Une nouvelle mode a envahi la sphère politique européenne : l'unilatéralisme palestinien. L'un après l'autre, les parlements et les gouvernements d'Europe font le choix de soutenir la reconnaissance d'un État palestinien indépendamment de tout processus de paix avec Israël.
Ce faisant, ces assemblées démocratiques sont en train de compromettre l'objectif de la paix à deux Etats qu'ils prétendent rechercher. Si la plupart de ceux qui sont à l'origine de ces initiatives utilisent un langage de paix, ils sont en train de mettre au monde quelque chose qui en est très éloigné. Il semble Ce n'est pas tant la fin du conflit qui galvanise l'énergie de ces parlementaires qu'une vision complètement pervertie de la « justice. » Il s'agit davantage de satisfaire l'obsession palestinienne pour un État que de se demander s'il va apporter la paix ou non.
Cette semaine, le parlement espagnol a voté dans cet esprit en faveur de la reconnaissance de l'État palestinien, avec 319 parlementaires favorables à la résolution, deux contre et une abstention. Des scrutins semblables ont déjà été tenus dans les parlements britanniques et irlandais, et les Français sont appelés à voter dans le même sens à la fin du mois. Dans ces pays, les résolutions parlementaires de cette nature ne sont pas contraignantes pour les gouvernements, bien que le président français ait déjà exprimé son soutien aux initiatives unilatérales palestiniennes au Conseil de sécurité. De son côté, le gouvernement suédois a d'ores et déjà reconnu l'État palestinien en octobre.
Pour qui veut vraiment faire aboutir la solution de la paix à deux Etats, il est tout à fait évident que ces votes ne peuvent qu'entraver les tentatives authentiques de résolution du conflit. Au delà du fait que ces résolutions purement symboliques n'amèneront rien de concret pour matérialiser l'État palestinien, elles contribueront à rendre beaucoup moins probable un accord sur les deux Etats. Après tout, à la base du processus à deux Etats, il y a l'idée d'attribuer la souveraineté aux Palestiniens en contrepartie d'un engagement sur la sécurité d'Israël. Mais si les Palestiniens étaient amenés à croire qu'en définitive le monde interviendra pour forcer la naissance de leur Etat, toute incitation à conclure un accord avec Israël s'évanouirait.
En soutenant l'unilatéralisme palestinien, les pays européens risquent de ruiner toute possibilité d'un accord sur le modèle "la terre contre la paix," dont ils affirment à tout bout de champ vouloir être les garants. Or quand "la terre contre la paix" vient sur le tapis, ils disent aux Palestiniens qu'ils peuvent obtenir le premier terme sans concéder le second en retour. Les assemblées parlementaires européennes sont en train d'aboutir à une non-solution à deux Etats. L'État palestinien pourrait devenir une réalité mais le conflit se poursuivrait quand même, et probablement il s'intensifierait.
Le problème, c'est que sans s'en rendre compte, Israël et nombre de ses partisans ont laissé mûrir cette situation. Depuis Oslo, Israël a été embarqué dans un processus de paix qui ne l'a pas le moins du monde rapproché de la paix, mais qui a affaibli la défense de ses droits sur une bonne partie du territoire qu'il contrôle, et introduit un doute sur la nature de son statut international. Son désir de mettre un terme au conflit avec les Palestiniens en leur concédant la création d'un État sur la Rive Ouest du Jourdain a conduit Israël à abandonner ses revendications sur ces territoires et donc à endosser malencontreusement le rôle d'un occupant illégitime de la terre palestinienne. De telle sorte que pour le reste du monde, la création d'un État palestinien est de moins en moins liée à l'obtention de la paix et de plus en plus à la nécessité de rendre « justice » aux Palestiniens.
Après tout, les parlementaires européens ne se sont pas vraiment trompés sur le tour que prenait l'affaire. C'est même le contraire. Non seulement ils sont bien conscients que 20 années de négociations n'ont conduit nulle part, mais ils ont constaté que les concessions territoriales d'Israël, loin de faire avancer la paix, ont aidé les militants palestiniens à mener leur guerre, faisant en sorte que dans cette dynamique il y ait le plus de morts possibles au sein de leur propre peuple. D'ailleurs le personnel politique européen ne semble pas trop affecté par cet aspect des choses.
Ils ont certainement vu aussi, et ils ne semblent pas en faire grand cas, ce que les Palestiniens ont effectivement fait de la souveraineté qu'ils ont obtenue. Le despotisme théocratique brutal du Hamas à Gaza donne une première impression glaçante de ce que serait la vie dans l'État palestinien du futur. De même, le régime politique semi autonome de Mahmoud Abbas dans la Rive occidentale du Jourdain est non seulement profondément antidémocratique, mais aussi odieusement oppressif pour la population palestinienne. Et ce qui est pire, c'est qu'au lieu d'exploiter cette opportunité pour construire une nation, Abbas et les siens ont mis toute leur énergie dans une politique d'incitation à la violence perpétuelle contre Israël. En conséquence nous assistons à des incidents comme l'horrible attentat de cette semaine dans une synagogue de Jérusalem. Comme Ruthie Blum l'a souligné dans un récent article de Israel Hayom, on est en train de paver la voie d'un État Islamique en Israël.
Si les parlementaires européens veulent réellement aboutir à une paix à deux Etats, ils doivent tout faire pour que les Palestiniens comprennent clairement que l'intransigeance, l'incitation et la violence, ne les conduisent nulle part. À moins qu'ayant perdu tout intérêt pour des questions aussi harassantes que la sécurité et la stabilité des Israéliens et des Palestiniens, le personnel politique européen préfère se faire le champion de la notion abstraite de «justice», sans se préoccuper du nombre de personnes que cette orientation fera basculer dans la violence.
Titre original : The Dubious Embrace of Palestinian Unilateralism
par Tom Wilson pour Commentary Magazine publié le 20 novembre 2014
Traduction: Jean-Pierre Bensimon
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