lundi 15 janvier 2018

Les manifestations iraniennes portent un coup dur à l'un des piliers clés de l'accord nucléaire

Lorsque le président Barack Obama fut interviewé en 2015 par Jeffrey Goldberg, éditorialiste à The Atlantic, sur le futur accord nucléaire avec l'Iran, celui-ci demanda avec insistance au président s'il était bien sage de se fier la capacité de l'Iran d'agir rationnellement.
Celui-ci répondit :
Eh bien, le fait que vous soyez antisémite ou raciste ne vous empêche pas de vous intéresser à votre survie. Cela ne vous empêche pas d'être rationnel quant à la nécessité de maintenir votre économie à flot; cela ne vous empêche pas de prendre des décisions stratégiques sur la façon de rester au pouvoir; et donc le fait que le chef suprême soit antisémite ne signifie pas que cela l'emporte sur toutes ses autres considérations.
En substance, le président soutenait que la doctrine iranienne pouvaient être qualifiée d'«antisémitisme rationnel», qui, en soi, ne faisait pas planer un risque particulier de viol de l'accord.

En outre, Goldberg demanda au Président s'il ne pensait pas que l'analyse du Secrétaire au Trésor de l'époque, Jack Lew était un peu trop optimiste. Selon ce dernier, la majeure partie des revenus tirés de la levée sanctions serait utilisée pour construire l'économie et les infrastructures iraniennes plutôt que pour renforcer l'armée et ses milices supplétives. Obama répondit:
Comme [le président iranien] Rouhani et, par extension, le chef suprême ont pris une série d'engagements pour améliorer l'économie iranienne, les attentes sont  immenses. Vous avez vu la réaction des gens dans les rues de Téhéran après la signature de l'accord? Leurs attentes sont que [l'économie va] s'améliorer considérablement. Vous avez des élites iraniennes qui piaffent d'impatience à l'idée de faire des affaires et de sortir des restrictions qu'elles ont subies.
Donc, non seulement Obama a soutenu que l'intention antisémite déclarée de l'Iran était "rationnelle", ce qui assurerait le respect de l'accord nucléaire, mais aussi qu'il y aurait des contraintes politiques limitant l'agressivité régionale de l'Iran. En outre, il ajouta que les sanctions avaient paradoxalement renforcé le Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC), l'organisation militaire dont la mission est  non seulement de répandre la révolution iranienne à l'étranger, mais aussi de piloter les menées répressives du régime. L’allègement des sanctions "pourrait donc réduire" les moyens exceptionnels accordés au IRGR pour collecter des fonds au moment où les sanctions faisaient leur plein leur effet.

Les manifestations contre le régime de ces dernières semaines montrent cependant à quel point Obama avait mal évalué le comportement du régime iranien.

Plutôt qu'adopter un comportement rationnel et allouer les milliards libérés à l'amélioration des infrastructures civiles, Téhéran a utilisé sa manne pour lever une armée chiite régionale, soutenir le dictateur syrien Assad et livrer des missiles balistiques aux rebelles Houthis du Yémen. Les largesses consenties aux milices supplétives de l'Iran n'ont pas été sacrifiées au profit des manifestants.

Au lieu d'affaiblir le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et les Gardiens de la révolution, l'accord nucléaire les a renforcés.

Le régime vient d'annoncer qu'il avait arrêté quelque 3.700 manifestants dont au moins 22 ont été tués.

Il est assez clair que, contrairement aux affirmations d'Obama, l'accord sur le nucléaire a renforcé le bras de ceux qui allaient réprimer les manifestations.

Dans sa quête de l'hégémonie régionale, l'Iran a négligé les besoins de ses citoyens au bénéfice de ses ambitions grandioses, parmi lesquelles la destruction d'Israël. Certes, du point de vue de leur propre peuple, Khamenei, le président Hassan Rouhani et le reste du gouvernement, ont poursuivi irrationnellement leurs objectifs antisémites.

D'une certaine façon cependant, le comportement de l'Iran après l'accord nucléaire a été rationnel: il sait désormais jusqu'où il peut aller ce qui concerne le reste du monde.

Dans l'interview de Goldberg, Obama a affirmé, "nous continuerons à augmenter le prix qu'ils auront à payer, non seulement pour leur antisémitisme, mais aussi pour toutes les ambitions expansionnistes qu'ils peuvent nourrir."

En fait, l'administration Obama n'a rien fait de semblable. Nous savons maintenant qu'elle a laissé les massacres en Syrie se poursuivre à un rythme croissant, qu'elle a stoppé l'enquête sur les trafics de drogue du Hezbollah et qu'elle a permis à de nombreux Iraniens impliqués dans les activités de prolifération du régime de retrouver leur liberté.

Qassem Soleimani, le commandant de la Force al-Qods, l'élite des Gardiens de la révolution était  sous le coup d'une interdiction de voyager. En août 2015, juste après la conclusion de l'accord nucléaire, il s'est rendu à Moscou pour décrocher le soutien de la Russie à Assad. Au cours des deux dernières années, l'armée syrienne, soutenue par des avions russes et des milices chiites entretenues par l'Iran, ont repris une grande partie de la Syrie, tuant des milliers de personnes au cours de cette reconquête. Pourtant, à l'époque, ni les États-Unis ni aucun de ses partenaires de l'accord nucléaire n'ont pris de mesures contre cette violation flagrante du droit international.

Même maintenant, l'Union européenne vient d'inviter le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à des pourparlers. Tout ce monde semblait passer un bon moment, bien qu'il incarnait le visage d'un régime qui venant de réprimer  violemment une dissidence.

C'est de cette façon que l'Iran est rationnel. Tant qu'il sera convaincu que son agression ne le contraindra pas à payer un prix significatif, il continuera.

Le défi consiste maintenant à changer les termes de cette équation, et à rendre le comportement déstabilisateur de l'Iran trop coûteux pour qu'il se poursuive. L'équipe récemment annoncée par le ministère de la Justice pour enquêter sur le trafic de drogue du Hezbollah est un pas important dans la bonne direction. Si l'Union européenne n'est pas fâchée de faire du commerce avec le principal sponsor de la terreur dans le monde, les États-Unis pourraient bien se retrouver seuls et devoir utiliser leur influence financière pour contrôler l'Iran.



Auteur : David Gerstman

Date de publication : le 12 janvier 2018 sur le site The Tower

Traduction : Jean-Pierre Bensimon

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire