Comme le bellicisme et la férocité du Hamas qui arrose Israël de roquettes et qui refuse les cessez-le-feu sont d'une évidence aveuglante, les adversaires d'Israël pensent avoir trouvé un angle d'attaque pour mettre quand même l'Etat juif en accusation.
Ils lui reprochent d'être le responsable pour ne pas vouloir une solution politique globale au conflit israélo-palestinien. Au premier rang d'entre eux, l'administration Obama. Dans un très remarquable article, Emmanuel Navon, réfute ce procès infâme et pointe le double discours de Washington. (NdR)
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Le consensus général à propos du dernier affrontement entre Israël et le Hamas est fondé sur l'idée que seul un règlement politique pourra éviter le cycle des tirs de roquettes et des représailles.
The Economist, par exemple, a écrit qu’ “une paix durable ne s’installera que lorsque les deux parties parviendront à un règlement global.” Le Président Obama a déclaré que “la seule voie pour une véritable sécurité est une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens.” Ces déclarations sont tautologiques : à l’évidence, il n’y aurait pas de guerre s’il y avait la paix. La question n’est pas de savoir si la paix entre Juifs et Arabes est désirable, mais si elle est possible.
Le Président Obama dit y croire. La semaine dernière, il a envoyé le coordinateur de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient, Philip Gordon, s’exprimer à la “Conférence d’Israël sur la Paix” à Tel Aviv.
“Comment”, demanda Gordon, “Israël pourrait-il avoir la paix s’il n’accepte pas de délimiter une frontière, de mettre fin à l’occupation et d’accorder aux Palestiniens la souveraineté, la sécurité, et la dignité?” C’est une bonne question. Mais en voici une meilleure : Comment Israël peut-il avoir la paix s’il accepte de délimiter une frontière, de mettre fin à l’occupation et d’accorder aux Palestiniens la souveraineté, la sécurité et la dignité? Car Israël n’avait pas la paix lorsqu’il existait une telle une frontière entre 1949 et 1967, et quand il a offert de redéfinir cette frontière, avec des changements mineurs, en juillet 2000 et en mai 2008, il na pas obtenu pas la paix que cette initiative était censée produire.
L’expérience, la logique et la déduction suggèrent que la Judée-Samarie se transformera en Bande de Gaza en plus vaste et en plus meurtrier après le retrait que Gordon appelle de ses vœux. Gordon en est conscient : “Nous savons que de nombreux Israéliens craignent un retrait de la Cisjordanie en raison de l’expérience de Gaza, d’où les roquettes continuent de frapper Israël, en dépit du retrait complet des troupes et des implantation israéliennes.”
La solution? Un plan de sécurité américain dont les détails “restent classifiés.” Gordon a prononcé ces paroles peu après que son public ait dû être évacuée en raison des roquettes tirées sur Tel Aviv depuis Gaza par les “technocrates” qui ont récemment rejoint le gouvernement de l’Autorité palestinienne (un gouvernement que le Secrétaire d’État américain John Kerry s’est empressé de reconnaître parce que Mahmoud Abbas lui a assuré qu’il "s'était engagé à ne pas utiliser la violence"').
Parce que les détails du plan de sécurité américain pour la Judée-Samarie “demeurent classifiés” Gordon nous demande de lui faire confiance lorsqu’il nous assure que le destin de la Judée-Samarie sera différent de celui de Gaza après un retrait israélien. Avec le respect qui lui est dû, si nous n’avons pas accès au “plan de sécurité classifié” de Gordon, nous avons sous les yeux le spectacle des forces de sécurité irakiennes entraînées par les États-Unis.
Lors des dernières négociations avortées entre Israël et l’Autorité palestinienne, l’Administration Obama a proposé de remplacer la présence de l’armée israélienne dans la Vallée du Jourdain par des forces palestiniennes entraînées par ses soins. Les forces entraînées par les États-Unis en Irak ont été incapables (ou n’ont pas voulu) stopper l’avancée de l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIS). Si les soldats irakiens formés par les Américains ne sont pas prêts à se battre contre l’EIIS pour protéger leur propre pays, pourquoi les soldats palestiniens formés par les États-Unis accepteraient-ils de se battre contre leurs frères arabes pour protéger Israël dans la Vallée du Jourdain? D’ailleurs, les forces irakiennes formées par les États-Unis ont été inefficaces dans la protection du gouvernement chiite tout comme les soldats formés par les États-Unis à Gaza le furent, en 2007, pour protéger le gouvernement de l’OLP. L’EIIS, qui a un contingent palestinien, menace à présent la Jordanie. Les Palestiniens formés par les États-Unis tireront-ils sur leurs frères pour protéger les frontières d’Israël?
Philip Gordon n’est pas plus convaincant lorsqu’il appelle Israël à accorder aux Palestiniens “souveraineté, sécurité et dignité.” Quel pays dans le monde arabe, je vous prie, respecte la sécurité et la dignité à ses citoyens? Et si l’Administration Obama est si préoccupée par la “souveraineté, la dignité et la sécurité” des peuples du Moyen-Orient, pourquoi refuse-t-elle ces attributs aux Kurdes?
John Kerry a récemment demandé au président kurde Massoud Barzani de mettre de côté ses aspirations à un État indépendant. L’administration Obama a peur qu’un État kurde indépendant en Irak n’encourage une sécession des Kurdes en Turquie et en Iran. Obama ne veut pas irriter l’Iran au milieu de difficiles négociations sur le programme nucléaire des ayatollahs, et il ne veut pas non plus s’aliéner le tempétueux premier ministre turc. Donc la “souveraineté, la sécurité et la dignité” kurdes peuvent attendre.
Évidemment, on ne saurait reprocher aux États-Unis de pratiquer la Realpolitik. Mais ils pourraient au moins avoir la décence de ne pas nous prendre pour des imbéciles.
Emmanuel Navon dirige le département de science politique et de communication de l'université orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l'Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.
par Emmanuel Navon, i24 News, 17 juillet 2014
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