Caroline Glick donne dans le texte traduit ci-dessous une analyse ample et originale de ce qui s'est joué quand Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, le 6 décembre dernier. L’enthousiasme de cette journaliste particulièrement lucide sur l’âpreté des combats en cours au Moyen-orient en dit long sur la nécessité pour Israël d'avoir des alliés fidèles au moment où les Pasdaran iranien déferlent sur la Syrie et le Liban. (NdT)
Tournant le dos à l'héritage de Barack Obama, Trump ouvre une voie nouvelle dans les relations américano-israéliennes.
En reconnaissant mercredi Jérusalem comme capitale d'Israël, le président Donald Trump a offert un cadeau de Hanouka au peuple juif. Et en même temps, un cadeau de Noël au peuple américain.
Le présent de Trump ne se résume pas à la reconnaissance de la capitale d'Israël par les Etats-Unis, 68 ans après le choix de l’Etat juif de Jérusalem comme capitale.
Lors de sa déclaration, Trump a dit: "Israël a installé sa capitale dans la ville de Jérusalem, une capitale que le peuple juif s’était choisie depuis l’antiquité."
En énonçant cette simple vérité, Trump a totalement rompu avec l'héritage anti-israélien de son prédécesseur, Barack Obama.
Dans son discours du Caire de 2009, celui-ci laissait entendre que la légitimité d'Israël découlait de l'Holocauste, plutôt que du lien millénaire de la nation juive avec la Terre d'Israël. Or, la Déclaration Balfour et le mandat de la Société des Nations justifiaient les droits souverains du peuple juif par sa relation de 3.500 ans avec la Terre d'Israël. Obama affirmait au fond qu'Israël n'était rien de plus qu'un camp de réfugiés situé dans un endroit peu accueillant. Ce faisant, il donnait crédit à l’idée calomnieuse qu'Israël serait une puissance colonialiste.
En soulignant le fondement réel de la légitimité d'Israël, Trump a fait clairement savoir que le peuple juif est un peuple autochtone sur la Terre d'Israël. Il a également intégré à la politique américaine le droit d'Israël d’exister indépendamment des circonstances, et son droit à une capitale.
Ce que Trump vient de donner à Israël est extraordinaire, c’est un acte de courage politique et moral. C'est aussi un coup de maître stratégique.
Pour comprendre pourquoi son initiative est à la fois courageuse et sage, il faut partir du contexte politique, institutionnel et géopolitique dans lequel il a agi.
Politiquement, Trump a fait sa déclaration dans une situation politique intérieure empoisonnée.
Les démocrates ont répondu à la victoire de Trump sur Hillary Clinton l’an dernier par une tentative de délégitimation de sa victoire. À cette fin, ils ont choisi de s'opposer frontalement à toutes ses paroles et à tous ses actes.
Ainsi, en dépit de leur soutien de longue date à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, les principaux sénateurs démocrates comme Cory Booker du New Jersey et Diane Feinstein de Californie, ont condamné sa déclaration. Ce rejet des Démocrates est un acte d'hypocrisie stupéfiant. Mais prévisible aussi.
Trump savait qu’ils s'opposeraient à sa décision. Et il savait également que leur opposition donnerait aux alliés de l’Amérique en Europe et dans le monde arabe la latitude de condamner publiquement son geste. Ils auraient été plus prudents si les Démocrates avaient soutenu leur président. Et malgré tout, malgré cette certitude, Trump est passé à l’acte.
Mais ce ne sont pas seulement les Démocrates, les Européens et les Arabes qui se sont délibérément opposés à Trump. Ses principaux opposants venaient de son propre gouvernement.
Depuis 1949, le département d'État est responsable de la politique américaine vis-à-vis d’Israël et du Moyen-Orient dans son ensemble. Et depuis 1949, le département d'État est hostile à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël.
Pire encore, il a contribué à saper les soutiens internationaux favorables aux droits souverains d'Israël à Jérusalem.
Par exemple, une note du département d'État de 1962 présentait la loi sur Jérusalem à McGeorge Bundy, le conseiller à la sécurité nationale de l’ancien président John F. Kennedy.
La note exposait à George Bundy l’opposition du département d'État à la volonté d'Israël de faire de Jérusalem sa capitale. Elle détaillait les efforts déployés par cette administration depuis plus d'une décennie pour obtenir des gouvernements entretenant des relations diplomatiques avec Israël la non-reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël et la non-localisation de leur ambassade dans cette ville.
Au fil des ans, divers présidents ont contesté la politique du département d'État vis-à-vis d’Israël. Ces conflits sont devenus publics suite à des frictions nées de l'hostilité institutionnelle de Foggy Bottom (*) envers Israël et pour des motifs politiques. De son coté, le peuple américain a soutenu Israël, et ce soutien n'a fait que croître au fil des ans.
Mais en dépit d’options politiques divergentes, aucun président en butte à l'hostilité excessive du département d'Etat à l'égard d'Israël n'a retiré le contrôle de la politique israélienne à cette administration.
Plus précisément aucun ne l'avait fait avant Trump.
Mercredi, de manière très publique, Trump a pris la main sur la politique américaine vis-à-vis d'Israël en général, et de Jérusalem en particulier, au détriment du département d’Etat. Les conséquences de ce renversement sont énormes, et entièrement positives pour les États-Unis. En particulier, deux implications de ce renversement honorent le peuple américain.
Dans sa déclaration, Trump affirmait: « Aujourd'hui, nous reconnaissons enfin l'évidence. Que Jérusalem est la capitale d'Israël. Ce n'est rien de plus ou de moins qu'une reconnaissance de la réalité. C'est aussi une bonne chose à faire. C'est ce faut faire. » Sous le contrôle du département d'État, pendant 68 ans, la politique étrangère des États-Unis concernant spécifiquement Israël et le Moyen-Orient a été élaborée dans un déni intentionnel de la réalité. Dans le cas de Jérusalem, plutôt que de reconnaître simplement cette ville comme la capitale d'Israël, le département d'Etat affirmait avec insistance que ce pays n'avait pas de capitale. Cette position était l’élément central de la politique d’ensemble des États-Unis au Moyen-Orient. Elle reposait sur un déni de réalité.
De même, pendant des décennies, les États-Unis ont fermé les yeux sur les pathologies multiples et systémiques du monde arabe et islamique. Ils ont fondé leur politique sur la fausse hypothèse que les problèmes du Moyen-Orient trouvaient leur origine dans le refus d'Israël d'apaiser suffisamment le monde arabe.
En rejetant la position du département d'État sur Jérusalem, et en soulignant que son attitude niait la réalité, Trump a ouvert une nouvelle voie à la politique américaine au Moyen-Orient, rivée à la réalité pour la première fois en trois générations.
Les bénéfices pour l'Amérique de cette politique de réalité sont aussi évidents que le statut de Jérusalem comme capitale d'Israël.
Cela nous amène au deuxième avantage que l'Amérique retirera de la déclaration de Trump sur Jérusalem.
Au cours des décennies précédentes, le pouvoir effectif du président sur la politique étrangère s’appréciait à l’aune de deux indicateurs: d’un coté l’écart entre les déclarations de la Maison Blanche et la tradition du département d'Etat, et de l’autre par les positions contradictoires des gouvernements d’Europe occidentale. Plus la distance entre les positions de la Maison Blanche, du département d'Etat et de l'Europe était grande, plus le président exerçait son autorité sur la politique étrangère.
La seule exception à cette règle a été Obama. Comme pour le département d'Etat et l'Europe, la politique étrangère d'Obama était fondée sur l’apaisement des ennemis des Etats-Unis au détriment de leurs alliés, en premier lieu d’Israël. Elle était également basée sur le vieux postulat qui prescrit que États-Unis doivent être en ligne avec l'Europe. Compte tenu de ses convictions, Obama pouvait promouvoir ses options en harmonie avec le département d'Etat.
Pendant le mandat d'Obama, les alliés et les ennemis de l’Amérique étaient certains que l’Oncle Sam ne leur poserait pas de problème et que le département d'État assurait la pérennité de la politique étrangère. Les Européens en sont venus à croire que malgré leur dépendance militaire et économique, les États-Unis s’aligneraient nécessairement sur leurs choix au moment d’élaborer leur politique étrangère, et non l'inverse. C'était bien le cas au Moyen-Orient où Obama les rejoignait avec empressement pour apaiser l'Iran et serrer la vis à Israël.
Concernant les ennemis de l'Amérique, Obama et son département d'État firent clairement comprendre aux Nord-Coréens et aux Iraniens que leurs avertissements n’étaient pas sérieux. Qu’ils ne feraient rien pour les défier vraiment. Et que pour les apaiser, l’Amérique feraient bon marché de ses alliés.
Avec un tel bilan, il était clair que Trump devrait prendre des mesures spectaculaires pour montrer aux alliés et aux ennemis du Nouveau Continent que les règles du jeu avaient changé.
Sa décision de reconnaître Jérusalem a joué ce rôle.
En reconnaissant Jérusalem comme capitale d'Israël au mépris de l'Europe et des Arabes, et privant le département d’Etat de sa férule sur la politique moyen-orientale, Trump a montré aux alliés et aux ennemis de l’Amérique qu’il prenait la main. Et qu’il était prêt à agir en dépit des menaces de représailles des ennemis de son pays, s’il pense que son action fait avancer ses intérêts.
La manœuvre de Trump n'était pas seulement brillante du point de vue stratégique. C'était aussi un coup de maître politique.
Prenons les réactions contradictoires de l’Union libérale pour la réforme du judaïsme (URJ) sur reconnaissance de Jérusalem. Avant la déclaration de Trump, le président de l'URJ, Rick Jacobs, condamnait Trump par anticipation. Selon lui, il allait nuire aux chances de paix entre Israël et les Palestiniens.
La déclaration de Jacobs, soutenue par des groupes clés au sein du mouvement réformiste, dissociait dans les faits le judaïsme réformé du sionisme. En donnant à l'OLP un droit de veto sur la souveraineté israélienne à Jérusalem, Jacobs prétendait au nom du judaïsme réformé que les revendications de l'OLP sur Jérusalem étaient plus valables que celles des Juifs.
Cette position manifestement anti-sioniste n'a apparemment pas très bien réussi avec la base réformiste. Moins de 24 heures après le discours de Trump, l'URJ publiait une nouvelle déclaration laudative pour le président.
Et les dirigeants de l'URJ n’étaient pas les seuls à faire une drôle de tête.
Trump prenait un risque pour sa côte dans les sondages d'opinion en approfondissant le soutien de l’Amérique à Israël, face à l'opposition virulente des Démocrates, du département d'Etat, des médias, des Européens et des Arabes, parce qu'il pensait que c'était la bonne chose à faire.
Et comme cela marche, son initiative s’avère politiquement astucieuse, et incroyablement courageuse.
En affrontant les Démocrates qui lui demandaient il y a quelques mois de prendre les mesures qu'il vient de prendre, mais qui s'y opposent à présent parce que Trump les a adoptées, il a montré à quel point Booker et Feinstein sont des opportunistes hypocrites. Dans le même temps, il s’est engagé dans une politique de soutien à Israël qui bénéficie d'un large soutien public.
En résumé, en reconnaissant Jérusalem comme la capitale d'Israël, Trump a clairement indiqué que le soutien américain à Israël n'était pas aléatoire. L'État juif, est soutenu par les États-Unis parce qu'il mérite ce soutien en tant que démocratie alliée.
Trump a pris le pas sur ses adversaires politiques en adoptant une position de politique étrangère profondément populaire.
Il a rompu l’emprise sur la politique étrangère d’un département d'État qui va à l’encontre de sa politique. Plutôt que la nier, il a choisi de faire de la réalité le fondement de la politique américaine au Moyen-Orient.
Il a averti les alliés et les ennemis des États-Unis qu'il menait désormais la danse en politique étrangère. Et il a fait un grand pas vers le retour de la crédibilité de l’Amérique en tant que superpuissance.
Tiens ! Il a fait tout cela sans dépenser un centime.
Pour ce qu’il vient d’offrit à Israël, Trump fait maintenant son entrée dans le panthéon des amis d'Israël inscrits dans les annales de l'histoire juive.
Pour ce qu’il vient d’offrit à l'Amérique, il prend place parmi les hommes d'Etat américains les plus astucieux.
Et pour sa maîtrise politique et économique, il entre dans les rangs des virtuoses de l'histoire politique américaine.
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(*) C’est le nom de l’un des plus anciens quartiers de Washington (NdT)
Titre original : Trumps’s Great and Ingenious gifts
Auteur : Caroline B Glick, essayiste isarélienne et journaliste au Jerusalem Post
Date de première publication : 07 décembre 2017
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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