Une Semaine de l'Apartheid israélien, une grande messe antisémite en réalité, est organisée en Mars dans des universités américaines de plus en plus nombreuses. Les administrations et les enseignants des campus n'apportent pas une réponse adéquate à ce défi éthique, même quand ils ne sont pas complices.
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La Semaine de l'Apartheid israélien
va peut-être s'inviter dans un campus près de chez vous. Ce qu'il faut, c'est
un antidote contre cette maladie et surtout ne pas en être complice.
La folie du mois de mars ne se limite pas aux terrains de basket-ball. Ce
mois-ci, les campus américains sont envahis par la dernière forme de brimades universitaires: la Semaine de l'Apartheid
israélien. Les étudiants juifs devront passer devant des affiches et des
spectacles qui déforment leur histoire, diffament leur foyer national, et
déshonorent leur héritage religieux. Pendant ce temps les gens du campus qui ne
sont pas complices de ce rituel feront semblant de ne pas voir l'humiliation
qu'ils subissent.
Ruth R. Wisse
Au cours de la dernière décennie, cette campagne annuelle peut se vanter
d'une croissance remarquable dans le monde entier. Elle revendique à présent la
participation de 150 villes et universités. Cette année, la campagne a déjà
frappé le Royaume-Uni (du 22 au 28 février) et l'Europe (du 29 février au 7
mars). Dans la première semaine de mars, la Semaine
de l'Apartheid israélien s'est installée à l'Université Columbia. Des étudiants pour la Justice en Palestine
ont érigé un "mur de l'apartheid" dans l'enceinte du campus. (« Notre revanche se lira dans les rires de nos
enfants » disait un slogan). Le site Internet de la Semaine de l'Apartheid israélien dresse la liste des universités de tout le pays où des événements seront organisés. Le mois s'achèvera par un cérémonial à
l'Université Rutgers.
Ces événements qui dénoncent la soi-disant répression des Arabes
palestiniens par Israël sont une facette d'un front antijuif beaucoup plus
large, dont le fer de lance universitaire est le mouvement Boycott, Désinvestissement,
Sanctions (BDS). Ce courant s'inscrit dans le boycott initié par la Ligue Arabe en
1945. Il appelait toutes les personnes et institutions du monde arabe à "refuser toute transaction, distribution, ou consommation d'un produit ou d'un bien
manufacturé sioniste quel qu'il soit."
Si l'agit-prop des étudiants est sous la coupe de groupes associant des
militants de gauche et des Arabes musulmans, comme le groupe pro palestinien de
Columbia, le mouvement BDS est dans une grande mesure l'émanation d'enseignants
de faculté, impliqués dans le champ des études
moyen-orientales et le domaine des sciences humaines et sociales. Ces groupes ajustent
leur discours agressif à l'encontre Israël aux références et aux tactiques des
mouvements de protestation "progressistes ».
Ayant enduré de tels excès pendant des décennies, des Juifs américains se
sont organisés récemment pour tenter d'endiguer cette marée. Le Conseil universitaire
pour Israël et le Réseau d'Action universitaire ont rejoint des groupes
existants dans les facultés comme l'Initiative Amcha ou le Centre Louis D.
Brandeis pour les Droits de l'homme. Ils apportent leur soutien dans les cas
les plus flagrants de harcèlement des partisans d'Israël.
Un cas de ce genre a retenu l'attention du Centre Brandeis. Il met en
cause l'Université du Connecticut où Andew Pessin, un professeur de philosophie
a eu la témérité de critiquer les terroristes du Hamas en 2014. Une campagne de
calomnie étendue à la totalité du campus s'en est suivie, où il a été taxé de
racisme. L'administration l'a critiqué aussi, au lieu de s'en prendre à ses
détracteurs. Il n'a pas encore repris ses cours.
Au niveau des étudiants, Israel on Campus Coalition essaie de
coordonner des groupes et des individus pour répondre aux activités anti-israéliennes par la diffusion d'informations et d'initiatives "pro-actives
et pro-israéliennes". Bien qu'elles soient bienvenues et nécessaires, ces
actions ne peuvent pas à elles seules stopper la campagne de diffamation, d'autant
que les Juifs n'ont jamais été capables d'empêcher la mise en œuvre de projets
politiques hostiles.
Les agents de l'antisémitisme sont des antisémites. S'ils ne sont pas
soumis à un contrôle minutieux, ils atteignent leurs objectifs. Accuser Israël
de la souffrance des Arabes palestiniens est fondamentalement une stratégie de
contournement. Son but véritable est de détourner l'attention des
dysfonctionnements des sociétés arabes et musulmanes. C'est ce qu'elle réussit
à faire. Où sont les manifestations des campus pour les droits des femmes en
islam, où sont les aides aux réfugiés syriens, où est la vigilance en faveur
des chrétiens victimes de l'État islamique? Où est l'indignation des historiens,
des archéologues, et des anthropologues devant la destruction de monuments
antiques et de sociétés indigènes par des musulmans radicaux, alors qu'il est
de leur devoir, en principe, de les défendre?
Les administrations universitaires et les facultés ont été complices de cette plaie,
permettant à des allégations antijuives de masquer les autres formes de racisme
et de fleurir à leur place. Les responsables administratifs invoquent avec
hypocrisie la liberté d'expression pour défendre les membres du corps
enseignant qui expriment ostensiblement leur opposition à Israël dans un habillage "universitaire." À présent, des disciplines entières
utilisent les séminaires de l'université pour attaquer l'État juif. Les cartels
anti-israéliens des campus exploitent les libertés d'expression et de réunion
pour s'en prendre au seul pays du Moyen-Orient qui garantit l'exercice de ces
libertés. Quand les enseignants accepteront-ils d'affronter cette corruption débile
de leur métier et de l'institution professorale ?
Israël est à tout point de vue une "nation start-up" très exemplaire,
mais faire l'éloge de ses qualités éminentes ne permet pas de l'emporter sur
les manœuvres de la Semaine de l'Apartheid israélien et du mouvement BDS. La
campagne actuelle pour les élections américaines a montré clairement le pouvoir
supérieur des argumentations négatives sur les idées, même si elles sont
positives et bien exprimées. L'antisémitisme est la forme suprême des discours
négatifs. Il fleurit parce que le public pense qu'il n'y a pas d'enjeu pour lui
dans ce conflit. Il choisit donc de ne pas défier les militants, faute aussi de
n'avoir pas sérieusement recherché un antidote. Si les sociétés occidentales avaient
consacré aussi peu d'attention aux maladies infectieuses que celle qu'elles
accordent à la pandémie de l'antisémitisme, des dizaines de millions de gens
seraient en train de mourir du choléra ou de la peste bubonique.
Titre original : March Madness, the Anti-Semite Bracket
Auteur : Ruth R. Wisse Ancien professeur de Yiddish et
de littérature comparée à Harvard, elle est l'auteur de “Les Juifs et le
pouvoir” (Schocken, 2007) et “Sans blague : comment faire de l'humour juif”
(Princeton, 2013)
Première publication: le 23 mars 2016, Wall Street Journal
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
http://reinfomontreal.com/About_Israel_apartheid.html
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