Israël est en train de s'interroger et de réviser toute la ligne stratégique et politique découlant de la paix d'Oslo qui lui a coûté si cher. [NdT]
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De plus en plus, ce sont les conversations centrées sur la gestion du différend israélo-palestinien, -et non sur sa résolution-, qui sont en vogue en ces années de processus de paix chancelant et bientôt avorté. Pour de nombreux observateurs, il s’agit désormais d’un sujet sur lequel Israël a décidé de ne pas décider, du moins pour l’instant. Cependant, dès le début du dernier cycle de négociations orchestré par le secrétaire d’Etat Kerry, nous avons assisté à une tentative concertée de faire ressurgir l’espoir d’une résolution imminente du conflit autour de la proposition des deux États. L’interview que le président Obama vient de donner dans Bloomberg a déjà provoqué beaucoup de commentaires. Les amis d’Israël ont exprimé leur consternation pleinement justifiée en observant la manoeuvre mystificatrice du président visant à présenter le premier ministre Netanyahou comme une sorte d’adversaire extrémiste du processus de paix, passant sous silence de façon totalement volontaire les nombreuses concessions pour la paix qu’il a déjà consenties. Il a parlé comme si le gel des implantations, les libérations de détenus et les nombreuses heures de négociation n’avaient jamais existé.
Bien sûr, dès sa prise de fonctions, Netanyahou avait repris à son compte le concept des deux États. Il en avait tracé les contours dans son discours de 2009 à Ber Ilan. Cependant, le premier ministre israélien avait aussi fait savoir tout à fait clairement que toute paix véritablement sincère devrait reposer sur la pleine reconnaissance d’Israël comme un État juif par les Palestiniens. Cette exigence avait rencontré le scepticisme de la majorité de la communauté internationale, en particulier des Européens. La gauche sioniste (ou du moins ce qu’il en reste) avait fait preuve de beaucoup de froideur devant cette demande. Des personnalités modérées de ce camp, comme Shlomo Avinieri, se montrèrent peu enthousiastes pour la demande relative à l’État juif.
Cependant, dans sa publication de ce mois-ci dans Mosaic, Yoav Sorek ne propose pas seulement une stratégie alternative, mais une stratégie qui place en son centre l’assertion que l’État juif est son droit le plus fondamental. Dans son texte intitulé « La grande erreur d’Israël » Sorek affirme que la voie des concessions et des accommodements suivie par Israël depuis le début des années 1990 a été désastreuse. Elle a eu pour effet de l’affaiblir tout en donnant de la force aux exigences de ses ennemis. Sorek insiste fortement sur la nécessité d’avoir bien conscience que puisque le conflit n’a jamais porté sur le territoire mais sur la fin de l’existence d’Israël, et que seule l’acceptation totale d’un État juif au Moyen-Orient donne une chance d’aboutir à une paix réelle.
L’erreur d’Israël a été de prendre à son compté l’idée que le droit d’exister peut être acheté au monde arabe contre des territoires. Il s’en est tenu à l’équation de la terre contre la paix car il croyait qu’en réduisant l’étendue de son territoire, en s’affaiblissant stratégiquement, il pourrait apaiser l’hostilité de ses ennemis. Mais comme le souligne Sorek, logiquement, c’est le contraire qui est vrai. C’est seulement en conservant toute sa puissance, en affirmant sa présence, et en demandant d’être reconnu, qu’Israël peut conserver une chance de contraindre à terme ses voisins à accepter la réalité de son existence et ce faisant, de réaliser le projet du sionisme.
Tant que la conclusion du très long différend avec les Palestiniens ne sera pas acquise, Sorek propose qu’Israël commence par s’abstenir d’apaiser et de légitimer les éléments les plus extrémistes parmi les Palestiniens. Pour cet auteur, la grande erreur du gouvernement Rabin a été de reconnaitre et de valoriser l’OLP au lieu de poursuivre la politique efficace visant à défaire l’organisation terroriste d’Arafat. Sorek suggère qu’avant tout, Israël reprenne l’initiative et qu’il réaffirme tout simplement ses droits et son autorité sur le territoire qui est sous son contrôle, dans sa totalité. Peu importe qu’Israël trouve le moyen d’intégrer les communautés arabes vivant sur son territoire ou que ces dernières choisissent en définitive leur avenir en réclamant leur précédente nationalité jordanienne. Sorek affirme que rien de tout cela ne s’avèrera aussi pénible que les 20 années de pagaille qui ont jalonné la tentative de création d’un État palestinien.
Obama demande non sans malhonnêteté qu’il aimerait bien qu’on lui présente une alternative quelconque à la solution des deux États. Mais cette demande est une double hypocrisie. D’un coté il n’a clairement aucun désir d’une solution alternative, et de l’autre il sait parfaitement que Netanyahou coopère au projet d’établir un État palestinien. Mieux, Netanyahou tente aussi une approche synthétique en insistant pour que le compromis territorial accepté par Israël ait pour contrepartie l’acceptation de l’État juif par les Palestiniens.
Le premier ministre doit exiger cette acceptation, mais il y a un signe qui révèle l’étendue du doute que ressentent les Israéliens sur ce qu’il adviendra de la région dans son ensemble. C’est leur insistance continuelle sur l’impératif de conserver le contrôle de la zone d’importance stratégique de la Vallée du Jourdain. Comme l’observe Sorek dans sa publication, Israël a abandonné tout espoir d’être un jour accepté par le vaste monde arabo-islamique. TS Eliot a écrit il fut un temps sur ces gens qui inventent des systèmes tellement utopiques qu’aucun d’entre eux n’est jamais le bon en réalité. De ce point de vue, la discussion sur les systèmes sophistiqués d’alerte précoce dans la Vallée du Jourdain, les palabres sur le nombre symbolique de réfugiés, les échanges de territoires, etc., tout cela n’est que l’expression d’une volonté inappropriée de négocier un accord en béton sur le statut final qui n’a pas lieu d’être si l’État juif est toujours honni par les Palestiniens et la région dans toute son étendue.
Comme le dit Yoav Sorek, il ne faudra rien moins que la pleine acceptation de l’État juif pour apporter la paix à Israël et mettre un terme au conflit, et seule la poursuite dans le temps de cette acceptation ouvrira la voie viable d’une paix véritable et définitive.
Titre original : An Alternative to the Two-State Solution
par Tom Wilson, Commentary Magazine, le 5 mars 2014
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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