mercredi 3 juin 2015

L’offensive de paix européenne

L'Europe, sous l'impulsion de la France, poursuit le projet d'un règlement du conflit israélien dont l'échec est assuré dans les circonstances actuelles. Les grands architectes de l'Elysée ont décidément beaucoup de mal à obéir au principe de réalité.
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Les Européens ont décidé d'œuvrer à l'achèvement définitif du conflit israélo-palestinien en Terre Sainte, vieux de plus de cent ans. La Haute représentante des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE), Federica Mogherini, est récemment venue en Israël pour faire part de l’impatience son institution devant l’impasse des négociations israélo-palestiniennes. La France veut porter l’affaire devant le Conseil de Sécurité de l’ONU pour régler le conflit à une échéance limite de 18 mois.

Les intentions européennes sont louables, mais elles paraissent déconnectées des réalités du Moyen-Orient. SI la partition de la Terre d’Israël entre les Juifs et les Arabes qui vivent dans cette minuscule partie du monde est souhaitable, le mouvement national palestinien n'a pas été un partenaire valable pour mettre en œuvre cette partition, et il est largement responsable de l’échec de la solution à deux États.

Le mouvement national palestinien semble incapable de parvenir à un compromis historique avec le mouvement sioniste dans la mesure où il persiste à vouloir le contrôle du Mont du Temple, un « droit au retour » des réfugiés, et la disparition totale de toute présence juive en Judée et en Samarie. Le système d’éducation et les média palestiniens perpétuent le conflit, incitant à la haine contre les Juifs et refusant de  reconnaitre leurs liens avec la Terre d’Israël. En réalité, l’écart entre les positions des Israéliens et des Palestiniens est extrêmement grand et ne peut pas être comblé instantanément. Il est totalement irréaliste d’escompter un accord sur les questions du statut final dans un proche avenir.

L’amère vérité, c’est que les deux sociétés ont toujours l’énergie de combattre pour ce qui important à leurs yeux. Les conflits ethno-religieux prennent fin quand au moins l’un des deux protagonistes affiche une grande lassitude. Les crédules Européens ont beaucoup de difficulté à réaliser que la paix n’est pas la valeur la plus importante pour les Israéliens et les Palestiniens.

Il faut ajouter que les Palestiniens ne sont parvenus à saisir les opportunités de construire leur État. Leur échec le plus remarquable et le plus dévastateur du point de vue de l’édification d’un État, c’est la perte du monopole de l’utilisation de la force. Cela a conduit au chaos et à la perte de Gaza au profit du Hamas en 2007. Tant que le Hamas jouera un rôle central dans les affaires palestiniennes, aucune réconciliation israélo-palestinienne ne sera possible. Ce qui est arrivé dans les Territoires palestiniens reflète un phénomène répandu dans le Monde arabe, l’effondrement des structures étatiques. La culture politique arabe semble impuissante à édifier des structures étatiques et à surmonter les identités tribales et les particularismes.

L’Autorité palestinienne (AP) n’est pas différentes des autres entités arabes telles qu’on les observe en Libye, en Irak, en en Syrie ou au Yémen, où elles sont incapables de gouverner efficacement les territoires qu’elles contrôlent. Fondamentalement, l’AP et ses dirigeants sont assis sur les baïonnettes israéliennes qui garantissent que le territoire qu'elle administre est nettoyé des éléments violents susceptibles de renverser la loi illégitime de son président, Mahmoud Abbas, et perpétrer des attentats terroristes contre Israël. Telle est l’essence de la coopération de sécurité entre Israël et l’AP.  Du point de vue économique aussi, l’AP est dépendante de ses rapports avec Israël et de la coopération entre Jérusalem et les États donateurs.

Par-dessus tout, les Palestiniens refusent de reconnaître Israël comme un État juif, une question centrale dans l’histoire du conflit israélo-arabe. Alors qu'en 1978, avec Menahem Begin, le premier ministre dalors, Israël reconnaissait les « droits légitimes du peuple palestinien », les Palestiniens n’ont toujours pas fait une déclaration en réciprocité. De plus, en vertu d’un phénomène qui reflète des tendances régionales, l’influence grandissante de l’islamisme dans la société palestinienne rend la reconnaissance de l’État juif encore plus difficile. La négation des droits légitimes du peuple palestinien sur la Terre d’Israël ne fait que renforcer un large consensus en Israël sur l’idée que les Palestiniens ne sont pas des partenaires de paix sérieux.

Les bouleversements du monde arabe ont aussi durci les positions israéliennes dans les négociations avec les Palestiniens. Le contexte politique peut changer brutalement au Moyen-Orient, ce qui rend les frontières défendables indispensables. La présence d’Israël sur le Jourdain est une exigence de sécurité vitale pour l'État juif. Il est déplorable d’observer que les Palestiniens n’ont pas  encore intégré ces changements et qu'ils ne parviennent pas à ajuster leurs aspirations aux réalités de terrain. Malheureusement, le réalisme ne fait pas du tout partie de leur culture politique maximaliste.

Il en résulte que le long conflit israélo-palestinien demeure insoluble. Tout simplement, la solution à deux États que tout le monde a à la bouche n’est pas un objectif réaliste dans les circonstances actuelles.

L’an dernier, Benjamin Netanyahou a accepté non sans réticence, un document cadre proposé par les États-Unis dans un effort pour sauver les négociations avec les Palestiniens. Mais Abbas a refusé d’accepter le document américain, ce qui a efficacement mis fin aux efforts diplomatiques de l’Oncle Sam. Comme prévu, la dernière proposition de Netanyahou, négocier les frontières des Blocs d’implantation, n’a pas satisfait les désirs des Palestiniens. Pendant des années, ils ont rejeté les offres généreuses de Éhoud Barak (2000) et Éhoud Olmert (2008). Naturellement, Netanyahou ne pourra pas faire mieux.

La résolution du conflit n’est pas d’actualité. Ce que l’on peut obtenir de mieux, ce sont des accords intérimaires, tacites ou formels, qui ne fassent pas courir de graves risques à la sécurité d’Israël. L’administration d’Obama elle-même a compris la dure leçon : il faut remplacer la solution du conflit par la gestion du conflit. C’est la seule stratégie qui ait une chance de minimiser les souffrances des deux cotés, et d’arriver à un minimum de stabilité dans la tempête du Moyen-Orient.

L’offensive de paix européenne n’est qu’un exercice diplomatique futile. Il n’en résultera vraisemblablement qu’une nouvelle période d’activisme diplomatique visant à ouvrit un nouveau forum d’échanges de vues israélo-palestinien qui échouera de la même manière. De tels échecs découragent les diplomates professionnels qui font un travail honorable en essayant d’apporter la paix. De son coté, le Quartet tentera probablement encore une fois de promouvoir la paix. Nous leur souhaitons bonne chance à tous.

Auteur : Efraïm Inbar, directeur du Begin-Sadat Center for Strategic Studies
Date de première parution : 01 juin 2015
Traduction : Jean-Pierre Bensimon

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