L'heure du bilan de l'action du Président Trump dans les affaires internationales n'est pas encore arrivée. Cependant, malgré des déclarations présidentielles parfois sensées et courageuses, on attend vainement que l'Amérique sorte des l’ornières où Obama, après bien d'autres, l'ont embourbée. Au Moyen-Orient Trump n'a pas quitté les sillons délétères creusés sous Obama. Il continue de servir l'hégémonie iranienne plutôt que la combattre, et s'il la combat c'est surtout avec des mots. Au détriment de ses alliés mais aussi au détriment de la paix. Aura-t-il la lucidité, la force mentale, et le leadership nécessaires pour renverser la vapeur? Aujourd'hui rien ne permet de l'espérer vraiment.(NdT)
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Après huit mois d'administration Trump, il faut cesser de chercher des excuses. L'héritage de l'administration Obama n'est pas responsable de tout ce qui va à vau-l’eau dans la politique étrangère américaine. Les multiples services qui confirment en même temps les décisions de politique étrangère donnent une indication claire : la politique en question émane du sommet, et non de quelque agent d'une agence précise agissant à son gré.
Les initiatives actuelles des États-Unis n'aboutissent qu’à affecter la crédibilité du pays et la qualité de ses relations avec ses partenaires.
D'abord, les États-Unis ont doté les forces aériennes libanaises d'armes mises à disposition sans contrôles. Elles sont donc partagées avec le Hezbollah, un groupe classé comme terroriste. Le Hezbollah est une redoutable organisation supplétive de l'Iran, qui est parvenue au statut d'une véritable armée ; il exerce un rôle autonome et très influent dans la sphère politique du Liban.
Dans les décennies passées, il a attaqué les Américains, les Israéliens, ainsi que d'autres cibles dans de nombreux endroits ; il vient de jouer un rôle destructif en Syrie. Cela ne s'est pas passé aussi bien pour les moudjahidine afghans qui sont devenus les Talibans. Aussi, armer le Hezbollah ne contribue probablement pas la paix et à la stabilité dans le monde.
Ensuite, la politique américaine en Syrie, qui s'est focalisée uniquement sur l'État islamique, a permis à l'Iran d'intervenir sans retenue pour l’essentiel.
Admettons-le, cette politique a été inaugurée à l'époque de l'ancien président Barack Obama. Cependant nul n'a jamais fourni une explication claire de ce qui a conduit l'administration Trump à s'aligner sur les politiques calamiteuses de son prédécesseur. La Maison-Blanche a permis à l'Iran de construire un corridor terrestre vers le Liban qui facilitera les trafics d'armes et de drogue, offrant aussi un passage aux terroristes. Pendant ce temps, l'Iran cherche à construire des bases en Syrie et à prendre le contrôle du détroit d'Ormuz, ce qui a pour principal effet de marginaliser les États-Unis.
En troisième, la capitulation de Trump devant les exigences des Irakiens et des Turcs lui enjoignant de s'opposer à l'indépendance du Kurdistan, à renforcé l'interventionnisme de l'Iran dans ce pays. Les États-Unis avaient clairement fait savoir à l'avance qu'il ne soutiendraient pas les aspirations kurdes, mais ce n'est pas une excuse. Le Congrès conduit par les Républicains n'est pas parvenu à abroger la loi interdisant d'armer directement les Kurdes. La lourde pression américaine sur ces derniers pour qu'ils reportent le référendum a permi au gouvernement irakien d'inciter ouvertement les Gardes de la Révolution a déclencher un plan pour reprendre Kirkouk. Au prix d’un certain niveau de violence, ils ont déplacé plus de 170.000 personnes, tué plus de 400 civils et blessé des centaines d'autres. Et ils ne se sont pas arrêtés à Kirkouk. Profitant de la politique de «neutralité » de l'administration, le commandant de la Force al-Qod, le général Ghasem Soleimani, est entré librement à Kirkouk en de nombreuses occasions ; il a ouvert sur place un quartier général et des bases militaires, consolidant ainsi la présence de l'Iran dans la zone.
Les Iraniens et les Irakiens ont poursuivi leur marche punitive au-delà de Kirkouk, mettant en danger des minorités comme les Yesidis. L'armée irakienne refuse de prendre le contrôle et la responsabilité des milices qui font des ravages sur place. Si l'on y ajoute les politiques drastiques d'isolement menées par Bagdad, l'économie de la région est en train d’aller à la ruine. De plus, bien que fourni par les États-Unis en armes et matériel militaire, l'Irak ignore le discret avertissement du Secrétaire d'État américain Rex Tillerson demandant de renvoyer les milices iraniennes chez elles. L'Irak a désormais trouvé un nouvel allié, très puissant, tandis que les États-Unis sont poussés vers la sortie.
Quatrièmement, Tillerson et Trump ont tous deux déclaré qu'ils n'avaient pas de plan pour empêcher les partenaires européens de l'Amérique de faire des affaires avec l'Iran. Et malgré l'affirmation positive de Trump, qui ne permettra pas l’aboutissement d’un accord important entre Boeing et l'Iran, ce genre de message envoie un signal au mieux mitigé. Il avait fallu isoler totalement l'Iran pour le forcer à rechercher la levée des sanctions par la voie d'un accord nucléaire. À présent, non seulement l'Iran est gorgé d'argent et d'investissements, mais la poursuite du commerce avec d'autres pays réduirait de nouvelles sanctions américaines à peu de choses. Des sanctions américaines seules n'affecteraient pas son économie, elles ne diminueraient pas la force des Gardes de la Révolution, et elles ne contrarieraient pas ses ambitions géopolitiques. En fait, les États-Unis seraient plutôt pénalisés par des sanctions, en termes de marchés et d'économie par rapport aux Etats européens. Les divergences entre alliés sont inévitablement exploitées par le régime iranien, habile à diviser pour régner face à ses adversaires.
Cinquièmement, les États-Unis permettent au Hamas de faire des affaires avec l'Iran. Ils tentent de faciliter l'unité palestinienne entre le Fatah et le Hamas, qui ouvrirait une voie possible pour un accord de paix avec Israël. Or l’Iran encourage l'adoption par le Hamas des choix les plus néfastes, comme le retour d'une rhétorique destructive qui rend impossible toute forme de coexistence avec Israël et a fortiori, toute normalisation. Le financement iranien annule aussi les effets apaisants du « Taylor Force Act » qui interdit le financement de l'Autorité palestinienne par le contribuable américain si elle persiste dans son incitation permanente au terrorisme..
Séparément, chacune de ces politiques poursuivies à l’ère de Trump, pas sous Obama, est assez destructive. Prises ensemble, elles forment un modèle où l'on approuve du bout des lèvres la dé-certification et l'opposition à l'expansion militaire iranienne au Moyen-Orient et ailleurs. En même temps, on permet tacitement à l'Iran et à ses groupes fidèles de profiter de l'industrie de défense américaine tandis que les alliés de l'Amérique sont sacrifiés, un modèle de comportement familier issu de la précédente administration. Il est temps que l'administration Trump cesse de faire des moulinets avec les doigts et de perpétuer les politiques perdantes et dépassées d’Obama. Qu’elle rassemble ses énergies pour trouver des solutions.
Titre original : Trump, don't be Obama
Date de première publication : le 29 octobre 2017 dans Israel Hayom
Auteur : Irina Tsukerman, avocate à New York, spécialiste des droits de l'homme et de la sécurité nationale
Traduction: Jean-Pierre Bensimon
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