L’expérience de l’armée israélienne montre que la seule défense efficace contre le terrorisme, c'est ce que les américains appellent la « présence sur le terrain ».
"Ainsi", a dit John Kerry à Benjamin Netanyahou, "revenir aux lignes de 1967 vous pose un problème de sécurité. Nous allons nous en occuper. Nous allons vous envoyer une général quatre étoiles de la Marine qui va vous montrer que vous pouvez vous retirer sur les lignes de 67 et conserver votre sécurité."
Pour John Kerry, les "lignes de 67" sont un euphémisme qui désigne en fait les lignes définies par l’armistice du 3 avril 1949, conclu entre les armées israélienne et jordanienne. La Jordanie avait envahi la Judée et la Samarie le 15 mai 1948.
Cette armée, commandée, équipée et financée par les Britanniques, s’était jointe aux armées égyptienne, syrienne, libanaise et irakienne dans une opération combinée destinée à détruire l’État juif qui venait de naître. Chacune d’entre elles espérait se saisir d’un morceau du territoire soumis au mandat britannique par la Société des Nations dans le but de créer un État juif en Palestine.
Comme les forces armées britanniques quittaient alors ce territoire, elles pouvaient aisément s’y engouffrer.
L’armée jordanienne réussit à prendre le quartier juif de la Vieille ville de Jérusalem : elle fit sauter les synagogues qui s’y trouvaient et déporta tous ses habitants. Elle conquit aussi la Judée et la Samarie, détruisant toutes les implantations, tuant ou déportant tous les habitants juifs. Par la suite, les Jordaniens annexèrent ces territoires "occupés".
Kerry préfère utiliser la locution "lignes de 67" qui permet de dissimuler cette réalité historique, et le fait que cette zone géographique qu’il préfère baptiser "Bande occidentale" était en fait à l'époque un "territoire occupé". Et cela jusqu’à ce que la Jordanie viole l’accord d’armistice de 1949 et lance son attaque contre Israël en 1967, justement à partir de ces lignes.
L’homme qui a été choisi pour expliquer à Israël comment sa sécurité serait assurée après un retrait de Judée et de Samarie, est le général des Marines John Allen, à la fois un soldat et un universitaire. Quand il se réunira avec des officiers israéliens, il ne rencontrera jamais un général quatre étoiles. Année après année, l’armée israélienne a fait preuve de parcimonie dans les grades attribués à ses plus grands officiers. Le grade le plus élevé, celui de Rav Haluf, ou général trois étoiles, est attribué au seul chef d’état major. Les autres généraux israéliens ont soit une soit deux étoiles.
Il pourra cependant rencontrer des généraux israéliens qui ont participé dans leur jeunesse à la défense d’Israël face à l’offensive combinée des armées égyptienne et syrienne lors de la guerre de Kippour de 1973. Mais le général Allen n’aura pas besoin que ces généraux lui expliquent que les "lignes de 67" ne sont pas défendables en cas d’attaque d’Israël par des armées régulières. Un coup d’œil sur une carte du Moyen-Orient l’aura convaincu. Si c’est cela qui le préoccupe, il gagnera lui-même son voyage.
A l’évidence Kerry préfère faire l’hypothèse qu’Israël ne sera pas confronté à une attaque menée par une coalition d’armées hostiles dans un avenir prévisible. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de s’inquiéter du caractère défendable des lignes de 67. C’est une hypothèse plausible pour le moment. Mais combien de temps sera-t-elle valide dans le Moyen-Orient instable ?
Si néanmoins on maintient cette hypothèse, il reste quand même à prendre en compte les attaques menées par des forces terroristes irrégulières ou des terroristes individuels. Le Hamas, le Jihad islamique, al Qaeda, tous ensemble. Nombre d’entre eux sont entraînés, armés et conseillés par les Gardes de la Révolution iraniens. Ils tirent des roquettes contre les villes et lancent des incursions en Israël. Sur ce sujet, le général Allen constatera probablement que les militaires israéliens ont une expérience plus pertinente que la sienne.
L’armée israélienne a été engagée dans le combat contre le terrorisme depuis de nombreuses années. Elle en a conclu que la seule défense efficace dans ce type de guerre, c'est ce que les Américains appellent la "présence sur le terrain", à savoir la présence de l’armée dans les zones où les terroristes sont actifs et lancent des roquettes, en d’autres termes en Judée et en Samarie. S’il a besoin de preuves, il n’a qu’à observer les résultats de l’opération "Bouclier de défense" lancée après le massacre du Park Hotel à Netanya en 2002. Le général aura du mal à convaincre les Israéliens du contraire.
Titre original : For John Kerry, ''67 lines'' is a euphemism
par Moshe Arens, Haaretz, le 23 décembre 2013
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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