lundi 23 octobre 2017

Une mort lente attend l'accord iranien

La nouvelle stratégie américaine sur le dossier de l’Iran, présentée par le président américain le 13 octobre soulève de nombreuses incertitudes. Si le diagnostic est clair et peu contestable de bonne foi, les orientations ne sont pas limpides. Refuser de certifier que l'Iran exécute bien les dispositions de l'accord nucléaire de 2015 sans sortir de l'accord, et laisser au Congrès le soin de définir la conduite à tenir, ne donne pas l'image d'un exécutif agissant avec détermination selon des options opérationnelles claires. John R Bolton pose de ce point de vue des questions pertinentes. (NdT)

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Comme l'a fait observer Abba Eban, « les hommes et les nations se comportent avec sagacité quand ils ont épuisé toutes les autres possibilités. » Il en va ainsi de l'Amérique concernant  l'accord iranien. Le président Trump a annoncé vendredi que les États-Unis resteraient dans le Plan d'action Conjoint ou JCPOA, mais refuseraient de certifier comme la loi américaine le requiert, que l'accord est conforme à l'intérêt national. La «décertification», est pour beaucoup un objet brillant ou même étincelant. Or elle masque la vraie question qui est de savoir si le pacte doit survivre. M. Trump à «engourdi le serpent, mais il ne l'a pas tué »

Alors que le Congrès doit fournir une réponse, ou, plus probablement ne pas répondre, nous devons insister sur les graves menaces inhérentes à cet accord. Les questions périphériques ont souvent dominé le débat ; des forêts ont été sacrifiées pour débattre de la conformité de l’Iran aux termes de l'accord. Les propositions «d’amélioration» sont désormais abondantes, comme par exemple la suggestion de retirer les clauses de fin d'exécution du cœur de l'accord.

Or les dispositions du cœur de l'accord sont le danger central. Il n'y a pas de véritable «amélioration » possible pour cet accord mal conçu dans son principe. Des clauses de fin d'exécution n’ont jamais figuré dans le Traité de non-prolifération nucléaire dont l'Iran est membre, mais les mollahs l'ont quand même violé pendant des décennies.

Si les États-Unis quittent le JCPOA, ils n'ont pas besoin de justifier leur décision en démontrant que les Iraniens ont dépassé la limitation de l'uranium enrichi (bien qu'ils l’aient fait). Qui croyait que la Russie avait violé le Traité sur les missiles balistiques (bien qu'il l’aient probablement fait) quand le président Bush a décidé du retrait des Etats-Unis en 2001, mais ce n'était pas la question. La question était de savoir si le Traité sur les missiles balistiques était toujours stratégiquement pertinent pour l'Amérique. Il en est de même avec l'accord iranien. Il n'est ni déshonorant ni exceptionnel que des pays sortent d'un accord international qui contrevient à leurs intérêts vitaux. Comme Charles De Gaulle l'affirmait, les traités « sont comme les filles et les roses; ils durent ce qu'ils durent. »

Quand l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont entamé des négociations nucléaires avec l'Iran en 2003, ils ont souligné que leur objectif était d'empêcher les mollahs de maîtriser le cycle du combustible nucléaire « du début » (enrichissement de l'uranium) «à la fin » (le retraitement des déchets). Ils assurèrent à l'époque  à Washington que Téhéran aurait un accès aux seules applications nucléaires « pacifiques » comme la médecine et la production d'électricité. Les approvisionnements en combustible nucléaire et le retraitement périodique des déchets dans les réacteurs «pacifiques » de l'Iran serait encadrés par des garanties internationales.

Les Européens étaient si fermes qu’ils n'auraient pas même entamé des négociations si l'Iran n’avait pas accepté d'abord de suspendre toutes ses activités d'enrichissement. À ces conditions, le Secrétaire d'État de l'époque, Colin Powell, entérina leur initiative. Aujourd'hui, les avocats du JCPOA feignent d'ignorer combien Barack Obama et les Européens ont fait de concessions à l'Iran, cédant à son exigence de ne jamais renoncer à l'enrichissement de l'uranium.

La dérobade des Occidentaux a été une grave erreur. Indépendamment des limitations du JCPOA, en matière nucléaire. L'Iran bénéficie du droit de poursuivre l’enrichissement, la recherche et le développement. Il peut étoffer ses équipes de scientifiques et de techniciens spécialisés, accumulant ainsi un capital d'expérience de premier ordre en matière nucléaire. Ce sera un atout  inestimable pour les ayatollahs quand viendra le jour où ils décideront de ne plus dissimuler leur stratégie nucléaire véritable.

Les « améliorations » illusoires du Congrès ne feront qu’aggraver les choses. Les sénateurs Bob Corker et Tom Cotton ont suggéré de réimposer automatiquement des sanctions si l'Iran parvenait à réduire à moins d'un an la durée du «saut nucléaire». C'est une proposition naïve et dangereuse : l'Iran peut déjà obtenir en quelques jours des armes nucléaires, vu qu'il peut les acheter à la Corée du Nord. Lors du premier anniversaire de l'accord, M. Obama a dit que «le saut nucléaire a été étendu de deux ou trois mois à environ un an.» Au mieux, Corker-Cotton ratifieront la propagande éphémère et inexacte de M. Obama sans exercer de contraintes sur  l'Iran.

L'efficacité d'un mécanisme automatique de ce genre est fondée sur l'hypothèse que les États-Unis disposent d'une connaissance intégrale et sure de tous les aspects du programme nucléaire de l'Iran. En réalité il y a un sérieux risque que Téhéran abuse les Renseignements et les inspections. Alors, nous nous rendrions compte trop tard que Téhéran possède déjà des armes nucléaires.

La réalité incontestable, c’est que les sanctions économiques n'ont jamais empêché un régime implacable d'obtenir la bombe. C'est la leçon la plus effrayante de 25 ans d'échecs, dans les relations avec l'Iran et la Corée du Nord. Colin Powell m'a dit qu'il avait naguère mis en garde Jack Straw, le ministre des affaires étrangères britannique : « Jack, si vous voulez que les Iraniens acceptent vos options vous devrez leur mettre une hache au-dessus de la tête. » Les nouvelles propositions ne sont même pas une lame de rasoir émoussée.

Le JCPOA est assorti d'annexes qui n'ont jamais bénéficié de l'attention voulue. Prenez l'Annexe III qui envisage une coopération et une assistance à grande échelle avec l'Iran pour soutenir les aspects "pacifiques"» de son programme nucléaire civil. L'Annexe III envisage de faciliter l'acquisition par Téhéran de « l'état de l'art » en matière de réacteurs à eau légère, d'établir des collaborations dans de vastes programmes de recherche nucléaire, et chose surprenante, de fournir une protection contre "les menaces" qui pèseraient sur la "sécurité nucléaire" du programme iranien.

Cela fait étrangement penser à l'échec de l'accord-cadre de l'administration Clinton avec la Corée du Nord. De nombreux anciens de l'administration Clinton ont fait partie de l'équipe de négociation de M. Obama avec l'Iran. À Washington, rien n'est mieux gratifié que l'échec. M. Trump et ses partisans du Congrès doivent expressément répudier l'Annexe III et insister pour que l'Europe, la Russie et la Chine leur emboîtent le pas. L'accord nucléaire avec l'Iran que M. Trump a condamné à de nombreuses reprises tient à un fil. Le Congrès ne peut pas l'améliorer. Les hommes d'affaire américains et européens s'engagent à leurs risques et périls en investissant et en commerçant avec l'Iran. 

L’accord aurait dû trépasser la semaine dernière, il expirera à brève échéance.

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Titre original : A slow death for the Iran deal
Date de parution :  le 15 octobre 2017 dans The Wall Sreet Jounal
Auteur: John R. Bolton, ancien chargé des questions de désarmement par GW Bush et ancien ambassadeur américain aux Nations unies
Traduction : Jean-Pierre Bensimon

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