En s’abstenant de toute réaction, l'Amérique laisse croire à l’Iran qu’il a le champ libre, ce qui augmente la probabilité d’une guerre.
L'affrontement qui s’est déroulé au cours du week-end [le 11 février] entre Israël et les forces syriennes et iraniennes ouvre un nouveau chapitre dans le réagencement des puissances en cours au Moyen-Orient.
Pourtant, alors que la Russie, la Turquie et l'Iran prennent des positions affirmées dans la région et établissent un axe de pouvoir souple, l'Amérique est cruellement absente de l'équation géopolitique.
Le mois dernier, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a présenté à l'université de Stanford une nouvelle politique syrienne, faisant prévoir une extension sensible des objectifs américains dans ce pays, au-delà de la seule lutte contre l'État islamique.
Tillerson parlait de conserver une force militaire en Syrie non seulement pour combattre les terroristes affiliés à l'État islamique et à Al-Qaïda, mais aussi pour contrer l'influence pernicieuse de l'Iran.
Il suggérait également que les États-Unis allaient étendre leur présence militaire en Syrie en procédant à la mise en place d'une force de sécurité frontalière commune de 30.000 hommes, avec les alliés Kurdes, au nord de la Syrie.
Cependant, jusqu'à présent, les mots n'ont pas été suivis par des actes.
Quelques jours après le discours de Tillerson, la Turquie a intensifié son offensive dans le nord de la Syrie contre les forces kurdes patronnées par les États-Unis. Les forces turques soutenues par l’aviation militaire et l'artillerie ont capturé des territoires contrôlés par les forces kurdes, sans que Washington ne réagisse.
En tournant le dos aux Kurdes syriens, un groupe qui a contribué plus qu'aucun autre au combat contre l'EI, les États-Unis ont donné un signe avant-coureur de leur attitude dans l’hypothèse d’un conflit mettant directement Israël face au Hezbollah, à la Syrie, à l'Iran et peut-être même à la Russie.
Si l'administration Trump n'hésite pas à se croiser les bras quand elle voit la Turquie utiliser des F-16 fournis par les États-Unis contre de prétendus alliés dans le nord de la Syrie, comment faut-il interpréter les déclarations américaines soutenant le droit d'Israël de se défendre?
L’absence de réaction américaine en protection des Kurdes a des implications plus profondes. Elle renforce indirectement la Russie et l'Iran en ajoutant la Turquie à la liste des nations qui peuvent défier ouvertement les États-Unis. Elle sape l’autorité de l'OTAN, une organisation créée pour faire face à la Russie, en donnant à la Turquie, membre de l'OTAN, toute la latitude nécessaire pour servir les intérêts russes.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a consacré beaucoup de temps et d'énergie à l'amélioration des relations entre Israël et la Russie. Les deux pays ont des intérêts communs. Militairement, Israël est un élément stabilisateur dans la région. Il partage les activités de renseignement avec la Russie. Et les liens culturels entre les deux pays sont forts en raison de l’importante population russe d'Israël.
Mais sous la direction du président Vladimir Poutine, la Russie a ses propres sujets de préoccupation. Elle a payé le prix du sang du sang et dépensé des sommes astronomiques en soutien au régime d'Assad, afin de défendre sa base navale syrienne et ses installations militaires.
L'Iran a été pour elle, un allié important dans cette entreprise. Si la Russie devait choisir entre l'Iran et Israël, il n'est pas du tout évident qu’elle se rangeait du côté de Jérusalem plutôt que de Téhéran.
Le soutien des États-Unis est donc essentiel pour qu’Israël puisse jouir d’une liberté d'action militaire éventuellement indispensable contre l'Iran, dans le cas où son action serait combattue par la Russie.
Pourtant, Tillerson a été gardé ostensiblement le silence lors de la récente escalade entre Israël, la Syrie et l'Iran. Pour le moment, il n'a pas confirmé qu'il modifierait le programme de sa tournée actuelle au Moyen-Orient pour y inclure Israël. Son intention initiale de ne pas s’arrêter en Israël témoigne de sa répugnance à prendre des engagements.
La non-implication de Tillerson contraste avec le fort investissement de Condoleezza Rice, alors secrétaire d'État, lors de la seconde guerre du Liban en 2006. Rice était intimement impliquée à chaque étape du conflit et a contribué à sa résolution.
Les problèmes posés par la politique américaine en Syrie n'ont pas surgi avec Tillerson. En tolérant le viol des lignes rouges qu’il avait lui-même tracées, Obama a montré au monde que les États-Unis n'étaient pas sérieusement engagés dans la recherche d’une solution de la crise syrienne.
Il n'est pas trop tard pour que Tillerson change de cap.
Bien que la Russie se soit fortement impliquée dans la région, les États-Unis restent la nation la plus puissante, assise sur l'économie la plus importante et la plus dynamique du monde. Seuls les États-Unis ont la capacité de désamorcer la situation en Syrie en contraignant la Turquie à cesser ses attaques contre les Kurdes et en pressant l'Iran de se maintenir à l'écart des frontières d'Israël.
En s’abstenant de toute réaction , l'Amérique laisse croire à l’Iran qu’il a le champ libre, ce qui augmente la probabilité d’une guerre.
Titre original : Dangerous U.S. Inaction
Auteur : la rédaction du Jerusalem Post
Date de publication : le 12 février 2018
Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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