jeudi 1 mars 2018

L'Iran s'ancre en Syrie : Israël déçu par la passivité des États-Unis

Le désaccord entre Jérusalem et Washington s’approfondit  à la veille de la rencontre entre Netanyahou et Trump. "Nous sommes très inquiets", a déclaré un haut responsable de Jérusalem.

Un fossé semble se creuser entre Israël et les États-Unis concernant l'enracinement de l’Iran en Syrie, alors que Benjamin Netanyahou et Donald Trump doivent se rencontrer lundi prochain.

Des responsables israéliens se seraient plaints parce que les Américains n’en font  pas assez pour limiter l'influence de Téhéran dans la Syrie voisine. Alors que la question est considérée comme une menace aiguë et critique en Israël, les responsables américains la relèguent au rang de préoccupation mineure.

 "Il y a un grand écart entre les discours de Washington et ses actes", a déclaré mercredi un haut responsable israélien du front syrien, cité par Canal 10.

"Il est pratique pour les Américains de nous laisser la charge de combattre pour leur compte contre l'Iran en Syrie", a ajouté le responsable. "Nous sommes très inquiets."

Ces dernières années, Israël a lancé à plusieurs reprises des avertissements concernant l'Iran. Téhéran faisait tout pour renforcer sa puissance militaire en Syrie et fournir au Hezbollah des missiles de plus en plus précis, aggravant la menace du groupe terroriste vis-à-vis de l'État juif.

Le général Joseph Votel, chef du commandement central américain, a déclaré mardi que la mission de son pays en Syrie avait pour objectif de vaincre l'organisation terroriste de l'État islamique, plutôt qu’agir contre l'Iran.

Selon les informations  de Canal 10, lors de sa rencontre à la Maison Blanche la semaine prochaine, Netanyahou tentera de persuader Trump qu’il faut prendre des mesures immédiates contre l'Iran en Syrie, freiner son pouvoir  militaire et son influence diplomatique potentielle avant un accord futur  qui mettrait un terme à la sanglante guerre civile du pays.

La frustration de Jérusalem à l'égard de la politique américaine en Syrie s’est  exprimée principalement à huis clos, dans le cabinet de sécurité israélien de haut niveau, a souligné le reportage télévisé, mais elle est devenue publique ces derniers jours.

"Soyons directs. Une plus grande implication des États-Unis est indispensable pour s'assurer que l'Iran ne fasse pas de la Syrie un État fantoche ", a déclaré la semaine dernière le ministre de la Sécurité publique, Gilad Erdan, à la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines. "Chaque jour  où l'Iran s’incruste un peu plus  en Syrie, nous rapproche la guerre. Il n'y a pas de vide."

"Si les États-Unis choisissent de ne pas jouer un rôle majeur dans l'avenir de la Syrie, d'autres le feront - et croyez-moi, ce ne seront pas les représentants démocratiquement élus du peuple syrien", a ajouté Erdan dans son message à l'administration Trump.

Des responsables américains ont récemment fait état de la menace iranienne en Syrie, certains d’entre eux appelant l'administration Trump à agir.

Mardi, les sénateurs Lindsey Graham, un républicain de Caroline du Sud, et Chris Coons, un démocrate du Delaware, ont appelé avec force Washington à développer une politique plus claire face à l'influence de l'Iran dans la région, et à traiter avec son allié, la Russie.

Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson avait présenté en janvier une stratégie pour la Syrie au lendemain de la défaite de l'État .islamique, arguant que l'armée américaine devait rester  sur place pour faire obstacle à Téhéran.

"Le désengagement des États-Unis de la Syrie fournirait à l'Iran l'opportunité de renforcer sa position dans ce pays", déclarait-il alors.

 "Comme nous l'avons vu dans les guerres par procuration et les annonces publiques de l'Iran, ce pays cherche la domination au Moyen-Orient et la destruction de notre allié, Israël", ajoutait Tillerson. "En tant que nation déstabilisée et frontalière d'Israël, la Syrie constitue une opportunité que l'Iran est trop désireux d'exploiter".

Mardi, le général américain Votel a indiqué à un comité de la Chambre des Représentants à partir d’un document de 45 pages que "tandis que nous continuons à affronter le fléau du terrorisme, les activités malveillantes de l'Iran dans la région menacent à long terme la stabilité dans cette partie du monde."

Votel soulignait que l'armée avait réalisé des gains significatifs contre l'État islamique, ajoutant que l'Iran pourrait exploiter l'accent mis sur le groupe terroriste [l’EI] pour conclure des accords politiques, sécuritaires et financiers avec certains acteurs de la région.

Selon  Voice of America son rapport indiquait que la République Islamique d’Iran essayait d'établir un couloir, ou un "croissant chiite", à travers le Moyen-Orient.

"Ce qu'Israël signale de différentes manières, c'est qu'il y a ici une réelle menace pour la sécurité. Il y a une inquiétude, et nous le comprenons parfaitement, "  déclarait de son coté sur le Canal 10 un responsable américain "intimement impliqué dans la politique de l'administration Trump en Syrie. "

"Cependant, [pousuivit-il] tant  que le combat contre l'État islamique continuera, notre capacité de répondre de manière convaincante et complète au défi que pose l'Iran sera nécessairement moins pertinente que nous le souhaiterions. Et nous l'avons clairement fait savoir. Il y a une hiérarchisation des menaces et des priorités. »


Auteur : Michael Bachner, journaliste politique

Date de première publication : 01 mars 2018 in Time of Israel

Traduction : Jean-Pierre Bensimon

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