël inclue une clause stipulant que les territoires situés au-delà des lignes d'armistice de 1949 ne font pas partie de l'État d'Israël. À présent par exemple, le Mur occidental et le Mont Sion, se trouvent au-delà des lignes d'armistice de 1949. Israël devrait reconnaitre publiquement « l'illégalité » de son contrôle sur ces deux sites historiques juifs pour pouvoir recevoir des subventions européennes. L'exigence européenne n'est pas seulement dénuée de tout fondement en droit international. Elle est aussi profondément humiliante.
Naturellement, l'Union européenne applique à Israël un système de deux poids deux mesures quand on le compare à celui d'autres pays qui ont aussi passé des accords avec l'Union européenne. Par exemple, celle-ci a signé avec la Turquie en 1995 un accord d'association spécifique. Elle n'a cependant jamais annoncé que les productions turques, réalisés ou assemblées dans le nord de Chypre occupé seraient exclues de cet accord. En 2005, l'Union européenne a aussi signé avec le Maroc un accord portant sur les activités de pêche. Cet accord s'applique au Sahara occidental même si l'Union européenne ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur cette région. L'Union européenne est en train de négocier un traité de libre-échange avec l'Inde. Encore une fois, l'application de cet accord dans le territoire disputé du Cachemire n'est pas en discussion.
Si l'Union européenne refuse de revenir sur ces nouvelles exigences, Israël se trouvera sans nul doute face à un dilemme cornélien. Ceux qui plaident pour la participation à «Horizon 2020 » en dépit des nouvelles clauses européennes peuvent le faire en toute légitimité. Cependant, ils doivent cesser d'induire le public en erreur en dramatisant les enjeux, chiffres erronés à l'appui. Le refus du système de deux poids deux mesures sans base légale de l'Union européenne doit être sérieusement envisagé. Si on faisait ce choix, les conséquences en seraient tout à fait supportables.

par Emmanuel Navon, publié le 12 août 2013
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
 
 
 

 

2 commentaires:

  1. Il serait temps qu'Israël refusât de se laisser intimider ou dicter sa conduite. Quel état-nation souverain se voit-il humilié de la sorte ? L'arrogance de l'UE doit être méprisée en retour.

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  2. ISrael doit affirmer son independance économique, politique, financière, militaire, culturelle et académique

    point barre.

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