vendredi 13 novembre 2015

Il ne faut pas donner carte blanche au président iranien

Les dirigeants italiens et français doivent faire pression sur Rohani dont l'action aggrave notablement la situation en matière de droits humains.


Le président iranien Hassan Rohani effectue un déplacement en Europe ce week-end. Il commence par Rome d'où il se rendra ensuite à Paris. Ce sera sa première visite d'État en Europe. Des rencontres sont prévues avec plusieurs hauts responsables de chacun de ces pays.

L'ennui, c'est que la démarche occidentale de rapprochement avec Téhéran reflète une terrible naïveté vis-à-vis du régime iranien. Ce serait différent si M. Rohani s'employait à améliorer la situation intérieure de son pays comme certains dirigeants occidentaux ont voulu nous le faire croire. Mais c'est l'inverse qui est vrai.

La situation des droits humains en Iran est aussi mauvaise ou même pire que ce qu'elle était quand les mollahs ont pris le pouvoir il y a 36 ans. Depuis l'élection de M. Rohani en 2013, plus de 2000 personnes ont été exécutées. C'est sans équivalent dans les 25 dernières années.

Depuis longtemps l'Iran détient le record du monde des exécutions capitales par habitant, statistique poignante qui ne fait que s'aggraver. Le régime a aussi multiplié les arrestations et l'arbitraire judiciaire, que cela concerne des militants, des dissidents, des minorités ou d'autres groupes.

De nombreux dirigeants occidentaux étaient convaincus que la volonté de Téhéran de négocier un accord nucléaire en échange de la levée de sanctions économiques paralysantes, annonçait une amélioration d'ensemble de son comportement.

En fait, l'accord nucléaire a donné au régime une motivation nouvelle pour sévir contre la société civile et faire barrage à l'influence de l'Occident. Le Guide Suprême Ali Khamenei a même interdit aux responsables politiques, qui sont sous sa coupe, de poursuivre quelque négociation que ce soit avec Washington. Son attitude vis-à-vis de l'Europe est à peine moins négative.

En faisant bon accueil à M. Rohani, l'Europe donne l'impression qu'elle désire négocier des contrats pétroliers et des partenariats commerciaux même si, en contrepartie, elle doit faire silence sur la dégradation des droits de l'homme en Iran, sur son recours au terrorisme et sur ses activités de déstabilisation du Moyen-Orient. De tels accords, accompagnant la levée des sanctions économiques, donneraient au régime l'argent dont il a besoin pour poursuivre le financement des Gardes de la Révolution islamique, lancer des initiatives aventuristes dans la région, et renforcer son appareil de répression intérieure.

Le budget national de l'administration Rohani reflète ses priorités. Il accroît d'environ un tiers le financement des Gardes de la Révolution tout en laissant le revenu réel des enseignants iraniens plonger au-dessous du seuil de pauvreté. Ce n'est pas le comportement d'un régime qui s'achemine vers la modération. Les Gardes de la Révolution sont l'instrument principal de la répression intérieure des mollahs et de l'exportation de la Révolution islamique vers d'autres pays.

Il n'est pas trop tard pour inverser la situation. L'Italie, la France et l'Union européenne doivent s'engager à profiter de la visite de Rohani pour l'interroger sur la situation des droits de l'homme dans son pays et ne pas se contenter d'explorer de nouvelles opportunités d'investissement.

Le seul motif qui justifie des rencontres entre les pays occidentaux et le président iranien, c'est de l'interroger sur sa politique intérieure et sa politique étrangère, et lui faire savoir que les investissements occidentaux et la levée des sanctions seraient compromis si son pays refusait de libérer ses prisonniers politiques et de garantir les droits de ses citoyens.

Rome et Paris doivent aussi souligner aux dirigeants iraniens qu'ils attendent des changements politiques urgents : la propagande, l'incitation à la haine, et les menaces contre certains pays de la région doivent cesser totalement. Il en est de même pour les déclarations racistes et intolérantes des responsables iraniens,

Téhéran serait encouragé à croire qu'il a les mains libres pour éliminer ses opposants et consolider son pouvoir à l'intérieur de ses frontières si le déplacement de M. Rohani s'effectuait sans un mot de critique pour le bilan de son gouvernement en matière de droits de l'homme, dans une Europe obnubilée par la perspective de profits juteux. Ce serait une faute à la fois morale et politique.


Auteur : Giulio Maria Terzi ancien ministre des affaires étrangères d'Italie 

Publication : Wall Street Journal , le 12 Nov. 2015 

Traduction: Jean-Pierre Bensimon

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