vendredi 30 octobre 2015

La fin de la Pax Americana au Moyen-Orient

 Les ayatollahs en rêvaient, Obama la leur offre sur un plateau

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La fin de la Pax Americana. Le défunt ayatollah Khomeiny en rêvait ; le président Barak Obama s'emploie à la lui offrir : 

Ce sujet était au centre d'un séminaire d'une journée réuni à Téhéran la semaine dernière. Y participaient les ambassadeurs de Bolivie, de Cuba, d'Équateur, du Nicaragua et du Venezuela auxquels s'étaient joints des personnalités de la République islamique iranienne et des universitaires.

Les cinq nations latino-américaines ont des régimes de gauche et forment l'un des "blocs" que l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad voulait organiser en pôles de "résistance" antiaméricaine voués à couvrir l'ensemble de la planète. Un autre "bloc" est composé du Liban, contrôlée par la branche locale du Hezbollah, de la Syrie, sous la férule de Bachar al-Assad, et des parties de l'Irak dominées par les groupes armés pro-Téhéran. Il était prévu de mettre sur pied  un  "bloc" supplémentaire en faisant exploser le Conseil de Coopération du Golfe (GCC). Il suffirait de "Finlandiser" certains de ses membres tout en favorisant la prise du contrôle du Yémen par des groupes locaux opérant selon la tactique du Cheval de Troie.

Téhéran a programmé pour le mois prochain l'accueil de la cinquième conférence annuelle d'un cycle intitulé "Fin de l'Amérique" avec la participation espérée d'un grand nombre de personnalités, des professionnels de l'anti-américanisme en Europe et aux États-Unis.

Cependant, le calendrier de cet exercice pourrait se modifier. Pour la première fois depuis quasiment une décennie, la Présidence et une partie du gouvernement, dont le ministère de affaires étrangères, semblent être contrôlés par une  "faction de Rafsandjani" supposée favorable un accord avec les Américains depuis la fin des années 80.

Il y a beaucoup de gens à Téhéran qui se demandent à présent si la conférence "Fin de l'Amérique" de cette année sera finalement réunie. Nombre de "familles de victimes afro américaines des brutalités de la police US" ont déjà été invitées aux côtés de chefs religieux et d'universitaires européens opposés au "Grand Satan."

Certains commentateurs de Téhéran favorable à Rafsandjani, dont une partie de l'entourage du président Hassan Rohani, se sont prononcés contre la tenue d'une nouvelle session de "Fin de l'Amérique," désormais considérée au mieux comme inutile et au pire comme une provocation gratuite.

Le ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, soutient que les États-Unis ont fait preuve de bonne volonté et se sont mis en quatre pour satisfaire les exigences de l'Iran au cours des négociations nucléaires. Ce serait folie de les provoquer à un moment où Téhéran a besoin du soutien de Washington pour abattre l'édifice des sanctions et envoyer aux oubliettes la longue saga du nucléaire.

Il y a plus de 30 ans, l'intransigeance de Khomeiny a mis en pièces la présidence de Jimmy Carter, privant l'Iran d'un ami à Washington. Il serait fou de reproduire la même erreur en humiliant Obama, et à travers lui le parti Démocrate, ce qui reviendrait à faciliter le retour au pouvoir des Républicains qui se sont engagés à mener la vie dure au régime khomeiniste.

Vu de Téhéran, l'idéal pour les années suivant l'élection présidentielle aux États-Unis serait la nomination et la victoire du vice-président Joseph Biden ou du Secrétaire d'État John Kerry. Les deux hommes partagent une histoire commune, celle de plusieurs décennies de soutien à la révolution khomeiniste et à la République islamique. Ils sont toujours partisans d'un rapprochement avec un Téhéran sous la férule des mollahs.

Quatre ou peut-être huit années de prolongement de la politique d'Obama coïnciderait merveilleusement avec le calendrier de l'accord nucléaire de Vienne qui prévoit "la clôture définitive du dossier" pour 2023 au plus tard. Jusqu'à cette date, il faudrait une année à l'Iran pour se doter d'un arsenal nucléaire s'il le décidait. Par la suite, l'Iran le fera en 60 jours, une fois encore s'il fait ce choix.

Plus important encore, huit années supplémentaires de la stratégie d'Obama rendraient extrêmement difficile si ce n'est impossible en termes pratiques, toute tentative d'une future administration américaine de redonner vie à la Pax Americana et d'en faire une option réaliste. La stratégie d'Obama a pour but de réduire l'influence de l'armée américaine sur le monde. Des dizaines de bases militaires sont en train d'être fermées ou réduites à des dimensions tout à fait symboliques. Dans ce qui reste du mandat présidentiel d'Obama, la suppression d'au moins 40.000 soldats de l'armée américaine -et d'elle seule- est programmée. Sous Obama, les États-Unis ont subi les plus grandes coupes dans les dépenses de défense depuis l'époque enivrante de l'après-guerre froide et de ses "dividendes de la paix".

Peut-être plus important encore, Obama a manœuvré pour dégrader, si ce n'est détruire radicalement, les vieilles alliances de l'Amérique dans plusieurs zones du monde, en particulier au Moyen-Orient. Sa vieille et loyale alliée, la Grande-Bretagne, a même joué publiquement la carte des liens privilégiés avec la Chine, tirant implicitement les conclusions du retrait américain.

Obama a changé l'image de "gagnante" de l'Amérique pour en faire une perdante, comme le confirme une série de crises qui va de l'annexion de la Géorgie et de territoires ukrainiens par Moscou jusqu'à l'émergence de l'État islamique d'Irak et de Syrie (ISIS) et la résurgence des Talibans d'Afghanistan, sans parler de l'influence grandissante de Téhéran au Liban, en Syrie et en Irak.

Une "ligne rouge" menaçant Assad, annoncée péremptoirement par Obama avant qu'il ne mange théâtralement son chapeau, dévoilait le nouveau statut de "perdants" des États-Unis.

Le retrait mondial de l'Amérique a déjà permis à la Chine d'affirmer avec force sa position de grande puissance asiatique. Il a aussi encouragé des tendances nationalistes au Japon au point que ce pays cherche à modifier sa constitution pour autoriser le déploiement de ses troupes à l'étranger et peut-être même le développement ultérieur d'un arsenal nucléaire.

L'Amérique latine est divisée en deux blocs rivaux rassemblant des pouvoirs de droite et de gauche. Sur cette scène, les États-Unis sont de moins en moins considérés comme un acteur majeur.

En Europe et en Asie centrale, la Russie se dépêche de retrouver une partie de son influence perdue et de projeter sa puissance là où elle le peut. De nombreux conflits locaux, en sommeil grâce à la médiation américaine, sont en train de se réactiver ,de la Transcaucasie au sous-continent indo-pakistanais.

Le conflit Iisraélo-palestinien est en train de s'enflammer suite au vide créé par l'effondrement total des "négociations de paix" pilotées par les États-Unis.

La fin de la Pax Americana peut s'avérer être finalement une bonne chose pour les Américains, auquel cas Obama entrerait dans l'histoire comme un visionnaire plein de sagacité.

Cependant, même dans ce cas, les mollahs ont tout intérêt à l'encourager à poursuivre sa stratégie actuelle, et avec leurs modestes moyens, à contribuer à la persistance de sa ligne politique sous l'égide de Kerry, ou à défaut de Hillary Clinton, la moins mauvaise option pour eux.

Ceux qui considèrent que l'époque de la "Fin de l'Amérique " ferait du monde un endroit beaucoup plus dangereux sont nombreux. Quant aux mollahs, ils y verraient la matérialisation du rêve de Khomeiny.


Auteur : Amir Taheri, journaliste aux innombrables publications qui a remporté les prix les plus prestigieux de ls profession.

Publié par AsharqvAl-Aawsat, le 24 octobre 2015

Traduction: Jean-Pierre Bensimon

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