jeudi 2 novembre 2017

L’accord nucléaire avec l’Iran fonctionne-t-il correctement?

En Europe, le refus de Donald Trump de certifier la bonne exécution par l'Iran de l'accord nucléaire du 14 juillet 2015 a soulevé une grande inquiétude. L'Agence internationale de l'énergie atomique prétend, elle, que l'Iran exécute l'accord. Or il est indispensable de savoir si cet accord n'est qu'un simulacre servant à masquer la poursuite du projet d'armement nucléaire de l'Iran, ou s'il exprime la renonciation des mollahs à leur vieille aspiration : détenir l'arme suprême. Cette question est d'autant plus cruciale que l'Iran a donné depuis 2015 une dimension nouvelle à son expansionnisme au Moyen orient et dans les zones des grands détroits, Bab El Mandel et Ormuz. L'arme nucléaire iranienne ne risquerait-elle pas de donner une ampleur irrépressible à cet expansionnisme? L'analyse de MEMRI ci-dessous montre que l'accord ressemble fortement à une mascarade. Beaucoup tiennent, semble-t-il, à ce que l'on continue à fermer les yeux sur ses failles et sur les violations iraniennes. (NdT) 
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Introduction
Tous les partisans de l’accord nucléaire avec l’Iran (ou JCPOA pour Joint Complete Plan Of Action) s'appuient sur des déclarations officielles selon lesquelles «l'accord fonctionne». A l'appui huit attestations accordées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à l'Iran, certifiant l'exécution conforme de l'accord.
La réalité invalide cependant cette affirmation, à quatre niveaux:
a. Les violations de la lettre de l'accord, pas seulement de "son esprit", sur des sujets non pas marginaux mais critiques.
b. Les développements sur le terrain allant à l’encontre des objectifs de l'accord.
c. L’absence d'inspections effectives, rendant la certification de l'AIEA fantaisiste.
d. L'affirmation délibérément mensongère de l'AIEA, que de véritables inspections ont permis d'attester que l'Iran respecte l'accord.
La présente étude apportera la preuve que l'accord ne fonctionne pas.
A. Les violations du JCPOA
1. Section T - L'Iran refuse d'autoriser les inspecteurs de l'AIEA à surveiller les activités relevant de la section T de l'accord, qui interdit à l'Iran de mener des "activités susceptibles de contribuer au développement d'un engin explosif nucléaire".
La section T du JCPOA interdit à l'Iran de «concevoir, développer, fabriquer, acquérir ou utiliser des détonateurs multipoints adaptés à un engin nucléaire» et de «concevoir, développer, fabriquer, acquérir ou utiliser des systèmes de diagnostic explosifs» - à moins que ces activités ne soient "approuvées par la Commission mixte sur la finalité non nucléaire du programme iranien" et qu’elles demeurent "sous surveillance ".
Par conséquent, dans le domaine le plus critique de l'accord nucléaire – les mesures permettant d’obtenir l’explosion d’un engin nucléaire - l'Iran refuse d'autoriser le contrôle de son activité comme l'exige l'accord.
2. La construction de centrifugeuses avancées - L'Iran construit  et exploite des centrifugeuses avancées IR-6 et IR-8 en nombre  supérieur au plafond fixé par l'accord. [1]
3. L’eau lourde – La quantité effective d'eau lourde iranienne dépasse le plafond autorisé. Selon les pratiques de vérification standard de l'AIEA, les variations des stocks d'eau lourde sont enregistrées non pas lorsque l'eau lourde quitte le territoire du pays exportateur, mais seulement quand elle arrive dans le pays acheteur. Dans le cas de l'Iran, le calcul de la quantité d'eau lourde disponible n'inclut pas la quantité qui est stockée pour son compte à Oman, sans avoir été vendue. L’Iran continue de produire de l'eau lourde malgré ces dépassements.
4. Le cœur du réacteur au plutonium d'Arak - Selon Ali Akbar Salehi, directeur de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (AEOI) et membre de l'équipe de négociation nucléaire iranienne, l'Iran n'a jamais démantelé le cœur du réacteur au plutonium d'Arak. Il est conservé intact au prétexte que l'Iran en a besoin à des fins de recherche. Il a également déclaré que seuls les pipelines externes du réacteur ont été remplis de ciment et que l'Iran ne tardera pas à les réactiver [2]. Selon l'Institut pour la Science et la Sécurité internationale (IISS), l'Iran a également tenté de rénover la conception du combustible alloué au réacteur Arak modifié, ce qui n’est pas conforme aux obligations du JCPOA.
5. La production d'uranium enrichi à 5% - L'Iran continue à produire de l'uranium enrichi à 5%, au-delà de la quantité autorisée. Deux infractions de ce type ont été enregistrées par l'AIEA. L'Iran a  stocké ce surplus à Oman, selon une procédure qui n’est ni prévue ni autorisée par l'accord.
B. Les développements sur le terrain en contradiction avec les objectifs du JCPOA
1. Les 8,5 tonnes d'uranium enrichi exportées d'Iran selon le JCPOA n’ont pas été contrôlées par l'AIEA, et le chargement est introuvable en Russie, comme l'avait signalé le coordinateur principal du Département d'Etat de l’administration Obama sur l'Iran, Stephen Mull, lors d'une audience de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants en février 2016. (Théoriquement, puisque la localisation de l'uranium n'est pas connue, on ne peut pas écarter l’hypothèse que la Russie, alliée de l'Iran, l'ait renvoyé en Iran.)
2. Oman, un satellite politique de l'Iran, n'a pas la capacité d’affronter Téhéran. Il joue le rôle de plateforme de stockage des surplus iraniens d'eau lourde et d'uranium enrichi. Le transfert de ces ressources à Oman n'est qu'une fiction pour masquer le dépassement des quantités d'uranium et d'eau lourde autorisées par le JCPOA.
C. L’absence d'inspections effectives, rendant la certification de l'AIEA mensongère.
L'AIEA ne peut mener de véritables inspections en Iran. L’attestation de conformité de l'Iran au JCPOA est mensongère pour les raisons suivantes:
1. Les inspections permises à l'AIEA, qui ont conduit à la délivrance d’un certificat d’exécution conforme à l'Iran, sont cantonnées à un périmètre limité aux sites déclarés comme nucléaires par l'Iran de son propre chef. On ne peut pas visiter un autre site. En ce qui concerne les sites militaires, les responsables iraniens ont édicté que l'AIEA ne serait jamais autorisée à y entrer.
2. L'accord a créé un cadre d'inspection spécial pour l'Iran, moins strict que celui des autres membres du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Par exemple, l’application du  Protocole additionnel est subordonnée à l’agrément de l’Iran. C'est-à-dire qu'il n'est pas obligatoire pour ce pays alors qu’il l’est pour les autres. L’Iran peut donc abandonner à tout moment  le Protocole additionnel (qui requiert par exemple de permettre l'inspection des sites militaires) sans qu’il y ait violation du JCPOA. Autrement dit, l'Iran peut empêcher l'inspection de ses sites militaires à un double titre : parce qu’il est soumis au JCPOA et parce qu'il n'est pas lié par le Protocole additionnel.
3. L'accord a créé une instance politique suprême - le Comité mixte du JCPOA - afin de contourner les décisions de l'AIEA. Le Comité mixte est autorisé à transgresser les décisions de l’AIEA, qui est pourtant l'autorité professionnelle statutaire en matière nucléaire.
D. Le rôle de l'AIEA dans la falsification de la conformité de l’Iran et dans la procédure d’inspection.
1. L'AIEA ne fait pas état du refus de l’Iran d’autoriser les inspections selon les modalités la section T, ce qui est une violation du JCPOA. A la place l’Iran demande la mise en discussion du sujet au sein de l’organe politique, le Comité mixte.
2. L'AIEA a procédé à une inspection scandaleuse sur le site militaire de Parchin. Son but  était de clôturer le dossier des Dimensions militaires possibles (PMD) du programme nucléaire de l'Iran, conformément à une décision politique prédéterminée. Les inspecteurs de l'AIEA ne se sont pas rendus eux-mêmes à Parchin, et les échantillons ont été prélevés sur site par les Iraniens eux-mêmes et remis aux inspecteurs de l'AIEA. Il n’y a aucun moyen de certifier que ces échantillons-là sont bien ceux qui ont été remis à l'AIEA. En outre, le directeur général de l'AIEA, Yukiya Amano, n'a été autorisé à entrer à Parchin que quelques minutes, et il n'a pas pu apporter du matériel avec lui, pas même son téléphone portable. [3] Dans la foulée, l'AIEA a même accepté de ne pas interroger les experts du nucléaire iranien, ce qu’elle demandait depuis des années.
3. L'AIEA refuse d'exercer ses prérogatives en procédant à des inspections de sites militaires, comme l’y incite à la fois le Protocole additionnel et la Résolution 2231 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Et cela en dépit des déclarations du Secrétaire général de l'AIEA, M. Amano, qui clame qu’il a autorité pour inspecter les sites militaires.
4. L'AIEA agit vis-à-vis de l'Iran en violation de son propre système de contrôle des exportations d’eau lourde, auquel sont soumis des exportateurs comme que le Canada et l'Inde. [4]
Notes
[1] Voir le rapport de l'IISS "La conformité de l'Iran avec les limitations du JCPOA - Problème de rupture de centrifugeuse en Iran: conformité en cas d’accident", Isis-online.org, 21 septembre 2017
http://isis-online.org/isis-reports/detail/update-on-irans-compliance-with-the-jcpoa-nuclear-limits

[2] Voir MEMRI Enquête & Analyse No. 1341, « Direction de l'Organisation de l'Energie Atomique d'Iran: seuls les pipelines externes du réacteur d'Arak ont été remplis de Ciment, son cœur ne l’est pas; Dans les cinq jours, nous pouvons reprendre l’enrichissent de l'uranium à 20% », 1er septembre 2017. 
https://www.memri.org/reports/head-irans-atomic-energy-organization-only-external-pipelines-arak-reactor-were-filled


[3] ISNA (Iran), 21 septembre 2015.
[4] Voir MEMRI Enquête & Analyse n° 1348, « Le défaut critique du JCPOA est l’absence d'inspections effectives par l'AIEA. Les experts des missiles balistiques iraniens et des clauses de fin d’exécution du JCPOA ferment les yeux sur ces questions urgentes - Le besoin de véritables inspections maintenant »3 octobre 2017.https://www.memri.org/reports/jcpoas-critical-flaw-its-lack-real-inspection-iaea-those-focusing-irans-ballistic-missiles

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Titre original : Is The JCPOA Working?

Date de publication : 30 octobre 2017 dans MEMRI, Enquêtes et Analyses n° 1354

Auteurs : Yigal Carmon, President de MEMRI et A. Savyon Directeur de Iran Media Project de MEMRI

Traduction : Jean-Pierre Bensimon

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