Il fait élucider l'acharnement de John Kerry à déstabiliser Israël au prétexte vertueux du "processus de paix".
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L’opinion française est sollicitée par d’innombrables sujets mais peu d’informations lui parviennent sur les aléas du dossier nucléaire iranien ou sur la démarche de paix au Proche-Orient de John Kerry. Ces sujets sont l’objet de violentes confrontations diplomatiques qui vont peser lourd sur l’avenir de l’Orient et de l’Occident.
Fort de son succès dans la relance des négociations israélo-palestiniennes, le chef du Département d’État américain veut aujourd’hui que ces négociations perdurent et qu’elles débouchent sur un règlement définitif. Cependant, quand on a à l’esprit les exigences et les contraintes respectives des deux parties, les objectifs qu’il affiche apparaissent totalement illusoires. Au point qu’un ne peut pas manquer de s’interroger sur ses vraies intentions.
PRÉLIMINAIRES SUR LA PAIX
1) La paix a par nature des implications contraignantes. Il faut qu’elle soit voulue de part et d’autre, avec force, et que ses artisans soient en mesure de la faire sinon aimer, du moins respecter. Le seul appui de Kerry du coté palestinien, Mahmoud Abbas, est une ombre politique. Il occupe le siège de président depuis 5 ans sans mandat électif, il ne peut pas mettre les pieds à Gaza où vivent 40% des Palestiniens des « Territoires », et il a aussi peu d’autorité sur ses administrés que sur les factions politiques qu’il est censé rassembler. S’il n’a pas été renversé depuis longtemps, il le doit à l’assistance « de sécurité » que lui consent Israël. Mieux, Mahmoud Abbas cultive une posture aux antipodes de la paix : déclarations incendiaires, dévotion tapageuse pour la tradition terroriste de son clan, et mobilisation de tous les média possibles pour inciter à la haine contre son partenaire supposé. Comment imaginer que si jamais un tel personnage signait un accord - suicidaire pour lui -, on puisse attendre qu’il veuille et puisse l’appliquer ?
2) On ne peut espérer une solution sans un bon diagnostic, ni un bon diagnostic sans aller au plus intime de la réalité. Quand on examine le périmètre du contentieux israélo-palestinien, on voit qu’il se situe très au-delà des Palestiniens, au-delà même des Arabes. Le rôle assigné à Mahmoud Abbas est de plus en plus incompréhensible.
La réalité fondamentale est celle d’un conflit israélo-arabe instrumentalisé en conflit israélo-palestinien à la fin des années 60. Si on se place sur la longue période, l’affrontement est permanent depuis au moins la fin des années 20 avec des variantes : des phases de harcèlement et de guerre terroriste plus ou moins intenses, des phases de guerre conventionnelle, et des phases de « calme » - c’est le cas aujourd’hui. Dans les phases de calme, la non-guerre ou le bas niveau des harcèlements terroristes n’empêchent pas une préparation active, logistique et tactique, du round suivant. Aujourd’hui, et c’est tragique, les arsenaux des ennemis d’Israël se garnissent d’armes nucléaires (Iran) ou de missiles et de drones (Hezbollah).
Autre particularité du conflit, les protagonistes de la croisade anti-israélienne changent au cours du temps. Après l’Égypte, la Syrie, des non-Arabes semblent avoir pris le relais aujourd’hui, l’Iran, voire la Turquie. On mesure à quel point la carte Mahmoud Abbas de Kerry est dérisoire !
3) Il faut prendre aussi en compte la nature profonde du conflit, son carburant ultime qui explique sans doute sa pérennité. Dans son essence, il s’agit un conflit culturel/religieux. Les Juifs, minorité dominée et méprisée, relevant du statut humiliant du dhimmi, des Infidèles, ont pu infliger des défaites militaires cuisantes aux peuples de la gloire arabe et islamique, aux Croyants, et ils ont édifié un pouvoir Infidèle dans le « Dar al Islam ». Ce sont deux violentes blessures que des démagogues peuvent aisément instrumentaliser en force politique et militaire. Et la démographie du monde arabo-musulman où la part des jeunes, sans avenir et influençables, est énorme, leur facilite la vie. C’est pourquoi Mahmoud Abbas n’imagine pas reconnaitre le pouvoir juif en Israël. Son paraphe serait vécu dans l’imaginaire islamique comme une défaire actée. Des fanatiques l’ont fait payer de leur vie au roi Abdallah de Jordanie (1951) et à Anouar Al Sadate (1981).
Ce carburant culturel/religieux est d’autant plus précieux et entretenu qu’il est aussi exploitable à d’autres fins. Haïs dans la vielle culture arabo-musulmane en tant qu’Infidèles rétifs aux injonctions du Prophète, les Juifs et Israël font un excellent bouc émissaire, l’exutoire providentiel des colères populaires, « Juifs » et « Israélien » étant des termes identiques dans le discours arabe islamique. De nombreux régimes ont donc fait du conflit israélo-arabe un instrument de gestion politique interne.
Ce n’est pas tout, dans le Moyen Orient instable, les candidats à l’hégémonie régionale se succèdent. Après, l’Égypte, nous avons aujourd’hui la Turquie et l’Iran. Dans la recherche du leadership, qu’imaginer de plus efficace que le drapeau du combat contre le « cancer sioniste » et l’arrogance juive ? En promettant de « rayer Israël de la carte », l’Iran en a fait la pierre angulaire de ses ambitions insatiables. Et il ne reste pas au niveau de la parole. Il a entrainé et armé le Hamas, le Hezbollah, le Jihad islamique. Il renforce ces jours derniers ses liens avec le FPLP et réchauffe le climat qui s’était un peu refroidi avec le Hamas, il cherche à pénétrer à l’Ouest du Jourdain. Il établit ainsi une sorte de ceinture opérationnelle, conventionnelle et terroriste, au Nord, au Sud et à l’Ouest d’Israël.
Quelle influence pourrait avoir un document signé par Mahmoud Abbas sur cet Hydre de Lerne oriental ? Pour le meilleur et plutôt pour le pire, les Palestiniens ne sont que les outils des ambitions impérialistes de régimes obscurantistes. La part d’autonomie du Hamas et des factions soi-disant modérées de l’OLP se réduit à entretenir un certain de niveau de tension sur le terrain et dans les esprits pour assouvir des fantasme idéologiques et forcer les tiroir-caisse de l’Occident.
4) Quelle que soit sa connaissance du Moyen-Orient (médiocre dit-on), John Kerry sait que Mahmoud Abbas est politiquement insignifiant quand il s’agit de la stabilité du Proche-Orient : elle se joue ailleurs. Mais il veut quand même, avec beaucoup d’énergie, obtenir une évolution radicale du statu quo actuel dans le minuscule périmètre israélo-palestinien. Soyons clair : en conformité avec les options invariables du Département d’État américain et avec la souplesse voulue, il veut non pas la paix des contes pour enfants ou des pacifistes, mais un retrait acté d’Israël en deçà des lignes de 1967 et la redivision de Jérusalem.
LA LIGNE D’HORIZON DE JOHN KERRY
Quel sont alors ses véritables objectifs ?
a- Une candidature à la Maison Blanche ? Daniel Pipes cite le commentaire « off » d’un officiel israélien : « La conduite du secrétaire d’état est obsessionnelle. Des gens disent qu’il veut tirer profit du conflit pour ses objectifs politiques, plus que pour faire avancer la paix…Il semble penser que le chemin de la Maison Blanche passe par un accord de paix... »
b- Une meilleure image des États-Unis auprès des leaders et de l’opinion arabes. Après une suite de décisions catastrophiques sur les dossiers égyptiens, libyens, iraniens, syriens, irakiens, le mépris pour l’Oncle Sam et l’inquiétude devant le vide politico-militaire creusé par l’administration Obama sont omniprésents dans le monde arabe. Les États-Unis savent aussi à quel point l’univers arabe savoure les défaites symboliques infligées à Israël par le truchement de son grand « allié ». Faute d’un leadership pour aider les Arabes à faire face à leurs vrais problèmes, John Kerry leur offre avec le retrait piteux de l’État juif, un baume pour calmer les brûlures persistantes de 1967.
c- La neutralisation du potentiel de nuisance de Mahmoud Abbas. En conformité avec ses options djihadistes de non-compromis et de « victoire » sur Israël, Mahmoud Abbas suit depuis des années une tactique de « contournement » d’un accord négocié au bénéfice d’une solution imposée à son adversaire par la « communauté internationale ». Il a ainsi obtenu le statut d’État observateur non-membre à l’ONU le 29 novembre 2012.Or, face à la majorité pro-palestinienne automatique de l’ONU (qui voterait que la terre est plate), les États-Unis apposent leur veto aux résolutions trop biaisées du Conseil de sécurité. Ils se retrouvent presque seuls face à la majorité automatique, taxés de soutien inconditionnel d’Israël. Depuis longtemps, ils ont horreur de cette situation, et en particulier depuis la politique « d’engagement » avec les ennemis de l’Amérique chère à Obama. La solution ? La poursuite de négociations (mêmes fictives), et la satisfaction des exigences du « président » palestinien. Ce à quoi s’épuise John Kerry.
Pourtant la menace palestinienne sent le bluff à plein nez : le sort de toute demande de statut de membre de plein exercice de l’ONU serait instantanément stoppé par un veto américain. Les requêtes devant des agences de l’ONU (Santé, aviation civile, etc.) n’ont aucune chance de prendre corps, d’autant que les Palestiniens ont déjà accès à ces agences. Les recours devant la Cour pénale internationale seraient périlleux car l’AP aurait à prouver ses accusations et elle pourrait elle-même avoir à rendre des comptes. (1)
Plus généralement les cercles du pouvoir américain qui veulent faire plier Israël avancent la théorie du chiffon rouge. Les épreuves de force entre Israël et les arabo-musulmans quel qu’ils soient, sont un chiffon rouge qui attise les feux du conflit de civilisations entre l’Occident et l’Orient, déstabilise le Moyen-Orient si ce n’est la planète et complique les relations entre les États-Unis et leurs alliés arabes et islamiques. Ce point de vue est aussi très prisé en Europe. La solution appropriée serait alors la disparition d’Israël Mais elle est à ce jour rarement défendue dans les cercles de pensée en Occident.
Pour éviter d’avoir à affronter la vague de l’islam djiadiste qui a tant gonflé ces dernières décennies, les Américains auraient été bien avisés de commettre un peu moins de bourdes stratégiques. Par exemple, le refus initial de l’initiative de paix Begin-Sadate, l’abandon du Shah d’Iran, l’élévation d’Arafat au rang de premier visiteur de la Maison Blanche, le découplage entre terrorisme international et terrorisme palestinien, les pressions pour le retrait israélien de Gaza, l’encensement des Frères musulmans, l’abandon de Hosni Moubarak, la modération envers l’Iran, …
L’ÉTAT PALESTINIEN, UN MAUVAIS CALCUL
Il ne s’agit pas d’exclure toute hypothèse sur les formes étatiques ou para étatique à donner à l’auto gouvernement des Palestiniens, un impératif, mais d’envisager les conséquences de l’État palestinien tel qu’il se profile dans la démarche de John Kerry.
Les premières implications de son projet obéissent aux lois bien connues de l’apaisement. Les premiers acquis sont perçus comme une victoire et comme une faiblesse de l’adversaire. Ils exercent un puissant effet de mobilisation des tendances les plus radicales. Les exigences et les incidents s’enchainent dans un crescendo qui aboutit au choix entre de nouveaux reculs et l’affrontement. Israël vulnérabilisé par le retrait, le dos au mur, riposterait violemment. Et le cycle que veut éviter John Kerry, celui du chiffon rouge, se ré-enclencherait avec une énergie nouvelle. Le retrait israélien du Liban (2000) et celui de Gaza (2005) en ont apporté la démonstration aveuglante. Le bilan, c’est plus de feu, plus de sang, plus de haine.
Outre la gestion apocalyptique des mouvements de population qui suivraient la re-division de Jérusalem (Arabes et Juifs de l’Est de la ville se précipitant à l’Ouest pour rester sous administration israélienne), l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) s’installerait dans la ville, une décision annoncée depuis longtemps. Jérusalem deviendrait la plateforme mondiale de la propagande anti occidentale, et en premier lieu des campagnes idéologiques pour l’écrasement du monstre sioniste blessé et sur le recul.
Il ne faut pas un talent d’extralucide pour prévoir que les mesures de « sécurité » censées protéger Israël auraient pour résultat, comme au Liban, de paralyser sa défense. Au même moment, un effet d’appel conduirait progressivement les masses flottantes de djihadistes d’Europe et de la région dans les anciennes Judée et Samarie en danger de somalisation. Les grandes institutions de la démocratie israélienne, le seul aérodrome international du pays, les concentrations industrielles et humaines, seraient à portée immédiate des systèmes d’armes ordinaires du terrorisme.
John Kerry serait bien naïf de croire que la division de Jérusalem et le retrait sur les lignes de 1967 mettraient un point final à la revendication palestinienne. D’ores et déjà l’appétit de Ramallah a franchi les lignes de démarcation militaires fluettes de 1949. Le dossier de candidature comme État membre présenté par Mahmoud Abbas à l’ONU en 2012 se référait à la résolution 181 de 1947 . Il visait le partage entre État juif et État arabe d’avant la guerre d’Indépendance, bien en deçà des lignes de 1949 (ou de 1967). Les Palestiniens veulent aussi récupérer la Maison de l’Orient où officiait Fayçal al Husseini, et des zones de Jérusalem Ouest où se trouvaient jadis certains villages arabes comme Deir Yassine. Ils avancent aussi des revendication sur les eaux du Lac Tibériade et demandent la division de l’aquifère côtier israélien. Il n’y a pas de fin des revendications. (2)
LES CONDITIONS PRÉALABLES D’UNE SOLUTION
Il n’y a pas de solution unique et formalisée, ni du conflit israélo-arabe, ni du conflit-israélo-palestinien. Si l’on veut vraiment consolider l’accalmie et prévenir la prochaine explosion de violence, il faut d’abord désamorcer les outils de la guerre (arsenaux, combattants, logistique). Il faut en même temps accroitre les coûts de belligérance pour les djihadistes (religieux ou soi-disant modérés) en assurant Israël d’un plein appui politique et militaire. Et enfin, il faut instiller chez les Arabes l’esprit de modernité, à travers un long travail en direction des jeunes générations .
La mesure immédiate devrait être un coup d’arrêt à l’expansion iranienne, qui parsème de désastres sa mortelle progression ( la Syrie, le Liban, l'Irak explosent). Et pour cela il n’y a qu’une voie, lui interdire par tous moyens l’arme nucléaire et empêcher à tout prix que l’Irak tombe sans son escarcelle. A partir de là, les perspective du djihad deviendraient moins alléchantes.
Il faut ensuite se garder de réveiller le conflit de civilisation en insistant sans répit sur la signature de traités, le meilleur moyen de raviver les vieilles plaies et tendre la corde de contentieux qui ne demandent qu’à sommeiller. Pour désamorcer les complexes surannés de l’ancienne culture islamique dominante, le fantasme de son passé hégémonique, il faut multiplier les passerelles entre sa jeunesse et la modernité, au lieu de flatter le vieux fanatisme religieux qui hante encore les âmes.
C’est un long chemin. John Kerry et le département d’état devraient y réfléchir au lieu se pousser dans le mur Israël, ce dernier ilot de stabilité dans un Moyen-Orient en convulsions.
Notes
2 - No End to Palestinian Claims: How Israel and the Palestinians View Borders Pinhas Inbari, Jerusalem Center for Public Affairs 8 January 2014 http://jcpa.org/article/no-end-to-palestinian-claims/
Jean-Pierre Bensimon Pour un autre regard sur le Proche-Orient n° 13 Janvier 2014
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