Le président Obama a affaibli le statut de superpuissance des États-Unis, laissant derrière lui un monde beaucoup plus dangereux que celui dont il avait hérité. L'arrivée de l'administration Trump donne à Israël des motifs d'optimisme, bien qu'il faille garder à l'esprit que le nouveau président est un homme d'affaires qui a plus d'un tour dans son sac.
On ne peut qu'admirer les Américains. Ils ont élu il y a huit ans, le premier président afro-américain, Barak Obama. L'allégresse et la joie authentique des rues de New York où je me trouvais quand il a été intronisé, reflétaient les changements intervenus au sein de la société américaine.
Titre original : Out with the Old, In with the New
Auteur : Maj. Gen. (res.) Yaakov Amidror
Date de première parution: 16 janvier 2017 in Besa Center Perspective Papers N° 395
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
On ne peut qu'admirer les Américains. Ils ont élu il y a huit ans, le premier président afro-américain, Barak Obama. L'allégresse et la joie authentique des rues de New York où je me trouvais quand il a été intronisé, reflétaient les changements intervenus au sein de la société américaine.
Obama a entamé son mandat armé d'une conception du monde bien affirmée. Il croyait que la solution aux nombreux défis auxquels faisaient face les États-Unis dans le monde dépendrait de son autorité et de sa capacité à imposer sa volonté aux autres nations. Dans son esprit, de nombreux échecs rencontrés par Washington dans le monde s'expliquaient par l'absence d'initiative des dirigeants pour améliorer leurs liens avec leurs adversaires.
Cela conduisit Obama à se rendre au Moyen-Orient en 2009, -mais pas en Israël- et à prononcer son fameux discours du Caire. Il croyait qu'en s'adressant aux peuples avec son cœur, il recevrait le même traitement en retour. Cette logique l'amena aussi à tenter d'établir de nouveaux rapports avec la Russie.
Huit ans plus tard, il est difficile de dire que le monde lui a permis de récolter ce qu'il a semé. Le monde n'est pas meilleur, ni plus démocratique ; il n'est pas mieux disposé envers les États-Unis, à tous égards. C'est particulièrement vrai au Moyen-Orient, mais cette animosité est aussi présente un peu partout.
De plus, l'effacement des États-Unis dans différentes régions a accru l'inquiétude de leurs alliés en butte à l'agressivité de leurs voisins. Ce sentiment est encore plus accusé pour certains pays où l'on a parlé de remplacer le parapluie nucléaire américain considéré comme vacillant. C'est grâce à lui que les États-Unis, puissance nucléaire, garantissent la protection de leurs alliés non nucléaires. [Il est question de remplacer ce parapluie] par des-capacité nucléaires indépendantes. Si cela se produisait, on serait face à une horrible course aux armements nucléaires.
Obama laisse derrière lui un monde beaucoup plus dangereux que celui qui lui avait été confié en tant que chef du pays le plus puissant de la terre, un titre élogieux qu'il a sérieusement écorné.
Dans le fil des relations israélo- américaines, les huit années de l'administration Obama auront été complexes. D'un côté, Israël a trouvé une écoute sympathique à Washington concernant ses besoins de sécurité. L'événement marquant a été l'allocation par les États-Unis de 38 milliards de dollars de subventions à la défense de l'État juif. De même, Israël a été le premier pays au monde à recevoir le F 35, l'avion de combat dernier cri de notre époque. Voila qui en dit long sur l'engagement américain en faveur de la sécurité de l'État juif dans les décennies à venir.
Les relations entre les services de renseignements israéliens et américains sont toujours excellentes. Leur coopération n'aurait pas été possible sans des directives émanant de la Maison-Blanche. Israël a aussi reçu des États-Unis, plus d'une fois, un soutien vital dans l'arène internationale.
En même temps, sous la présidence Obama, Washington et Jérusalem se sont opposés sur quatre questions importantes.
La première concernait la non-prolifération nucléaire.
En 2010, l'administration américaine n'a pas tenu ses engagements envers Israël en acceptant la demande arabe de superviser les capacités nucléaires supposées de Jérusalem. C'était une manœuvre pour obtenir un consensus à la conférence annuelle sur la non-prolifération nucléairequi était réunie à Vienne.
Les Américains ne pouvaient pas admettre explicitement qu'ils n'avaient pas respecté un engagement vis-à-vis d'Israël, mais ils comprenaient que cela avait été perçu comme tel à Jérusalem et dans le monde. A en juger par les rares rapports étrangers sur la question, les plaintes d'Israël étaient justifiées. Les États-Unis agirent finalement pour qu'Israël puisse surmonter les difficultés survenues de leur fait, mais l'abandon flagrant de leur promesse ébranla la conscience collective des Israéliens, même si ses effets ont été au total atténués.
La seconde question concernait les implantations
L'administration américaine a fait de la construction dans les implantations en Judée et en Samarie un paramètre clé du processus de paix israélo-palestinien. Cela a pris la dimension d'une obsession, d'une question qui conditionne le succès ou l'échec de toute avancée.
Washington s'abstient de la moindre pression sur l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, même quand il refusa le cadre qu'ils proposaient en 2014 pour relancer les conversations. Les États-Unis jugeaient Abbas politiquement trop faible pour supporter des pressions alors que toute construction israélienne, que ce soit en Judée, en Samarie ou à Jérusalem, était dénoncée comme une entrave à la paix. Cette administration fit donc perdre une occasion, peut-être de dimension historique, d'obtenir une avancée des conversations de paix, alors que le gouvernement israélien, un gouvernement Likoud, était plus désireux que jamais de les promouvoir.
Les contradictions dans les réponses de l'administration étaient si perturbantes qu'elles compromettaient la pertinence des condamnations américaines. La majorité de l'opinion israélienne, et d'autres milieux dans le monde, ont commencé à les percevoir comme unilatérales, injustes et inopportunes. De plus la façon de l'administration Obama de traiter la question des implantations fit grimper Abbas sur un nuage. Il lui sera difficile de descendre de telles hauteurs pour participer aux négociations à venir.
La résolution de 2334 du Conseil de Sécurité de l'ONU dénonçant les activités d'implantation, adoptée le dernier mois de la présidence Obama, n'a fait qu'aggraver la situation et paralyser les négociations, et même davantage. Le président en exercice semblait avoir décidé de compliquer au maximum la vie de son successeur, fût-ce aux dépens des intérêts qu'il était supposé défendre. Pour celui qui cherche à promouvoir des négociations de paix, la résolution 2334 est contre-productive. On s'en souviendra plutôt comme d'un point bas, la "revanche " d'une administration prétendant être analytique et calculatrice.
Le discours du Secrétaire d'État John Kerry a exprimé sa vision du Moyen-Orient, mettant en garde contre la politique d'implantation d'Israël qui "compromettrait sérieusement" la solution à deux États. Il n'a fait qu'exacerber le sentiment que l'obsession de l'administration américaine sur cette question avait perdu le sens des proportions et entamé la lucidité commune.
Le troisième sujet de désaccord entre Jérusalem et Washington était le programme nucléaire iranien.
On peut dire que l'antagonisme a culminé sur cette question avec le discours du premier ministre Benjamin Netanyahou devant le Congrès US en mars 2015. Ce discours a été perçu dans son camp comme un affront à Obama. À dire vrai la crise était forgée de toutes pièces par l'administration.
Contrairement à la façon dont on traite généralement les choses entre alliés, la Maison-Blanche a fait le choix délibéré de tromper Israël et de lui dissimuler qu'il tenait des négociations nucléaires intensives avec l'Iran, une question qui a un impact direct sur l'existence même d'Israël.
Cette initiative était particulièrement perturbante dans la mesure où elle impliquait un changement d'orientation radical de la politique américaine. Il en résulta un très mauvais accord. Même ceux qui croient que l'accord est solide ont eu des moments difficiles pour justifier la route sinueuse empruntée par l'administration américaine pour y parvenir. C'était même pire que cela puisque des responsables éminents de l'administration pensaient qu'il était erroné de dissimuler ces conversations à Israël.
Ce choix a été fait au prix de la confiance, au prix de la bonne volonté, et jusqu'à un certain point au prix des relations de coopération professionnelle entre Israël et les États-Unis qui auraient réduit la portée des erreurs inhérentes à l'accord. Les Américains prétendirent que les choses avaient été gardées secrètes par crainte de fuites du côté israélien qui ne serait pas fiable, alors qu'il n'y avait pas eu de fuites lors des conversations privées israélo-américaines sur cette question, avant le changement de pied des États-Unis.
Le visage nouveau de l'administration exigeait que Netanyahou expose les positions d'Israël de la façon la plus claire possible, en particulier devant le public américain qui est le plus important ami d'Israël. Les questions concernant directement le destin du peuple juif doivent être traités à voix haute, et il est juste de le faire auprès des étages les plus élevés du pouvoir. Comme l'indique Kerry lui-même, des amis doivent se dire des vérités.
Netanyahou devait considérer qu'un mauvais accord signé entre les puissances mondiales et l'Iran pourrait contraindre un jour Israël à employer la forcel pour empêcher le programme nucléaire de la république islamique de prendre une dimension militaire. Il devait exposer l'arrière-plan moral justifiant des mesures aussi extrêmes.
Cette obligation découlait du changement de la politique américaine. Alors que les États-Unis exigeaient précédemment que Téhéran renonce à toute capacité nucléaire, ils se contentaient désormais de différer le développement de ses capacités de 15 années au plus. Et ils permettaient à l'Iran de poursuivre sans interruption le développement de la dernière génération de centrifugeuse et de missiles.
Les responsables américains soulignent que la qualité des liens de défense entre les deux pays sont la preuve du puissant soutien de l'administration Obama à Israël. Mais pour les opposants au président, ils semblent davantage être le moyen de justifier les préjudices infligés à Israël sur la question palestinienne et sur le programme nucléaire de l'Iran.
Le quatrième sujet d'opposition concernait le chaos qui a envahi le Moyen-Orient.
Il était particulièrement évident après la chute du président Hosni Moubarak en 2011, que l'administration Obama soutenait le Frère musulman Mohamed Morsi en tant que représentant des sentiments authentiques du peuple égyptien face au contre-coup d'État des militaires.
Israël préférait de son coté que l'Égypte ne soit pas dirigée par l'idéologie radicale propagée par les Frères musulmans, même si l'alternative était le général président Abdel Fattah Sisi qui tenait l'Égypte d'une main de fer. Dans ce cas, l'absence de consensus entre Washington et Jérusalem sur le danger de l'islam radical était au cœur du différend.
L'approche américaine est idéologique dans la mesure où elle refuse de reconnaître que l'islam radical est une facette authentique de l'islam. Même la locution "terrorisme islamique" était bannie du vocabulaire politiquement correct employé par Washington dans les années Obama.
Au moment où arrive la nouvelle administration, pour autant que l'on comprenne ses positions sur ces questions, il semble qu'en ce qui concerne les constructions dans les implantations et le programme nucléaire de l'Iran, Israël trouvera probablement une oreille beaucoup plus sympathique à Washington. De nombreux conseillers de Trump comprennent que ce ne sont pas les implantations qui ont empêché Abbas de reprendre les négociations avec Israël, de sorte qu'il n'y aura pas de sujets affrontement à ce propos. Les efforts devront être focalisés sur des mesures susceptibles de ranimer les discussions de paix, si c'est encore possible. Abbas devra joindre le geste à la parole et ne pas se contenté de parler pour parler. Il devra prendre des mesures concrètes pour interrompre le soutien financier de l'Autorité palestinienne aux familles des terroristes, et en finir avec l'incitation encouragée depuis Ramallah.
Dans ce contexte, il est très important que Trump remplisse sa promesse de campagne de déplacer l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Ce serait un signal clair de l'engagement américain auprès d'Israël et de la reconnaissance que Jérusalem (ou au moins de sa partie occidentale) est sa capitale. Après le coup d'éclat de l'administration précédente au Conseil de sécurité et les discours de Kerry sur les implantations, la décision de déplacer l'ambassade dans la capitale d'Israël revêtirait encore plus de signification.
En ce qui concerne l'Iran, de nombreux membres de la nouvelle administration paraissent croire que l'accord nucléaire est aussi mauvais pour les États-Unis qu'il l'est pour Israël. On suppose que les États-Unis agiront sur trois plans : le renforcement des mesures extérieures à l'accord, comme les sanctions sur le programme de missiles iraniens ou le soutien au terrorisme ; l'obligation faite à Téhéran de se conformer à la lettre de l'accord de façon beaucoup plus catégorique que n'avait exigé l'ancienne administration ; et la collaboration avec Israël sur les options à définir pour empêcher l'Iran de poursuivre son armement nucléaire à l'expiration de l'accord, même si cela signifie la réouverture des négociations.
Il ne revient pas à Israël de pousser à l'annulation du dangereux accord avec l'Iran, dans lequel d'administration actuelle est elle-même engagée. Les États-Unis doivent agir au service de leurs propres intérêts. De plus l'Iran est une force dynamique au Moyen-Orient, qui est en train de resserrer son contrôle sur un axe qui s'étire de Téhéran à Bagdad, Damas et Beyrouth. Si Téhéran n'est pas stoppé, la plupart des nations arabes de l'Est de la Méditerranée tomberont sous son influence d'une façon ou d'une autre.
Ce serait un changement historique affectant sérieusement les alliés traditionnels de l'Amérique. Il pousserait de nombreux sunnites dans un radicalisme calqué sur le modèle de l'État islamique. Il y a d'autres questions où la collaboration entre les États-Unis et Israël jouera un rôle clé, et elle peut impliquer des États arabes sunnites recherchant la stabilité régionale. Il pourrait même être possible de donner une portée supplémentaire ces initiatives en permettant aux Palestiniens d'entrer eux aussi dans la négociation.
Comme principe directeur, les liens entre Israël et l'administration Trump doivent être fondés sur les relations israélo-américaines existantes depuis des décennies. Les deux partenaires devront définir le nouvel espace de collaboration le plus bénéfique pour l'un comme pour l'autre.
Il faudra parvenir à une compréhension mutuelle pour nouer des liens nouveaux entre les deux pays. Le cyberespace est un domaine dans lequel une entente peut probablement réussir. Ce ne serait pas le seul domaine naturellement, mais Israël doit focaliser ses efforts sur des progrès sur les questions les plus importantes pour lui, et s'abstenir de disperser ses sujets d'intérêt.
On pense généralement qu'une fois entré en fonction, Trump brisera les usages, abandonnera les pratiques politiquement correctes, et agira selon ses intuitions, en contraste radical avec son prédécesseur. Bien qu'il soit trop tôt pour juger, les penchants du nouveau président semble être plus amicaux vis-à-vis d'Israël que ceux de son prédécesseur, bien qu'il soit sage de se souvenir qu'il est aussi un homme d'affaires qui a plus d'un tour dans son sac.
Titre original : Out with the Old, In with the New
Auteur : Maj. Gen. (res.) Yaakov Amidror
Date de première parution: 16 janvier 2017 in Besa Center Perspective Papers N° 395
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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