A l'heure où la France multiplie ses efforts pour introduire un nouveau plan de paix, ses dirigeants seraient bien avisés de décoder la stratégie des Palestiniens, autorités de Ramallah et Hamas confondus, dont la démarche est aux antipodes de l'apaisement en principe souhaité par Paris
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Tout montre que les Palestiniens projettent d'intensifier leurs efforts pour obliger Israël à s'incliner devant leurs exigences. Bien qu'ils ne soient pas unis, ils agissent sur deux fronts différents pour réaliser leurs objectifs.
L'un des camps, incarné par l'Autorité palestinienne (AP), est convaincu qu'en s'appuyant sur la communauté internationale il pourra forcer Israël à un retrait complet sur les lignes de 1967, Jérusalem compris, et à accepter le « droit au retour», à l'intérieur de l'État hébreu, de millions de réfugiés accompagnés de leurs descendants.
L'autre camp, représentée par le Hamas, le Djihad islamique et quelques autres groupes terroristes, continue à rejeter toute forme de compromis, et affirme avec insistance que la seule solution consiste à éliminer Israël.
A la différence du premier camp, celui-ci pense que les négociations directes ou indirectes avec « l'ennemi sioniste »sont une perte de temps, et que pour les Palestiniens, le terrorisme est le seul moyen de réaliser leurs objectifs.
Les deux camps palestiniens, l'AP et le Hamas, sont en guerre l'un contre l'autre depuis 2007, au moment où le Hamas a pris le contrôle exclusif de la Bande de Gaza et forcé l'AP à fuir en Cisjordanie.
Mais si les deux camps rivaux combattent contre l'autre, ils travaillent aussi chacun de son côté pour mettre Israël à leur merci.
Le 19 juin, un groupe affilié au Hamas a revendiqué la responsabilité des tirs qui ont tué Danny Gonen, un homme de 25 ans qui visitait la Cisjordanie.
Le Hamas, le Djihad islamique, et quelques autres groupes palestiniens se ruèrent alors pour célébrer « la bonne nouvelle » du meurtre du jeune Israélien, qui soit dit en passant n'était pas un «colon» mais un résident de la cité de Lod, près de l'aéroport Ben Gourion.
Dans des déclarations séparées, ces groupes terroristes expliquaient que l'attentat s'inscrivait dans la démarche palestinienne pour « préserver la résistance » contre Israël en Cisjordanie. Elles disaient que de tels attentats sont « des moyens légitimes » d'agir pour le respect des droits et des aspirations des Palestiniens.
Ces groupes faisaient savoir avec une clarté indiscutable que leur objectif n'était pas de «libérer» la Cisjordanie, mais d'effacer Israël de la surface de la terre. Comme le disait l'une d'entre elles, « nous poursuivrons notre soutien à toute action de résistance sur la terre de Palestine jusqu'à ce qu'elle soit libérée, de la mer [Méditerranée] au fleuve [Jourdain], et nettoyée de tous les usurpateurs sionistes ».
Quelques heures après l'attentat de Cisjordanie, un important dirigeant du Hamas, Moussa Abdou Marzouk, répéta que son mouvement cherchait à remplacer Israël par un État islamique : « le Hamas désire un État qui ne se limite pas à la Bande de Gaza mais qui s'étend à toute la Palestine ; nous n'abandonnerons pas nos armes et nous continuerons le combat pour libérer notre terre. »
La déclaration de Marzouk dément le discours tenu par certains Arabes et par les médias occidentaux, prétendant que le Hamas est en train d'évoluer vers le pragmatisme et la modération, et qu'à présent il est prêt, pour la première fois à reconnaître le droit à l'existence d'Israël. Il y a beaucoup de gens en Occident qui ne parvienne à à comprendre la véritable position du Hamas parce qu'ils ne suivent pas ce que le Hamas dit en arabe à son propre peuple. En arabe, le Hams ne fait pas mystère de son appel à la destruction d'Israël. Son message est souvent repris en anglais et dans d'autres langues, et c'est à mettre à son crédit.
Quand le Hamas et ses alliés s'emploient à détruire Israël par la voie du terrorisme, l'AP paraît plus déterminée que jamais à intensifier sa campagne mondiale pour délégitimer et isoler Israël avec l'aide de divers groupes internationaux, comme le mouvement anti Israélien B D S, [Boycott, Desinvestissement, Sanctions].
Certains responsables palestiniens importants aiment à décrire ces campagnes comme une « guerre diplomatique » contre Israël. Ils soutiennent que cette guerre a démontré qu'elle était beaucoup plus « efficace », et de loin, que les roquettes et les attentats-suicide. « Quand nous lançons des roquettes sur Israélo nous n'attirons pas la sympathie, » explique un responsable. «Mais au sein de la communauté internationale tout le monde soutient maintenant nos efforts diplomatiques. C'est pourquoi nous croyons qu'actuellement, la démarche du Hamas est nuisible aux intérêts palestiniens. »
Peu avant que le jeune Israélien ait essuyé un tir mortel en Cisjordanie, le chef des négociateurs palestiniens, Saeb Erekat, dévoilait son plan pour unir le monde entier contre Israël pour le contraindre à se soumettre aux exigences de l'AP, et par-dessus tout, à se retirer complètement et définitivement en deçà des lignes de 1967.
Le plan d'Erekat est un appel à un rapprochement étroit avec les pays de l'Union européenne et les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU pour accroître la pression sur Israël pour qu'il se soumette aux volontés palestiniennes. C'est aussi un appel au soutien international pour reconnaître un État palestinien et poursuivre sa démarche d'adhésion à de nombreuses organisations et conventions internationales.
Avec son plan, Erekat avertit qu'il ne soutiendra aucune résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU qui inclurait une clause de reconnaissance d'Israël comme État juif ou qui ferait des concessions sur le « droit au retour » des réfugiés. Il réitère aussi le refus de l'AP de l'idée d'un échange de terre entre le futur État palestinien et Israël. De plus, Erekat souligne son opposition à l'idée d'un État palestinien démilitarisé ou de l'abandon d'un secteur quelconque de Jérusalem.
La stratégie actuelle de l'AP consiste à négocier avec la communauté internationale et pas avec Israël, pour une paix au Moyen-Orient. L'AP sait qu'elle n'obtiendra pas d'Israël tout ce qu'elle demande. C'est pourquoi les dirigeants palestiniens ont choisi de négocier avec la France, le Royaume-Uni, la Suède et les États-Unis. Les Palestiniens espèrent que ces pays leur donneront ce qu'Israël ne peut pas et n'est pas prêt à leur offrir à la table des négociations.
Même si Israël consentait à donner 100 % de ce qu'il a gagné en 1967, la réalité du terrain ne le permettrait pas. Depuis 1967, les Juifs et les Arabes ont créé des « faits accomplis de terrain » irréversibles, comme la construction de dizaines de milliers de maisons pour les Arabes et les Juifs. Un retrait total signifierait que des dizaines de milliers de Juifs et d'Arabes perdraient leur maison en Cisjordanie et à Jérusalem.
En comptant sur l'aide de la communauté internationale, le but ultime de l'AP est de mettre Israël à genoux. Pour l'AP, l'appel à la communauté internationale et à l'Europe a pour objectif de punir et d'affaiblir Israël, pas de faire la paix avec lui. L'AP veut obtenir la dégradation de l'image Israël, son isolement, et sa réduction au statut d'État voyou. Elle désire traîner les Israéliens devant la Cour pénale internationale et les faire expulser du plus grand nombre possible d'organismes internationaux.
Quand on parle avec d'importants responsables de l'AP, on ressent l'impression que leur véritable objectif est de conduire Israël à la défaite et à la reddition. Leur stratégie ne porte pas tant sur la solution à deux États : elle consiste beaucoup plus infliger à leur adversaire Israélien peine et souffrance. Il s'agit plus d'une revanche que de vivre dans un État à ses côtés.
À bien des égards, la « guerre diplomatique » de l'AP contre Israël est aussi une aide pour le Hamas. En accusant en permanence Israël de « crimes de guerre » et «d'atrocités », l'AP aide le Hamas à justifier ses attaques terroristes contre les Israéliens. Ses campagnes anti israéliennes permettent aussi de créer un climat de sympathie et de compréhension pour les attentats terroristes du Hamas.
D'un autre côté, le terrorisme du Hamas vient aussi en appui aux campagnes de l'AP dans l'arène internationale. Tout attentat terroriste fournit alors à l'AP l'opportunité de signaler la nécessité « urgente » de contraindre Israël à se soumettre aux exigences palestiniennes, seul moyen de « contenir les radicaux. »
C'est ainsi que le Hamas et l'AP, tout en demeurant des ennemis jurés, ont des rôles complémentaires dans le combat contre Israël.
Et il semble que dans la communauté internationale, ces deux camps palestiniens recueillent beaucoup de soutiens dans leur entreprise de sape et de destruction d'Israël.
Titre original : The Palestinians' Real Strategy, publié par Gatestone Institute
Auteur : Khaled Abu Toameh, journaliste arabe israélien renommé
Date de première publication : le 22 juin 2015
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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