samedi 21 janvier 2017

Sur la question de la paix en Palestine, il faut repartir de zéro

Donald Trump est désormais aux commandes de l'Amérique. L'important article de Mario Loyola qui suit est une synthèse des étapes et des causes de l'échec strident de Barack Obama en matière de paix israélo-palestinienne. Il dégage les orientations clé qui serviront à évaluer la pertinence de la politique du nouveau président.
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Les États-Unis doivent en finir avec leur opposition aux implantations israéliennes et s'occuper plutôt d'affaiblir le potentiel militaire de l'Iran et le terrorisme arabe.

Le coup de poignard dans le dos qu'Obama à infligé à Israël aux Nations unies, pourrait se transformer paradoxalement en bénédiction. La propension d'Obama au radicalisme, qui lui a souvent fait franchir les bornes, a abouti à une reductio ad absurdum de la stratégie politique américaine concernant le conflit israélo-palestinien. Elle rendra la tâche du président élu Trump beaucoup plus difficile s'il reprend ce canevas à son compte sans procéder à une révision systématique. S'il procède à cette révision, nous aurions quelque chose dont nous sommes actuellement privés : une orientation réaliste pour aller vers la paix en Palestine.

La politique américaine actuelle concernant le conflit israélo-palestinien s'est focalisée sur un seul objectif, la solution à deux États imaginée par le président Bill Clinton et adoptée officiellement par le président Georges W Bush. Cet objectif est désormais totalement déconnecté de la réalité. Cela ne veut pas dire que la solution à deux États ne soit pas un bon objectif final, peut-être l'est-il. Mais vu le contexte actuel du Moyen-Orient, un règlement négocié conduisant à une solution à deux États est tout simplement inatteignable. L'isolement international d'Israël, l'acharnement des Palestiniens à persister dans leurs pratiques d'incitation à la violence et de terrorisme, et l'ascension de l'Iran vers l'hégémonie régionale et les armes nucléaires, tout cela contraint Israël à refuser le risque des concessions qui seraient nécessaires pour le règlement définitif du conflit.

Palestiniens brûlant un drapeau israélien près de Bet Et en 2015

Quand Israël à évacué Gaza en 2005, ce territoire est immédiatement devenu pour les terroristes un refuge et une plate-forme de lancement de missiles. S'il se produit la même chose en Cisjordanie, qui borde Jérusalem sur trois côtés, à proximité immédiate des grandes concentrations de population d'Israël, ce serait la fin de ce pays. Dans le contexte actuel, une solution à deux États est l'équivalent d'un suicide. La paix en Palestine n'est pas concevable sur les mêmes bases. L'objectif central de la politique américaine doit être l'émergence d'une situation nouvelle. En conséquence, tous les élément de la politique américaine, y compris ses positions sur les implantations israéliennes, doivent s'intégrer dans une stratégie cohérente et réaliste pour passer de la situation actuelle à la situation souhaitable.

La position américaine sur les implantations israéliennes fait partie de ce nouveau contexte. Les implantations ne sont pas la cause du blocage actuel de la solution à deux États comme l'a affirmé le Secrétaire d'État John Kerry dans son discours de la semaine dernière sur le mode mea non culpa, ce n'est pas ma faute. Les déboires de la solution à deux États, plus précisément son décès déjà acté, n'ont qu'une seule raison: le terrorisme musulman contre des Juifs innocents. Il n'y a qu'une explication aux mesures de sécurité sévères qui sont imposées dans les territoires occupés, c'est le terrorisme musulman contre des Juifs innocents.

Un siècle de terrorisme musulman contre les Juifs de Palestine, d'abord d'origine locale, puis induit par les soviétiques, et à présent porté par l'islam politique, telle est l'essence de ce conflit et la seule cause de sa persistance. Les extrémistes musulmans sont désormais un problème mondial, dévorant des victimes et menaçant la liberté sur tous les continents à l'exception de l'Antarctique. Il est temps de rebâtir une politique américaine pour l'ensemble du Moyen-Orient, Palestine compris, sur la base d'un nouveau principe: l'impératif d'infliger une défaite décisive à l'extrémisme musulman.

LES SIX ÉTAPES CLÉS

1- Réintroduire une pensée stratégique dans la politique étrangère américaine.

L'une des plus graves erreurs d'Obama a été de baser son approche d'ensemble de la politique étrangère sur l'idée que tous les conflits internationaux pouvaient être résolus simplement par la parole. John Kerry et le vice président Joe Biden ont été les porteurs de cette approche, née des combats partisans des années 80 sur la stratégie de la guerre froide. À l'époque, les démocrates estimaient que les pressions associées à la négociation (comme le soutien américain aux contras du Nicaragua) étaient dans tous les cas de la provocation, et devaient être bannies dans l'espoir d'un dialogue amical avec les soviétiques. Comme des étudiants de gauche qui n'ont jamais grandi, ces gens pensent que la diplomatie et le dialogue sont une seule et même chose, et que l'on ne peut obtenir la paix qu'en jouant la carte du pacifisme.

Mais comme l'histoire le montre, une diplomatie efficace consiste à poser les fondements stratégiques des résultats désirés. Si l'on se cantonne aux négociations, il n'y a actuellement aucune Zone de compromis possible (ou ZOPA pour Zone of Possible Agreement) entre Israël et les Palestiniens. Au lieu de tromper les parties (et principalement Israël) quand elles refusent de feindre qu'une ZOPA existe, Obama aurait dû s'efforcer de créer cette ZOPA sur le terrain. C'est ce qu'avaient fait les présidents Nixon et Ford en 1970. Pour poser les bases des accords de Camp David entre Israël et l'Égypte, ils commencèrent par priver les soviétiques de toute influence sur l'Égypte.

Que doit-on faire aujourd'hui si l'on adopte une démarche semblable ? Le discours d'Hillary Clinton, alors Secrétaire d'État, devant l'AIPAC en mars 2010, est un bon point de départ. Elle parlait des nombreux bénéfices induits par la conclusion d'un accord de paix et entre les Israéliens et les Palestiniens.
Une solution à deux États permettrait de reconnaître à leur juste valeur tous les mérites des contributions d'Israël au monde et à l'humanité dans son ensemble. Elle permettrait aux Palestiniens de s'engager dans la voie de la réalisation de leurs aspirations légitimes. Et elle saperait aussi les bases de l'extrémisme dans la région.
Il suffit d'un moment de réflexion pour se rendre compte que les avantages promis par Clinton sont en réalité les préconditions stratégiques d'une négociation réussie. L'acceptation mondiale d'Israël en tant qu'État juif, la démonstration des Palestiniens qu'ils sont véritablement capables de gouverner un État, et la disparition de l'extrémisme dans la région, voilà ce qu'il faut obtenir avant qu'une solution à deux États soit possible, même à longue échéance.

2 - Mettre un terme à l'isolement d'Israël, et assurer sa reconnaissance universelle comme État juif. 

Il y a une raison stratégique de combattre l'isolement d'Israël, outre l'hypocrisie des Nations unies où l'on déblatère continuellement contre lui tandis qu'on fait des ronds de jambe aux 50 à 60 dictatures représentées et qu'on ignore la multitude des autres cas de conflits de frontières et d'occupation. Cet isolement contribue à répandre une mentalité d'assiégés chez les Israéliens, c'est-à-dire exactement l'état d'esprit qui les dissuade de faire des concessions pour la paix. C'est pourquoi il est vital pour la paix au Moyen-Orient qu'Israël obtienne une reconnaissance internationale.

La nouvelle administration Trump doit répudier ouvertement et sans ambiguïté les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur les implantations adoptées pour accroître l'isolement d'Israël et encourager le mouvement de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Trump doit s'engager à interdire toute nouvelle résolution du Conseil de sécurité jusqu'à ce que tous les États du Moyen-Orient aient reconnu Israël en tant qu'État juif. Les États-Unis doivent punir les pays et organisations qui boycottent Israël, y compris ceux qui boycottent les productions des implantations. Au-delà de ces mesures, la normalisation des relations avec Israël doit conditionner les liens entre l'ONU et les États-Unis.

3 - Exiger des Palestiniens de faire la preuve qu'ils sont capables de diriger une administration compétente, agissant dans le cadre de la loi, et en rupture totale avec l'incitation à la violence et le terrorisme

Il est tout simplement absurde de suggérer que les implantations israéliennes aient quelque chose à voir avec l'échec du processus de paix, vu l'implication permanente des dirigeants palestiniens dans le terrorisme. Il y a moins de deux ans, nos amis supposés de l'OLP dans les anciennes Judée et Samarie acceptaient de former un gouvernement unifié avec les terroristes du Hamas à Gaza. Ensuite, ils se sont mis à pousser les Arabes israéliens à attaquer leurs voisins juifs en utilisant des couteaux, des voitures, et tout ce qu'ils pouvaient avoir sous la main. Cette flambée de violence faisait suite à des années d'attaques terroristes et au lancer de peut-être 10.000 missiles depuis Gaza sur les zones de population civile d'Israël. Cette sauvagerie gratuite a persisté, en dépit de multiples interruptions des activités de construction et d'une retenue humanitaire générale de la part d'Israël.

Palestiniens face à l'armée dans les territoires le 30 déc. 2016
Il faut que le Hamas soit complètement défait et extirpé de la Bande de Gaza, ce qui ne peut être réellement obtenu qu'avec le concours de l'Égypte et d'Israël. De plus, les fonds des contribuables américains qui irriguent le Fatah et le Hamas doivent être subordonnés à la fin de l'incitation à la violence, et pas seulement à l'abandon des actes de terrorisme. La politique obscène des Palestiniens qui consiste à enseigner aux enfants la haine des Juifs doit prendre fin. Les terroristes et leurs familles ne doivent recevoir ni gratifications financières, ni félicitations publiques pour leurs méfaits. Les Américains doivent être atterrés à l'idée qu'ils financent ces politiques à travers les dollars de leurs impôts.

4 - Il faut vaincre l'extrémisme musulman au Moyen-Orient

Vaincre l'extrémisme musulman peut sembler une gageure, mais il faut voir nous étions bien plus proches de cet objectif dans les premières années de la présidence Obama que nous ne le sommes à présent. 

Les États arabes respectaient tous une trêve de facto avec Israël, ou bien ils avaient conclu avec lui une paix formelle. A l'inverse, ils entretenaient des relations de plus en plus glaciales avec les extrémistes palestiniens. L'Iran, le nouveau sponsor du terrorisme palestinien, était soumis à des contraintes significatives et son économie était au bord du gouffre. Les États-Unis étaient la puissance dominante en Irak. La plupart des factions politiques locales étaient alliées avec elle contre les extrémistes soutenus de l'extérieur par l'islam radical. La guerre civile syrienne donnait la possibilité de rompre le cordon ombilical entre l'Iran et le Hezbollah au Liban, lequel pointe des dizaines de milliers de missiles sur Israël. 

Il aurait simplement fallu que nous soyons prêts à couper Assad de l'aide iranienne en bombardant ses terrains d'atterrissage, en bloquant ses ports et en armant l'opposition modérée. À moyen terme, le succès d'institutions démocratiques même primitives en Irak aurait ouvert la voie à un courant de réformes au Moyen-Orient, le seul véritable espoir de paix.

Hélas, tous ces espoirs ont été dissipés par un président, Barak Obama nommément, déterminé à imposer sa propre vision au Moyen-Orient, fût-ce au risque de réduire à néant toutes les réalisations de l'Amérique dans cette région depuis les années 70.

Sans se préoccuper le moins du monde d'obtenir un consensus bipartisan (ou même un consensus à l'intérieur de son propre parti), Obama n'a pas entravé le développement d'une capacité d'influence notoirement accrue de l'Iran sur tout le Moyen-Orient. Il y est parvenu d'abord par le démantèlement de la pyramide de pressions internationales sur le programme nucléaire de ce pays. Son refus d'intervenir dans la guerre civile syrienne au moment où il retirait les forces américaines d'Irak, a pavé la voie aux pires convulsions que cette région ait connues dans son histoire moderne.

La guerre civile syrienne et l'ascension de l'État islamique en Syrie et en Irak, ont tué plus de gens et engendré plus de réfugiés que toutes les guerres moyen-orientales des 100 dernières années réunies. Pour l'essentiel, Obama a offert l'Irak aux Iraniens sur un plateau. Il a mis l'armée américaine au service de ce pays et des milices irakiennes dans leur combat contre l'État islamique pour dominer la partie sunnite de l'Irak, notre ancien allié depuis le Réveil d'Anbar, [une alliance passée avec 30 tribus de la province d'Anbar en septembre 2006 pour lutter contre Al Qaïda]. Il a laissé la Russie occuper un rôle central dans la guerre civile syrienne. Cette dernière a promptement utilisé l'occasion offerte pour se venger de son expulsion humiliante à la suite de la guerre du Kippour. A présent, c'est nous qui sommes privés de toute influence sur le cours de la guerre civile syrienne.

L'insensibilité effroyable d'Obama et son insouciance stupide devant l'irruption de l'État islamique au début de 2014 ont conduit à une résurgence du terrorisme sur toute la planète, y compris aux États-Unis. Il a laissé ces islamistes édifier des bases arrières solides dans de nombreuses régions de l'Irak où nous avions combattu si dur pour les libérer d'Al Qaïda quelques années auparavant. 

Obama a habilement présenté son bilan en matière de sécurité nationale : « aucune organisation terroriste étrangère n'est parvenue à planifier et à exécuter une attaque sur le territoire de notre patrie. » Mais il a fait silence sur les nombreuses attaques sanglantes des terroristes sur notre territoire que l'État islamique et d'autres variantes du terrorisme sunnite ont commandité à partir d'une série de bases contiguës et sûres s'étalant sur des milliers de kilomètres, de l'Ouest africain au Moyen-Orient et au Pakistan.

À tous égards, la démarche d'Obama rendait l'obtention de la paix beaucoup plus difficile, à commencer par le mélange d'incompétence et de perfidie contenus dans sa formule d'un " achèvement responsable de la guerre en Irak." Encore faudra-il circonscrire les dégâts catastrophiques de la présidence Obama et ressusciter les espoirs nés de la victoire de 2008 dans la guerre d'Irak, pour donner à la paix une chance réelle, que ce soit en Palestine ou dans la lutte à grande échelle contre l'extrémisme musulman.

5 - Rétablir l'endiguement de l'Iran

Il est particulièrement vital de revenir aux politiques permettant de museler l'Iran, en place depuis des décennies, qu'Obama a démantelées. Avant l'installation de son administration, la stratégie américaine consistait à consolider les gains obtenus en Irak et en Afghanistan, à imposer des coûts de plus en plus prohibitifs aux ambitions nucléaires de l'Iran, et à soutenir vigoureusement le mouvement pro-démocratique de ce pays. À tous égards, Obama a pris la direction opposée, permettant à l'Iran d'exercer sa puissance libérée de toute entrave.

À présent l'Iran a projeté ses forces à travers le Moyen-Orient grâce à deux percée stratégiques massives, l'une le long du Croissant fertile, ciblant le cœur d'Israël, et l'autre le long du Golfe arabique à travers le Yémen, ciblant l'Arabie Saoudite et par extension Israël. De plus, l'accord nucléaire iranien garantit à l'Iran la poursuite deux programmes d'armement nucléaire très avancés, dans les filières uranium et plutonium. Il sera prêt à lancer une production en série en moins d'une décennie, à deux élections présidentielles américaines d'aujourd'hui. 

Contrairement à ce qu'affirmait Obama au moment de la signature de l'accord, le Plan d'Action Complet Conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action  ou JCPOA) a rendu la solution beaucoup plus difficile parce qu'il a permis aux faucons d'Iran d'accroître très fortement accru leur emprise. Ces derniers pensent que l'Amérique a capitulé, et ils ont raison. Nos alliés Arabes et Israéliens pensent que nous avons changé de camp et pris le parti de leur ennemi mortel, l'Iran, ou du moins que nous hésitons à rester fidèles aux engagements découlant de notre alliance avec eux : ils ont eux aussi raison.

Pour restaurer une politique d'endiguement de l'Iran, nous devons d'abord circonscrire les dégâts qu'Obama a provoqués. Cela nécessite deux décisions : d'abord mettre un terme à l'influence iranienne sur le Moyen-Orient arabe; en second lieu, faire savoir clairement que l'accord nucléaire iranien n'est qu'une étape intermédiaire dans un processus de démantèlement (ou de destruction) complet et irréversible du programme d'armement nucléaire de Téhéran.

Pour extirper l'influence iranienne du Moyen-Orient il faudra par-dessus tout qu'une fois encore l'Amérique prive l'Iran de son ambition de dominer l'Irak. Il faudra nécessairement faire un usage prudent des forces militaires qu'Obama a repliées en Irak pour combattre contre l'État islamique, après sa "fin de guerre responsable..." Les plus hautes priorités à court terme au Moyen-Orient devront être de rendre à l'Irak son rôle de puissant allié militaires des États-Unis, et de maintenir une présence militaire US forte et durable sur place. Pour extirper l'influence iranienne du Moyen-Orient, il faudra aussi que des groupes commandités et des agents clandestins des États-Unis soient présents en Syrie, et qu'ils soient dotés de moyens suffisants pour empêcher la Russie, l'Iran, et Assad de remporter une victoire totale. Il faut aussi couper les lignes d'approvisionnement des rebelles Houthis établies par l'Iran au Yémen.

D'autre part, sur le front nucléaire, nous devons constater qu'en démantelant l'appareil de sanctions internationales, Obama a barré toute les options diplomatiques pour en finir avec le programme nucléaire iranien. La seule option disponible à présent consiste à relancer des négociations discrètes appuyées par des pressions ciblant l'économie et les forces militaires de Téhéran. Cela signifie qu'il faut d'abord adresser à l'Iran une liste de "clarifications" pour renforcer les obligations de transparence inscrites dans le JCPOA, qu'il faut ensuite revenir aux premières demandes américaines pour un démantèlement irréversible et complet du programme nucléaire, et qu'il faut enfin lancer des menaces en cas de refus des mollahs. Les sanctions du Trésor et les pressions militaires sont les seuls leviers qui nous restent; elles doivent cibler l'économie iranienne et au bout du compte ses forces militaires conventionnelles et nucléaires. L'objectif n'est pas de détruire les installations nucléaires iraniennes mais de convaincre l'Iran de les démanteler lui-même. La menace de ruiner l'économie iranienne et d'annihiler son potentiel militaire sera notre arme de négociation. Nous pourrons la concrétiser par une combinaison de sanctions directes et le déploiement de moyens navals et aériens.

6 - Enterrer l'opposition officielle aux implantations israéliennes jusqu'à ce que les Arabes acceptent un plan de transition réaliste 

En expliquant la décision américaine de s'abstenir lors du vote de la résolution sur les implantations, Samantha Power, l'ambassadrice US aux Nations unies, notait que la politique d'opposition à l'expansion des implantations date de plusieurs décennies. Elle faisait référence à un important discours du président Ronald Reagan de 1982, dans lequel il exposait sa vision de la paix au Moyen-Orient et appelait Israël à stopper le développement des d'implantations. Il s'agissait d'un tour de passe-passe habile de la part de S. Power, car les circonstances étaient profondément différentes à l'époque, et le plan de Reagan était aussi très différent.

Reagan prononça son discours à un moment où une occasion propice se présentait : la défaite totale de l'OLP de Yasser Arafat au Liban et l'évacuation à Tunis des dirigeants de cette organisation. Il partait de l'observation qu'Israël est plus susceptible de faire des concessions pour la paix quand les menaces mortelles sur son existence sont dissipées.
À cette époque, on considérait en général qu'il y avait trois solutions possibles pour en finir avec l'occupation par Israël des territoires conquis en 1967:1) l'annexion des territoires dans un « Grand Israël » doté de frontière naturelles et défendables ; 2) la solution à deux États ; et 3) un retour de l'essentiel de la Rive occidentale sous contrôle jordanien.

Reagan avait correctement estimé que les deux premières options étaient impraticables. Le « Grand Israël » impliquait virtuellement l'apparition d'une majorité musulmane, ce qui soulevait la question de savoir si Israël pourrait rester un État juif sans instituer une forme d'apartheid. Un simple coup d'œil sur une carte montrait que la solution à deux États était impraticable parce que les territoires occupés n'étaient pas contigus et que la Rive occidentale du Jourdain serait complètement enclavée entre Israël et la Jordanie ; de plus, l'OLP, une organisation terroriste, faisait office de "leadership palestinien." Reagan en concluaient que la seule option réaliste était la troisième, celle du retour de l'essentiel de la Rive occidentale sous contrôle jordanien, dans le contexte de liens de plus en plus étroits avec l'Amérique, l'équivalent d'un Camp David pour la Jordanie.

Il est vrai qu'à cette époque Reagan s'était opposé aux implantations israéliennes comme l'a rappelé Samantha Power. Mais il s'y est opposé en fonction d'une stratégie visant à écarter l'idée d'un "Grand Israël" et celle d'une solution à deux États, et pour une courte période de transition devant conduire à une souveraineté jordanienne sur la Rive Occidentale du Jourdain.

L'ÉCHEC DE L'OPTION JORDANIENNE

Comme n'importe quel gouvernement démocratique, Israël a commis des erreurs. L'une des plus grandes a été son incapacité d'exploiter l'option jordanienne alors que le roi Hussein était encore ouvert à cette perspective. À cette époque, "l'occupation" de la Rive occidentale du Jourdain par les Israéliens était légère: ils étaient en mesure d'administrer Gaza et la Rive occidentale avec seulement 1200 soldats et policiers. La Jordanie avait déjà participé à l'administration de cette zone. Shimon Peres, le chef du parti travailliste, alors premier ministre d'un gouvernement unifié avec le parti conservateur Likoud, a été proche d'un accord global avec le roi Hussein de Jordanie, mais le chef du Likoud, Yitzhak Shamir, apparemment favorable à une version du « Grand Israël », l'avait désavoué.

Peu de temps après, la première Intifada commençait. Arafat et l'OLP sentirent qu'il y avait une opportunité majeure à saisir : les images des soldats Israéliens opposés à des foules de jeunes palestiniens jetant des pierres, occupaient les écrans de télévision du monde entier. Arafat persuada le roi Hussein de liquider les activités administratives jordaniennes restantes dans les territoires, et de refuser totalement "l'option jordanienne." Devant l'insistance de la Ligue Arabe pour qui l'OLP était le "seul représentant légitime du peuple palestinien," Hussein céda en juillet 1988, et annonça qu'il s'était "incliné devant les souhaits de l'OLP."

Quelques mois plus tard, George H W Bush, à peine élu président, était forcé de reprendre le problème avec les deux options que Reagan avait rejetées : « Grand Israël » ou deux États. À nouveau, le président américain décida de s'opposer à l'annexion des territoires par Israël. En même temps, le gouvernement Likoud avait considérablement étendu les activités d'implantation, tirant parti de l'arrivée de la nouvelle vague d'immigrés juifs de Russie. Cela conduisit à une importante discorde entre les États-Unis et Israël. Bush demanda au Congrès de geler des garanties de prêt pour la construction d'habitations, à hauteur de 10 milliards de dollars.

Cependant, une fois encore, la position anti implantations fut seulement temporaire. Elle était conçue pour faciliter l'ouverture de négociations directes entre Israéliens et Palestiniens. Fait crucial, l'administration Bush accepta le refus d'Israël de négocier directement avec les représentants de l'OLP. Cette position devint plus facile à défendre quand l'OLP se réjouit stupidement de l'invasion du Koweït par Saddam Hussein. La première priorité de l'administration Bush fut alors de bâtir une alliance militaire pro-américaine face à l'Irak. Et quand les Arabes demandèrent la résolution du conflit israélo-palestinien dans le cadre des négociations sur le retrait de Saddam du Koweït, le secrétaire d'État James A Baker fit la réponse bien connue qu'il n'y aurait "aucun pontage" entre les deux questions.

Cependant, Baker promit d'inviter Israël et ses principaux voisins arabes à des négociations en face à face, les premières conversations de cette nature dans l'histoire d'Israël. Elles furent entamées à Madrid après la sortie contrainte de Saddam du Koweït. Les conversations firent des progrès rapides, et des dizaines de pays reconnurent Israël. Ce fut la preuve de ce qui est possible quand Israël sent qu'il est largement accepté; les Arabes palestiniens se tournent vers la paix et l'extrémisme est éliminé de la région.

COMMENT LES ARABES ONT ASSASSINÉ LA SOLUTION À DEUX ÉTATS

Il se glissa par la suite dans le mécanisme une erreur fatale. La Ligue arabe réaffirma une fois encore que Yasser Arafat et l'OLP étaient les seuls représentants légitimes des Palestiniens et qu'Israël devait négocier directement avec eux. Le nouveau gouvernement israélien de gauche (sous Yizhak Rabin) et des États-Unis (sous Bill Clinton) s'inclinèrent devant ces pressions, acceptant le retour d'Arafat de son exil à Tunis et son enracinement à Ramallah, la capitale de la Rive occidentale. C'est alors que le "processus d'Oslo" débuta: il allait conduire en fin de compte au retrait d'Israël de la majeure partie des anciennes Judée et Samarie, et à une offre de règlement final sur cette base  dans les derniers jours de l'administration Clinton.

Or Arafat n'était rien de plus qu'un criminel et un terroriste. Il rejeta la proposition qui lui était faite. Il ne pouvait pas assumer l'abandon du "droit au retour" de tous les Arabes qui avaient fui la terre d'Israël après sa création en 1948. Les "réfugiés" vivent à présent de façon permanente au Liban, en Jordanie, en Syrie et dans les territoires occupés avec leurs millions de descendants. L'OLP avait consenti à "reconnaître" Israël en tant qu'État juif. Mais sans l'abandon du "droit au retour", cette reconnaissance n'avait aucun sens. Le "droit au retour" provoquerait nécessairement la  transformation d'Israël en un État Arabe et musulman. C'est là un point-clé, car de nombreux responsables palestiniens, même ceux que nous légitimons comme "partenaires de paix" considèrent les lignes de 1967 comme une étape vers la déconstruction d'Israël et le rejet à la mer de tous les Juifs.

Ayant rejeté la paix à Camp David, Arafat retourna en Cisjordanie pour faire ce qu'il faisait de mieux : le terrorisme. La "Seconde Intifada" s'ensuivit. Contrairement à la première, ce fut une campagne terroriste orchestrée au cours de laquelle des bombes tuèrent près de mille civils israéliens en quelques années. Cette horrible guerre de terreur se termina quand Israël se tourna pour son salut, une fois encore, vers le héros de 1967, 1973 et 1982 : le grand Ariel Sharon. Devenu premier ministre, Sharon brisa la colonne vertébrale de l'OLP. Peu après la mort d'Arafat, à la fin de 2004 , Sharon décida le retrait unilatéral de la Bande de Gaza. C'était l'opportunité pour les Palestiniens de démontrer ce dont ils seraient capables une fois libérés de l'occupation. Ils choisirent immédiatement le terrorisme et commencèrent à tirer des roquettes sur toutes les concentrations de population israélienne qu'ils pouvaient atteindre.

UN PRÉSIDENT INSIGNIFIANT

C'est alors qu'Obama est devenu le président. Obama avait beaucoup à dire sur tout, et il pouvait quelquefois le dire d'une façon charmante, mais il avait peu d'idées en mesure de vraiment résoudre les problèmes. Ce qui se produisit ensuite, ce fut rien, et puis (pour paraphraser Douglas Adams) le rien perdura. Le Président américain et le parti travailliste israélien défendirent avec acharnement l'idée d'une solution à deux États, en dépit de la démonstration limpide apportée par les Palestiniens de Gaza : la solution à deux États équivalait à un suicide pour Israël. Cette obstination finit par pousser l'électorat israélien tout entier vers la droite, réduisant les travaillistes à 14 sièges seulement à la Knesset au cours de la présidence Obama. Dans sa diatribe mea non culpa [ce n'est pas ma faute], Kerry se moquait du "gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël". S'il c'est le cas, il n'a qu'à s'en prendre à lui-même et à ses amis. L'influence croissante de la Droite en Israël est un résultat direct de l'obsession persistante de la gauche américaine et israélienne pour la solution à deux États qui est probablement moins réalisable aujourd'hui que la colonisation des lunes de Jupiter.

UN CHEMIN NOUVEAU

Ce détour dans l'histoire du conflit depuis 1982 était nécessaire pour démontrer combien la référence de Samantha Power à Ronald Reagan était hypocrite. Il permet aussi de comprendre la faillite à laquelle a abouti la stratégie américaine pour la paix au Moyen-Orient. Il était aussi nécessaire de montrer que les implantations ne sont pas l'obstacle qui barre le chemin vers la paix. Personne au monde, les Israéliens encore moins, ne désire régner sur un territoire rempli de Palestiniens radicalisés. Malheureusement, la solution alternative avait été démolie par les Palestiniens radicalisés, qui convainquirent le roi Hussein d'écarter l'option jordanienne. Ils firent ensuite la démonstration à coup de missiles tirés depuis Gaza, à coup d'actions terroristes innombrables, à coup de provocations et de haine, que la solution à deux États serait suicidaire pour Israël. De toute façon, comme Martin Indyk le signale, avec un Hamas barricadé à Gaza, nous devons parler maintenant non pas d'une solution à deux États mais d'une "solution à trois États".

Le pire échec de la politique américaine à ce jour, c'est peut-être qu'elle a convaincu les Palestiniens que le temps est de leur côté s'ils ne négocient pas et qu'ils ont de meilleures chances de triompher d'Israël dans l'arène internationale plutôt que par la négociation d'un accord favorable à leurs revendications. Abandonner la politique d'opposition aux implantations israéliennes est sans doute le moyen de pression le plus efficace des Américains en faveur de l'ouverture de négociations, du moins jusqu'à ce qu'une option réaliste soit sur la table.

Cependant, il faut dire un mot sur le litige concernant le caractère "illégal" des implantations selon le droit international. Ce serait vrai s'il y avait des revendications indiscutables sur les territoires occupés, ce qui n'est le cas d'Israël, ni de personne d'autre. Pour ce qui touche à l'occupation, la revendication d'Israël est pour le moment plus solide que toutes les autres du point de vue juridique. En attendant, alors que le règne de l'empire Ottoman sur ce territoire, vieux de plusieurs siècles, s'est achevé à la fin de la première guerre mondiale, la question de savoir à qui appartient ou devrait appartenir la Rive occidentale n'a pas été réglée définitivement. La revendication des Arabes palestiniens sur cette terre n'est pas plus fondée que celle des Juifs palestiniens, c'est-à-dire des Israéliens. Les revendications concurrentes ne peuvent être réglées que par des négociations, négociations que les Arabes palestiniens refusent depuis des années en dépit des multiples décisions des Israéliens de geler les constructions dans les implantations.

Dans les circonstances actuelles, il revient à ceux qui s'opposent aux implantations d'expliquer avec précision les objectifs que leur opposition est supposée servir. S'ils pensent qu'une solution à deux États est réalisable, ils faut qu'ils donnent quelques explications avant qu'on les écoute sur la question des implantations. Ils doivent expliquer comment selon eux le terrorisme et l'incitation à la haine et à la violence peuvent être éradiqués. En d'autres termes, ils doivent expliquer quelle est leur stratégie pour obtenir réellement une solution à deux États viable.

L'Amérique doit manifester un intérêt durable pour la paix au Moyen-Orient. Il n'y a pas d'autre moyen de nous protéger et de protéger nos alliés du terrorisme, de la crise des réfugiés, et des autres convulsions que les conflits du Moyen-Orient ont déchaînés. Leurs millions de victimes réclament cette protection.

Au delà de l'humanitaire et de la sécurité nationale, l'Amérique doit rester vigoureusement impliquée dans la poursuite de la paix au Moyen-Orient. La première étape sera franchie quand on aura ajouté une chose qui a manqué depuis trop longtemps à la politique américaine: une vraie stratégie.


Auteur: Mario Loyola, membre de l'Institut du Wisconsin pour la Loi et la Liberté, ancien conseiller au Sénat et au Pentagone 

Date de première parution: le 4 janvier 2017 in National Review

Traduction : Annie Côte

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