Lettre ouverte à l’attention de Eric de
Rothschild, président du Mémorial de la Shoah, François Heilbronn, vice
président et Jacques Fredj, directeur du Mémorial
Une pétition signée
par une vingtaine de personnes a été adressée au CSA pour dénoncer les propos
tenus par Georges Bensoussan lors de l'émission « Répliques » sur France
Culture le samedi 10/10/2015. Le MRAP entame une démarche identique et déclare qu’il entend « faire citer Georges Bensoussan devant le
tribunal correctionnel pour injures racistes et provocation à la haine et à la
violence raciste ».
De leurs côtés les
sites internet Palestine solidarité et
Oumma.com s’associent à ces dénonciations dans des termes d’une extrême
violence. Oumma.com
publie un appel à la guerre civile sous la plume de Jacques Marie Bourget : « L’énormité se passe de commentaires. Avec
Finkielkraut à la barre, dans son émission "Répliques", tribune
offerte par le service public, c’est-à-dire nos impôts, tout est possible et la
zemmourisation poursuit de courir son train infernal. Ainsi, le 10 octobre,
voici ce que l’immense philosophe de la haine a permis d’entendre. Celui qui
parle est Georges Bensoussan, un historien, rédacteur en chef de la « Revue
d’histoire de la Shoah » et aussi responsable éditorial au Mémorial de la Shoah
: « Aujourd’hui nous sommes en présence d’un autre peuple au sein de la nation
française, qui fait régresser un certain nombre de valeurs démocratiques qui
nous ont portés. (…). Il n’y aura pas d’intégration tant qu’on ne se sera pas
débarrassé de cet antisémitisme atavique qui est tu, comme un secret. Il se
trouve qu’un sociologue algérien, Smaïn Laacher, d’un très grand courage, vient
de dire dans le film qui passera sur France 3 : « C’est une honte que de
maintenir ce tabou, à savoir que dans les familles arabes, en France, et tout
le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète
avec le lait de la mère » Je n’ai pas entendu dire que le CSA ou la direction
de France Culture, s’ils existent encore, avaient rappelé Finkielkraut à ne pas
propager haine et mensonge. Car, si l’antisémitisme n’est pas une opinion mais
un délit, il doit en aller de même de l’islamophobie la plus grotesque et
primaire. À Smaïn Laacher, qui n’est pas Gandhi, on pourrait faire remarquer que
ce que les musulmans français « tètent », ce n’est pas l’antisémitisme mais
d’abord le lait d’amertume, celui de l’injustice historique faite au peuple
palestinien. Si personne ne vient crier « halte à la haine », armons-nous et
préparons dès maintenant la guerre civile ».
Les signataires de la
présente lettre tiennent à apporter les précisions suivantes :
·
Il faut
remarquer que c’est d'abord l’émission Répliques elle-même qui est mise en
cause, et ceci dans des termes qui ne font pas honneur aux auteurs de la
dénonciation et qui surtout l’invalident dans sa totalité. On peut d'ailleurs
se demander si en réalité cette lettre de dénonciation n’a pas pour objectif
principal l’interdiction de cette émission.
· Cette démarche
participe d’une stratégie d’intimidation visant l’interdiction professionnelle.
« Répliques », Pierre-André Taguieff et d’autres ont déjà été l’objet dans le
passé de telles attaques. Aujourd’hui c’est l’activité professionnelle de
Georges Bensoussan qui est visée. Le faire taire, interdire toute parole lucide
semble être l’objectif de cette nouvelle police de la pensée. Que celle-ci se pare
des plumes de l’antiracisme ne change rien à l’affaire.
·
En ce qui
concerne Georges Bensoussan il est indigne d'écrire que les propos tenus sont
des propos racistes car l'ensemble de ses travaux, de ses livres, de ses
enseignements, sont radicalement étrangers à un quelconque racisme.
·
Georges
Bensoussan évoque avec lucidité et courage l'antisémitisme de personnes
d'origine musulmane. Il n'est pas le premier à le dire puisque de très grands
intellectuels, notamment maghrébins, l’ont souligné en faisant remarquer qu'il
était plus facile de se voiler la face que de dire le réel dans sa crudité, sans
pour cela tomber dans un racisme nauséabond. Boualem Sansal, Kamel Daoud, Fethi
Benslama, Riad Sattouf, pour ne citer
que des auteurs reconnus en France, ont largement décrit et dénoncé ces
éléments culturels hélas fréquemment présents dans les mentalités de ces
populations. Dans l’émission Répliques, Georges Bensoussan s’est limité à paraphraser
les propos du sociologue d’origine algérienne Smaïn
Laacher qui déclarait en l’occurrence : "donc
cet antisémitisme il est déjà déposé dans l’espace domestique. Il est dans
l’espace domestique et il est quasi naturellement déposé sur la langue, déposé
dans la langue. Une des insultes des parents à leurs enfants quand ils veulent
les réprimander, il suffit de les traiter de juif. Mais ça toutes les familles
arabes le savent. C’est une hypocrisie monumentale que de ne pas voir que cet
antisémitisme il est d’abord domestique et bien évidemment il est sans aucun
doute renforcé, durci, légitimé, quasi naturalisé au travers d’un certain
nombre de distinctions à l’extérieur. Mais il le trouvera chez lui, et puis il
n’y aura pas de discontinuité radicale entre chez lui et l’environnement
extérieur parce que l’environnement extérieur en réalité était le plus souvent
dans ce qu’on appelle les ghettos, il est là, il est dans l’air que l’on
respire. Il n’est pas du tout étranger et il est même difficile d’y échapper en
particulier quand on se retrouve entre soi, ce sont les mêmes mots qui
circulent. Ce sont souvent les mêmes visions du monde qui circulent. Ce sont
souvent les mêmes visions du monde, fondées sur les mêmes oppositions et en
particulier cette première opposition qui est l’opposition « eux et nous ». Et
après sur cette grande opposition, sur cette grande bipolarité et bien se
construisent une multiplicité d’oppositions entre les nationalités, entres les
ethnies, etc ». Nulle part on ne peut trouver trace d’arguments « biologiques » pour étayer ces
constats. La métaphore "téter avec le lait de la mère",
employée par Georges Bensoussan, n'a fait qu'exprimer à travers une métaphore ce
que déclare Smaïn Laacher.
·
Évoquer un « glissement assuré d'un racisme culturel à un
racisme biologique » relève de la plus parfaite mauvaise foi. Depuis plus
de 20 ans Georges Bensoussan développe ses analyses du racisme dans la Revue d'Histoire de la Shoah et
notamment dans le numéro intitulé « Classer – Penser – Exclure. De l'eugénisme
à l'hygiène raciale » numéro que les pourfendeurs de cet historien n'avaient
manifestement pas lu avant de lancer cette accusation diffamatoire.
·
Le moment
présent participe d’un renouveau des crispations autour des choses juives
auxquelles la situation qui prévaut actuellement en Israël n’est pas étrangère.
C’est la raison pour laquelle nous devons affirmer notre soutien sans réserve à
Georges Bensoussan, en saluant son courage intellectuel et sa liberté de parole.
Ses diffamateurs se gardent bien de s’interroger sur les faits, assurément
gênants, qu’il évoque : ils se contentent d’accuser, de dénoncer, de salir et
de menacer. La haine des Juifs s’inscrit dans des stratégies sans cesse
renouvelées.
–
Le combat pour ce dévoilement est le nôtre.
Signataires :
Pierre-André Taguieff,
Philippe de Lara,
Denis Charbit,
Michel Zaoui,
Fréderic Encel,
Michel Gad Wolkowicz,
Eric Marty,
Michaël Bar Zvi,
Yves Ternon,
Michèle Tribalat,
Jacques Tarnero,
Monette Vacquin,
Henri Vacquin,
Philippe Gumplowicz,
André Senik,
Richard Prasquier,
Yves Charles Zarka,
Catherine Chalier
Voir le texte de mon blog écrit le lendemain de l'accusation de racisme contre Georges Bensoussan par ce cher Edwy Plenel : http://lavissauve3.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/10/14/francoise-giroud-a-echappe-a-la-chasse-aux-sorcieres-571257.html
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