Cela dure cinq minutes, c'est un tout petit événement, mais il en
dit beaucoup sur les recettes de l'antisémitisme d'aujourd'hui.
Le Crif et le Consistoire ont salué la déclaration américaine du 6 décembre reconnaissant Jérusalem comme capitale d'Israël ,et demandé publiquement au président français de lui emboîter le pas.
Ces deux associations ont l'habitude d'exprimer tant
bien que mal les opinions des Juifs français influents attachés à la Tradition.
Avec cette déclaration publique, elles se sont opposées frontalement à l'un
des piliers de la politique extérieure française, l'alignement sur la
communication palestinienne, censée exprimer la sensibilité de la rue arabe
dans le monde. Elles viennent donc de violer ainsi un code majeur de la sphère
politico-médiatique, très fermée, où elles disposent d'un strapontin. Elles
doivent donc être remises à leur place.
L'invitation d'Alain Finkielkraut à
une émission du matin sur LCI, "L'entretien d'Audrey" (1) le 10 décembre dernier en donnera l'occasion. La journaliste invitante, Audrey Crespo-Mara, a arrêté son
questionnement en conférence de rédaction, où plus vraisemblablement dans le
bureau de sa direction.
Audrey C-M sait que Finkielkraut viendra avec la valise
où il range ses boules puantes et la paire de bottes avec laquelle il adore patauger.
Les Juifs sont à l'origine des guerres
Les Juifs sont à l'origine des guerres
Elle va lui poser six questions relativement à la
reconnaissance de Jérusalem. La première
: "estimez-vous que le fait que Jérusalem soit reconnue comme capitale
d'Israël mérite une guerre?" La seconde est dans la lignée. Le message
subliminal de Mme Crespo-Mara, celui qui va réellement formater le cerveau et
l'émotivité du téléspectateur, c'est une antienne de l'antisémitisme: l'association
juif-guerre, l'équation juif=guerre. Les Juifs apportent la guerre, était on le
sait l'une des pierres angulaires de la propagande nazie, mais l'idée est aussi
au centre du fameux thème diplomatique français de la "centralité" du
conflit israélo-palestinien. "Centralité" veut dire que la paix au
Moyen-Orient et la paix mondiale sont mises en grave péril par "l'intransigeance
israélienne". Juif=guerre. L'invité
de Audrey C-M bafouillera une réponse où il soulignera le risque "d'embrasement"
lié à la décision de Trump, validant par là le lien entre la demande des
deux associations juives et le péril d'un conflit militaire. Il avait déjà chaussé
ses bottes, et déclenché son artillerie de boules puantes, exactement ce qu'on
attendait de lui...
La troisième question, anodine, "est-ce que [le
Crif] ne sort pas de ses prérogatives religieuses ... en France", ne fera
que rappeler, outre une certaine indigence de l'interrogatrice, que le code de
la parole publique a été violé par le Crif et que c'est inacceptable.
Les Juifs sont responsables de la montée de l'antisémitisme
Les Juifs sont responsables de la montée de l'antisémitisme
Les trois dernières questions se résument en une seule,
reprise avec ténacité: "le Crif ne fait-il pas monter encore
l'antisémitisme en France ?". Message subliminal : "ce sont les Juifs
qui sont à l'origine de l'antisémitisme, l'antisémitisme est de leur faute, ils n'ont qu'à s'en
prendre à eux-mêmes". C'est une seconde antienne immémoriale, énoncée naguère par
de Gaulle dans son style unique lors de sa célèbre conférence de 1967, parlant "du flot,
tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu'ils [les Juifs] provoquaient, qu'ils
suscitaient plus exactement, dans certains pays à certaines époques..." Il venait
justement de dire le "peuple dominateur" venait de "changer
en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu'ils formaient
depuis 19 siècles : ' l'an prochain à Jérusalem' ".
Quelles observations peut-on faire à l'issue
de ce minuscule épisode?
La première c'est, que l'on
attribue excessivement le "nouvel antisémitisme" aux populations
arabo-musulmanes issues de l'immigration. Elles sont en bonne partie sous
l'influence idéologique du radicalisme qui sévit dans la planète musulmane,
avec sa composante antisémite traditionnelle. Mais la porte d'entrée de ce
radicalisme est la question palestinienne que le consensus institutionnel
français et son bras médiatique enflamment périodiquement. Le "nouvel
antisémitisme" est avant tout un antisémitisme autochtone. Il se masque
derrière la grosse caisse de la propagande musulmane qu'il facilite, et il arme
ainsi le passage à l'acte de jeunes ignorants fanatisés de la "diversité".
La seconde, c'est que les promoteurs du
"nouvel antisémitisme", ici le personnel aux manettes de l'état français, comme les vrais acteurs toutes
les manipulations politiques, tiennent absolument à se dissimuler, à disposer des
écrans pour qu'on ne voie pas leur main. Ils mettent donc en avant des naïfs qui feront le
travail pour leur compte. Par exemple, qui était mieux placé pour ce job qu'un Juif éminent et pas toujours avisé comme Alain Finkielkraut? Il a d'ailleurs donné toute satisfaction. Audrey
Crespo-Mara aurait pu inviter Dieudonné à la place. Elle aurait obtenu des réponses comparables sur le fond, avec un style différent. Mais cela n'aurait pas "marché," cela aurait tourné à la catastrophe, alors qu'une opération politico-idéologique, cela doit "marcher".
C'est ainsi que des dizaines de
milliers de téléspectateurs, peut-être plus, ont intégré un peu plus dans leur subconscient
que les Juifs et la guerre cela va de pair, et qu'ils méritent bien
l'antisémitisme qu'ils suscitent. C'est loin d'être à la seule
"diversité" qui faut en faire porter le chapeau.
Jean-Pierre Bensimon
(1) voir https://www.lci.fr/replay/l-entretien-d-audrey-replay-du-dimanche-10-decembre-2017-2072965.html,
ou le script des questions qui nous intéressent dans l'interview https://fim13.blogspot.fr/2017/12/script-des-deux-interventions-dalain.html
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